Les Amis des Volontaires Français

Les Amis des Volontaires Français

Les Amis des Volontaires Français

Le comte de La Warr, actuel président de l’association du A.V.F., le plus actif des groupements qui se constituèrent pour aider les Français Libres a bien voulu accepter de nous présenter lui-même l’historique de cette association.

Nous le remercions de son obligeance, et sommes très honorés d’une collaboration qui renouvelle les liens affectifs qui nous sont précieux.
Mon Général,
Vous me demandez, Mon Général, en tant que président des A.V.Fs. de vous raconter les débuts de notre association. Il est quelquefois difficile de reconstruire les événements, surtout dans le moment si poignant qui l’a vu naître.
Les mots, les locutions, les tournures de phrases s’internationalisent, permettez-moi donc d’utiliser une expression américaine : « The operative word is… » c’est-à-dire le mot important… le mot à souligner… le mot révélateur est… ». Dans le nom que nous avons choisi pour notre œuvre « Association des Amis des Volontaires Français », le mot « opératif » est amis qui révèle non seulement notre attachement à la cause commune, à notre alliance politique, mais aussi la part que nous avons prise à vos malheurs, à l’affectueux accueil que nous voulions vous faire et surtout notre grand désir d’alléger vos souffrances.
Pour la plupart de mes compatriotes, la défaite et l’armistice de juin 1940 ont bouleversé leurs cœurs, ce n’est que le cri « La France a perdu une bataille, elle n’a pas perdu la guerre », qui nous a réconfortés et rassurés.
Dès le début de la guerre, un grand nombre de comités se sont constitués pour venir en aide à nos amis d’outre-Manche. Ce nombre s’est accru avec l’arrivée d’abord d’un contingent de soldats français qui, selon votre historien Lucien Remier, était presque aussi nombreux que les forces britanniques sauvées à Dunkerque et Calais, et plus tard par l’arrivée de groupes qui n’acceptaient pas la défaite.
Avec un petit groupe d’amis nous avons formé un comité pour organiser la cantine du quartier général et un club d’officiers qui, malheureusement, fut détruit par une bombe le jour de son inauguration.
Voyant l’immense bonne volonté et les nombreuses petites organisations qui s’efforçaient de venir en aide aux Français parmi nous, le général de Gaulle demanda à un de ses meilleurs collaborateurs de consulter un des membres de notre comité pour étudier la possibilité de former un comité plus important et pour ainsi dire officiel. Ce comité serait formé de personnalités britanniques auxquelles furent adjoints des officiers français pour servir de liaison avec le quartier général. Le premier président d’honneur fut lord Tyrrel, ce grand ami de la France. On me fit l’honneur de me nommer le président du comité exécutif et lord Ivor Churchill le secrétaire général. Au début, l’idée avait été de venir en aide aux volontaires des trois armes, mais bientôt d’autres problèmes durent être résolus par nous aussi.
Aux cantines, cercles, clubs, maisons de repos, de convalescence, de vacances, aux vestiaires, aux dons d’équipements de toutes sortes, à l’aide financière, médicale ou d’hospitalité, en un mot ce qu’on appelle ici le Welfare of the Forces, vint s’ajouter l’aide aux prisonniers de guerre, aux hospitalisés, aux familles des combattants et aussi aux milliers de civils, hommes, femmes et enfants qui étaient venus se réfugier dans cette autre Bretagne qu’un Français à si joliment décrite en septembre 1940 : « Cette île du courage ».
Parmi ces civils, il y avait des représentants de toutes les professions et de tous les métiers ; il fallait les caser, les héberger, leur donner la possibilité de gagner leur vie. Dans le Sud-Ouest par exemple, il y avait des centaines de pêcheurs normands et bretons, avec souvent des familles nombreuses ; A.V.F. a aidé à rééquiper leurs bateaux, leur donner les outils nécessaires, organiser des écoles françaises ; A.V.F. a aidé beaucoup d’étudiants ainsi que les Saint-Cyriens de Malvern, ces jeunes gens qui se sont si bien conduits sur tous les fronts. Quatre (1) fournées d’officiers sont parties d’ici pour ajouter par leur courage à la gloire de leur patrie.
Entre autres activités, A.V.F. a organisé une crèche à Ascot, crèche dont l’équipement vient d’être donné à la pouponnière modèle qu’est Tolvast près de Cherbourg. Mais les activités A.V.F. ne se sont pas bornées aux Français en Grande-Bretagne, cigarettes et autres dons furent parachutés aux résistants et quatre jours après le jour J, des représentants A.V.F. commençaient leur travail en Normandie.
En surcroît de l’aide apportée aux combattants, il nous a fallu aider les civils si cruellement éprouvés sur les champs de batailles même. A.V.F. a ouvert des vestiaires pour les rapatriés et pour les Victimes de Guerre, des cliniques ambulantes pour vacciner les enfants de cette Normandie dévastée et dans nos foyers a pu secourir et soulager beaucoup les habitants des villes et villages sinistrés. Un de nos foyers, celui de Falaise, existe encore avec sa crèche, ses baraquements où les vieillards se retrouvent dans une ambiance confortable. Nous espérons d’ici peu pouvoir remettre ce qui nous reste encore là-bas à une organisation française. Mon Général, je crois que les A.V.Fs. ont démontré que pour la plupart de mes compatriotes vous étiez et restez encore ce que Sir Winston Churchill a dit dans son discours du Guildhall, il y a quelques jours, « France our cherished Ally ».
Veuillez agréer, Mon Général, l’expression de mon cordial dévouement.
Earl de La Warr
Les A.V.F.
(1) Cinq promotions sont sorties de l’École Militaire des Cadets (et non quatre) à laquelle il est fait allusion ici. (N.D.L.R.).
Extrait de la Revue de la France Libre, n° 64, janvier 1954.