Les écoles d’élèves officiers de la France Libre. Les aspirants de Damas

Les écoles d’élèves officiers de la France Libre. Les aspirants de Damas

Les écoles d’élèves officiers de la France Libre. Les aspirants de Damas

On dit que les guerres sont perdues par les généraux, c’est peut-être vrai.

Des gens bien, très peu en vérité, prétendent que les batailles sont gagnées par les “chefs de section”, c’est sûrement vrai. Comme il est vrai d’écrire que le rendement de ceux-ci est fonction très directe de l’influence des commandants de compagnie lesquels à leur tour, etc.

Ce qui est certain, c’est que le chef de section doit faire preuve de modestie, patience, psychologie, science guerrière, rapidité de réflexe, etc., et doit être bien persuadé que le baroud consomme énormément de gens de l’espèce.

En juillet 1941, il y avait déjà de nombreux vides à combler dans les unités qui avaient combattu au Gabon, en Libye, en Érythrée, en Syrie, il fallait encadrer les deux ou trois bataillons ralliés en Syrie, et le faire très vite. C’est pourquoi 82 candidats au grade d'”aspirants des F.F.L.” se trouvaient réunis à Damas, à la caserne Soudoie, le 9 août 1941, et que leur instruction commençait immédiatement sous la direction du capitaine Magny, du capitaine d’Allonnes et du lieutenant Courant.

Galopade effrénée de sept semaines.

Les impétrants (provenant de la coloniale, de la Légion, des chars, des spahis) avaient déjà, pour la plupart, tâté de la bagarre (excellente P.M.S.) ; ils étaient censés connaître le règlement intérieur et bien entendu l’école du soldat avec ou sans armes. Les sept semaines purent donc être spécialement consacrées aux finesses du combat (dont le premier fut livré aux millions de punaises du quartier Soudoie), sans oublier les cours d’escrime (deux fois par semaine, de 21 heures à 24 heures) et les leçons d’équitation du dimanche matin sous la haute direction du chef d’escadron de Villoutreys (nombreuses furent les chutes banales et classiques, les amerrissages dans la boue nauséabonde du fossé du manège).

Les cours d’armement éblouissants de clarté rendaient d’autant plus attrayantes les séances de tir à toutes les armes connues, du tromblon V.B. au canon de 75.

Conférences sur le terrain, conférences de chambre à Damas et à Beyrouth. Le général de Larminat nous parla un jour de son temps d’aspirant, des grandes idées des stratèges de 1914 – dont la plus originale fut peut-être, la “formation en tortue” – et nous adjura de ne pas céder aux facilités du système D.

Le commandant de Chevigné évoqua des souvenirs de la “drôle de guerre” qu’il avait faite dans les corps francs. Les histoires de Russie, racontées par le capitaine X… (était-ce le R.P. Florent ?) nous intéressèrent énormément. Et nous comptions le nombre de “par conséquent” dont le capitaine Mirkin ponctuait abondamment ses leçons de tactique.

Comme dans tous les pelotons, les candidats prenaient à tour de rôle le commandement des sections et une victime, “l’élève du jour” était désignée pour commander l’ensemble et recevoir les observations dénuées de tendresse du capitaine Magny : la présentation de la compagnie à 6 heures du matin, était une dure épreuve car il semblait – c’était à en pleurer – à l’élève de jour que jamais il ne pourrait arracher aux délices du jus ceux qu’il avait charge de rassembler ; et le capitaine Magny arrivait à l’heure, en trombe. Compensation agréable (pour le 2e classe surtout), le droit de prendre à partie, suivant les termes consacrés, le collègue adjudant : “Eh là-bas ? Vous, oui, pouvez pas vous aligner ? Êtes-z aveugle ? Encore cet adjudant, etc.”.

Donc, après deux semaines consacrées au combat du groupe, trois semaines au combat de la section, les élèves aspirants légèrement abrutis allèrent à Beyrouth assister à des manœuvres dites d’ensemble. Détente agréable et bien méritée. Et au retour ils furent invités à démontrer, devant des examinateurs quelquefois féroces, tout le profit qu’ils avaient su tirer de ce cours-éclair de guerre.

Fin octobre, le colonel Delange vint lui-même annoncer aux 52 heureux élus qu’ils pouvaient se parer du noble titre d’aspirant (définition de l’aspirant : qui aspire à ne plus l’être). Après avoir bu un dernier pot ensemble, lauréats et recalés s’en furent fleurir la tombe du colonel Genin dont la promotion portait le nom.

Et chacun partit de son côté.

Toujours à Damas et pendant la même période, se tenait un cours d’E.A. d’artillerie (cinq nominations).

Le génie et les transmissions héritaient à leur tour, deux mois plus tard, de six aspirants et de deux en juin 1942.

En mai 1942, 26 aspirants étaient nommés dont un grand nombre choisirent les parachutistes. Mora voudra peut-être bien raconter ce que fut ce cours.

Aspirants de Damas, histoire lointaine et quelque peu oubliée. Mais de l’histoire.

Extrait de la Revue de la France Libre, n° 24, janvier 1950.