Le 2e RCP (4e SAS)

Le 2e RCP (4e SAS)

Le 2e RCP (4e SAS)

Au camp de Camberley dans le Sussex, depuis le départ de Bergé pour le Moyen-Orient, sont cantonnés ceux qui se sont engagés dans l’infanterie de l’air. Le capitaine Coulet qui les commande est remplacé en octobre 1942 par le lieutenant-colonel Pierre Fourcaud considéré comme un spécialiste du renseignement, rentré en Grande-Bretagne après plusieurs missions clandestines menées en France libre et occupée.

Les engagés volontaires qu’il découvre, pour le plus grand nombre, ont eu un parcours exceptionnel. Certains sont arrivés en groupe de Nouvelle-Calédonie et Tahiti, de Madagascar, mais aussi, en isolés, du Mexique, d’Uruguay, du Brésil, des Etats-Unis, du Canada.

Venant de France, beaucoup ont risqué leur vie pour rejoindre l’Angleterre, franchissant parfois la manche sur de petites embarcations de fortune, mais le plus grand nombre est passé par l’Espagne subissant, pendant de longs mois, un internement dans des camps où la maltraitance et les sévices étaient la règle.

L’ensemble de l’effectif ainsi rassemblé est à prédominance très jeune, il y a peu de soldats de carrière, de sous-officiers ou d’officiers. Issus de tous les milieux sociaux, étudiants parfois lycéens, marins-pêcheurs, paysans, commerçants, employés, ouvriers. Les plus âgés étaient avocats, enseignants, fonctionnaires, ingénieurs, journalistes, médecins.

En février 1943, après les opérations menées en Egypte, Cyrénaïque, Tripolitaine et Tunisie, les rescapés du French Squadron du « Special Air Service » ont été ramenés en Angleterre, avec une réputation justifiée, car les missions effectuées en Afrique du Nord de l’Est sortaient de l’ordinaire. Certaines sont déjà légendaires, mais une grande partie de l’effectif n’en est pas revenue. Accueillis en héros (deux d’entre eux sont faits Compagnons de la Libération par le général de Gaulle venu inspecter le camp de Camberley), ils vont être la base qualifiée, forte de l’expérience acquise lors des missions effectuées, pour conseiller et aider à la formation des jeunes enthousiastes qui ont choisi les parachutistes comme arme.

Le lieutenant-colonel Fourcaud qui reste un officier de tradition comprend difficilement la forme de combat préconisée par les anciens du French Squadron pourtant couronnée de succès. Cela amène son remplacement, le 25 octobre 1943, par le lieutenant-colonel Durand, ancien du corps franc d’Afrique.

Les paras de Camberley sont rejoints par une nouvelle formation de volontaires rassemblés en Algérie par le commandant O’Cottereau et regroupant des éléments divers provenant d’Afrique du nord, de Tripolitaine et du Moyen-Orient. Elle sera la base du 3e bataillon de l’infanterie de l’air.

Le général Browning commande les troupes aéroportées britanniques. Il a intégré les SAS dans son dispositif en vue de l’opération du débarquement sur les côtes de France. Le général Roddy Mac Leod qui les commande crée une brigade SAS qui comprendra quatre régiments (en réalité à effectif de bataillon), le 1er et le 2e SAS britanniques, le 3e et le 4e SAS français. Administrativement, le 3e SAS est le 3e BIA et le 4e SAS, le 4e BIA.

Le 6 novembre, le commandant Pierre Bourgoin prend le commandement du 4e BIA. Ayant rallié les Forces françaises libres en juin 1940 en Oubangui-Chari, il est affecté au bataillon de marche n° 2 avec lequel il participe à la campagne de Syrie au cours de laquelle il est blessé. En mars 1942, après un stage de parachutistes, il participe aux missions derrière les lignes ennemies engagées par le « Special detachement » britannique. Au cours d’une de ces opérations, il est grièvement blessé, sa jeep ayant été mitraillée par un avion ennemi. C’est guéri mais amputé du bras droit, qu’auréolé de ses faits de guerre, il devient le chef de cette unité de parachutistes et qu’il est à sa tête, dès le 17 novembre, quand le général Browning vient passer en revue les parachutistes de la France libre.

L’entraînement va débuter sans délai et un premier détachement de 40 officiers et sous-officiers est envoyé, le 27 novembre, à Cupar pour y suivre un stage d’instructeurs SAS et à Ringway, un stage de saut, à partir du 12 décembre, brevetait 50 officiers, sous-officiers et hommes.

Se déroulant en Ecosse où le régiment est cantonné, chaque homme est soumis à une préparation physique intensive complétée par une formation de base et une instruction spécifique se rapportant au type de combat prévu pour des petits groupes parachutés devant se suffire à eux-mêmes et ne compter, en principe, sur aucune aide ou secours extérieur. Une attention spéciale est portée aux conditions de déplacements de nuit qui devraient être la règle et aux techniques de sabotages les plus diverses.

Le 1er avril, lorsque le 4e BIA devient administrativement le 2e régiment de chasseurs parachutistes, mais pour le combat le 4e SAS, sa préparation est pratiquement terminée, l’unité prête à accomplir sa mission.

Le 27 mai, le 4e SAS fait mouvement pour le camp secret de Fairford, sans le squadron de jeeps qui reste en réserve. Le débarquement est proche, l’exaltation règne. Le 3 juin, le commandant du régiment entouré des chefs de chaque stick sont rassemblés par l’état-major SAS pour un briefing au cours duquel ils apprennent que, dans le cadre de l’opération « Overlord », quatre sticks seront parachutés en Bretagne dans la nuit précédent le débarquement, pour y créer deux bases. Deux nuits plus tard, sous le nom de « Cooney Parties », 16 groupes de sabotage de 3 et deux de 5 hommes seront parachutés pour des missions précises avant de rejoindre les bases.

L’ensemble de l’opération avait été défini dès le 21 mai 1944 suivant l’ordre d’opération top secret n° 9 de la brigade SAS.
1. Les instructions qui suivent sont vos ordres définitifs.
2. Vous établirez des bases sûres dans les quadrilatères W7595-W9295-W9282-W7582 (nom de code Samwest) et H2126-H4318-H4112-H1916 (nom de code Dingson).
3. Vous couperez, autant que possible, les communications entre la Bretagne et le reste de la France.
4. La partie de votre bataillon qui ne sera pas engagée dans les actions des paragraphes 2 et 3 sera gardée en réserve en Angleterre pour être employée soit en Bretagne, soit ailleurs en France en fonction de l’évolution de la situation.
5. Les troupes engagées en Bretagne continueront d’opérer selon les directives générales que j’ai données jusqu’à ce qu’elles soient relevées par les forces expéditionnaires alliées. Des ordres seront donnés alors pour leur emploi ultérieur, mais vous devrez vous assurer qu’elles soient auparavant retirées pour une période de repos et pour être rééquipées soit en France, soit en Angleterre selon ce qui semblera alors le plus approprié.
6. Vous avez entière liberté pour exécuter les missions données dans les paragraphes 2 et 3 ci-dessus de la manière que vous considérez la meilleure. Les missions données dans l’annexe 1 doivent être considérées comme les objectifs les plus appropriés pour les équipes chargées de les accomplir. Pourvu que l’objectif principal soit atteint, vous pouvez changer les points d’attaque.

En fait, l’intervention du 4e SAS était d’empêcher que les unités allemandes stationnées en Bretagne, appartenant à la 7e armée, aux ordres du général Dollmann : 77e division d’infanterie, 266e division d’infanterie, 343e division d’infanterie, 265e division d’infanterie, 275e division d’infanterie, 353e division d’infanterie, 3e division parachutiste, 5e division parachutiste, parviennent en Normandie pour y renforcer les défenses ennemies.

Dans la nuit du 6 au 7 juin 1944, les sticks de Botella et Deschamp vont créer la base de « Samwest » dans la forêt de Duault (côtes du Nord), et les sticks de Deplante et Marienne celle de « Dingson » dans le Morbihan. Dans la nuit du 7 au 8 juin, les 18 groupes de sabotage (mission Cooney parties) sont parachutés.

Les opérations de Bretagne sont lancées, sans avoir des informations sûres concernant la Résistance intérieure. C’est pourquoi les sticks sont parachutés secrètement (blind). Pourtant, à Samwest, dès l’arrivée des parachutistes, des maquisards qui les ont localisés leur apportent leur aide. Compte tenu de ce bon début d’implantation, entre le 9 et le 11 juin, 95 SAS commandés par le capitaine Leblond sont parachutés sur le site, mais les Allemands inquiets de ce rassemblement attaquent en force la base. Après de violents combats au cours desquels d’importantes pertes sont infligées à l’ennemi, l’ordre de dispersion est donné le 13 au soir, mais cinq SAS et deux maquisards ont été tués et plusieurs blessés grièvement. Les Allemands vont hélas déclencher de sanglantes représailles sur les populations.

Pour « Dingson », le regroupement a été difficile, car les Allemands ont détecté très vite l’arrivée des parachutistes qui avaient malheureusement été largués près d’un observatoire ennemi. Repérés dès leur descente, les radios du stick Marienne, séparés de leurs camarades à l’arrivée au sol, sont attaqués et Emile Bouétard est tué peu de temps après avoir retrouvé sa Bretagne natale. Il sera ainsi le premier mort de « Overlord ».

Guidés par des Résistants qui ont permis aux rescapés des deux sticks de se retrouver, les SAS rencontrent le chef FFI, Morizur, qui les amène à la ferme de la Nouette base d’un important maquis dans la forêt de Saint-Marcel. Un terrain d’atterrissage homologué dénommé « Baleine » est proche.

L’arrivée des SAS dans le Morbihan transmise avec rapidité provoque la venue de Résistants, individuelle ou en unités constituées, très motivées et bien organisées, mais peu armées. Cet afflux change la donne. Au lieu d’actions individuelles des sticks, il y a la possibilité d’opérer avec des effectifs nombreux s’ils sont armés et formés. Cette solution proposée à l’état-major SAS est acceptée avec beaucoup de réticences.

Dans la nuit du 10 juin, le commandant Bourgoin, son adjoint Puech Samson et une dizaine de sticks sont parachutés à Saint-Marcel. Les jours suivants comme ceux qui ont précédé, des centaines de containers sont déversés par les avions alliés, dans le but d’armer les bataillons de FFI qui cantonnent dans la forêt.

Ce rassemblement en un seul lieu, impossible à dissimuler longtemps à l’ennemi, est contraire à toute la stratégie du « Special Air Service ». Il inquiète depuis le début son commandement. Le risque est trop grand de voir ces combattants, ne disposant que d’armes légères, être assaillis par des forces aguerries, dotées d’artillerie et d’engins blindés. Un ordre de dispersion est finalement donné pour le 18 juin. Il va être devancé par les Allemands. Ceux-ci ont été sérieusement alertés par un parachutage de nuit de cent vingt containers en gare du Roc-Saint-André contrôlée par eux. Egalement, deux voitures de la Feldgendarmerie s’étant fourvoyées dans un sentier pénétrant dans le bois de Saint-Marcel ont été détruites, mais l’un des occupants s’est échappé. Il a confirmé ce que les Allemands n’ignorent plus et qu’ils se préparent déjà à attaquer.

Le 18 juin dans la matinée, trois cents parachutistes allemands, une compagnie de la 275e division d’infanterie et des commandos de chasse partent à l’assaut de la base de Saint-Marcel et tentent de l’encercler. Après avoir subi un coup d’arrêt, les renforts dépêchés ont percé les défenses où les SAS et les maquisards se battent au coude à coude. Le risque d’une coupure de leur position n’est évité que grâce à l’intervention de l’aviation. Dès la fin du jour, l’évacuation et la dispersion s’effectuent qui se terminera par la destruction d’une partie importante des stocks d’équipements, matériels, vivres, parachutés depuis dix jours. A la suite de cet affrontement, une féroce chasse à l’homme va être déclenchée par la gestapo locale qui fusillera un grand nombre des SAS capturés.

La Bretagne libérée, le 3e SAS, à la demande du colonel Bourgoin, est équipé de jeeps pour mener l’opération « Spencer » qui, en avant-garde des unités alliées, opérera dans les départements du Loir-et-Cher, de l’Indre et de l’Allier jusqu’au 14 septembre. Ces opérations terminées, le régiment est regroupé à Esternay dans la Marne.

Fin décembre, la contre-offensive allemande de Von Rundstedt dans les Ardennes, ayant enfoncé les défenses anglo-américaines, la ligne du front est devenue floue, imprécise. Le 3e SAS commandé par Puech Samson étant entièrement équipé de jeeps depuis l’opération « Spencer » reçoit l’ordre de rejoindre la région de Sedan pour y effectuer des reconnaissances. C’est par un froid sibérien que 195 SAS disposant d’une quarantaine de jeeps, vont patrouiller dans un secteur où amis et ennemis sont difficiles à situer. Après des semaines de patrouilles, des sticks SAS entreront les premiers à Saint-Hubert et Bertrix. Rejointes par des éléments du 8e corps d’armée américain le 24 janvier, les jeeps du 4e SAS seront relevées de leur mission le 25.

Après avoir regagné leur cantonnement d’Esternay le 19 février 1945, l’effectif du 4e SAS embarque pour Rendelsham dans le Suffolk. Deux mois d’entraînement et, dans la nuit du 7 au 8 avril, le régiment est parachuté dans la province de Drenthe en Hollande pour l’opération Amherst.