Les unités coloniales et la libération de Royan-Pointe de Grave

Les unités coloniales et la libération de Royan-Pointe de Grave

Les unités coloniales et la libération de Royan-Pointe de Grave

Lorsque l’on vient de parcourir cette riche et verdoyante campagne des Charentes et que l’on se dirige sur Royan, les regards s’arrêtent tout d’un coup, à peu près sans transition, sur les premiers ouvrages, témoins des dernières luttes qui se déroulèrent sur notre sol.
Arrivant du nord-est, de la région de Saintes, ce sont d’abord les vastes emplacements de l’artillerie française, puis, au fur et à mesure que la progression s’accentue vers le sud-ouest, les multiples trous individuels appuyés le long des haies ou rassemblés dans les zones défilées.
Avant de pénétrer dans le secteur fortifié, tout piqueté des cratères blanchâtres des récents bombardements, il faut encore franchir les champs de mines. Ces inévitables champs qui, ici, comme sur tous les fronts, ont séparé les adversaires pendant de longs mois.
L’œil réalise vite, à contempler les traces de ces pilonnages et des destructions massives, qui marqueront pour des années cette terre, que la préparation avait été soigneusement menée et que les Allemands ne pouvaient plus s’accrocher longtemps.
Du jour où le commandement français décide de liquider la poche, la répartition du « travail » fut méthodiquement établie et la mise en œuvre de moyens puissants prépara au mieux la percée de notre infanterie.
Pendant les semaines qui précédèrent l’attaque, l’artillerie et surtout l’aviation pilonnèrent mètre par mètre les retranchements allemands, et particulièrement les points d’appui fortifiés qu’ils avaient construits à loisir pendant les années d’occupation.
Les restes des défenses profondes de la côte et ceux des abris enterrés qui constituaient le chapelet des postes tournés vers nos troupes témoignent de la méthode et de la puissance de cette préparation. Seules les organisations des grands fonds n’ont pas trop souffert ; mais ces constructions souterraines ne servaient que d’abris ou de dépôts. Les Allemands ne pouvaient s’y battre. Le bombardement terrestre et aérien mit hors d’utilisation une bonne part des emplacements de batterie ou de combat construits au ras du sol ou faiblement enterrés. C’était tout ce qu’on voulait : les pièces antiaériennes, les pièces antichars, les armes automatiques, l’artillerie légère, presque tout le matériel qui doit fonctionner à l’air libre ou sous de moyennes protections a été aveuglé, retourné, déplacé. Il ne restait plus aux Allemands que le refuge de leurs profonds souterrains bétonnés et les dernières luttes désespérées de leur infanterie. Ici comme ailleurs, l’artillerie et l’aviation ont réussi à niveler une bonne part des organisations. Mais ce n’était pas la fin de l’ennemi puisque au moment de l’attaque finale, les mêmes fantassins, hâves et déterminés, surgissaient des décombres, prêts aux derniers abordages.
Notre infanterie a donc eu, en définitive, à liquider les restes de l’infanterie allemande, toujours brave jusqu’au fanatisme, entraînée par six ans de campagnes sur tous les fronts d’Europe et maintenue jusqu’à la fin par la dure discipline que nous lui connaissons. En fin de compte, c’est encore le heurt des infanteries qui devait décider de la situation.
Nous allons, ici, retracer rapidement, en hommage particulier à nos unités coloniales, les dernières manœuvres, les dernières luttes où elles contribuèrent, à la veille de la capitulation générale, à liquider la poche de Royan-Pointe de Grave.
Sur ces champs de bataille, comme sur tous les autres qui nous ont menés à la lente mais resplendissante victoire, les coloniaux ont apporté le tribut de leurs aptitudes guerrières, de leur parfait entraînement et aussi de leurs sacrifices héroïques.
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Le général de Gaulle remet la Médaille militaire au sergent-chef Doumbia, un ancien de Bir Hakeim (RFL).
Le général de Gaulle remet la Médaille militaire au sergent-chef Doumbia, un ancien de Bir Hakeim (RFL).

Comme chacun sait, il y eut deux zones principales d’opérations : La pointe du Grave et la poche de Royan. Les volontaires de la 2e division coloniale d’Extrême-Orient et le régiment AEF Somali travaillèrent sur la pointe de Grave.

Le BM.2 et le BMA.5, de l’autre côté de l’estuaire, participèrent à la liquidation de la poche de Royan.
Depuis le débarquement de juin 1944 en Normandie, les Allemands avaient eu tout loisir de s’installer dans ces derniers réduits et d’apporter tous les aménagements de défense nécessaires répondant à cette nouvelle situation qui leur imposait la formation de points d’appuis fermés.
Les garnisons de ces points d’appui disposaient d’une artillerie de côte puissante et de toute la gamme d’armes lourdes et légères d’infanterie et d’artillerie. Leurs effectifs comprenaient des spécialistes d’artillerie de marine, d’infanterie de marine, ainsi que de bons éléments d’infanterie, solides et entraînés, qui, malgré leur isolement de l’Allemagne et leur manque d’aviation et de chars, étaient encore bien décidés à se bien battre jusqu’à la fin.
Nos coloniaux savaient, pour la plupart, ce que cela signifiait et si quelques-uns étaient des novices, ils avaient du moins la ferme volonté de ne pas le faire remarquer. Bref, tout le monde y mit du sien et l’affaire fut enlevée dans de bonnes conditions.
Extrait de la Revue de la France Libre, n° 289, 1er trimestre 1995.