Le colonel de Roux à Bir-Hakeim

Le colonel de Roux à Bir-Hakeim

Le colonel de Roux à Bir-Hakeim

Le capitaine de Roux, en séjour colonial en Oubangui-Chari comme chef de la subdivision de Bouar-Baboua, refuse la capitulation de 1940 et déclare continuer la lutte.
Malgré l’opposition et les menaces des chefs civils et militaires du territoire, il contribue à rallier l’Oubangui-Chari à la France Libre le 27 août 1940, ce qui lui vaut sa nomination de chef de bataillon par le général de Gaulle.
Pour rendre son action plus efficace, il organise immédiatement le territoire puis forme le Bataillon de Marche n° 2 de l’Oubangui-Chari, avec des volontaires blancs et noirs décidés comme lui à se battre jusqu’à la libération de la France.
Il en prend le commandement et le met aussitôt en route vers un théâtre d’opérations, via Pointe-Noire, cap de Bonne-Espérance, Suez.
Après un voyage long et mouvementé, après les affaires du Moyen-Orient, le voici enfin sur le champ de bataille du désert avec la 1re Brigade Française Libre commandée par le général Kœnig et faisant partie de la VIIIe armée anglaise, il arrive à Bir-Hakeim, plaque tournante du désert, le 16 avril 1942.
Dès lors, ce chef de taille moyenne mais très grand par sa valeur militaire, son esprit humanitaire et son amour de la patrie, doit faire triompher son idéal.
Persuadé que la mission des Français Libres à Bir-Hakeim sera difficile et dangereuse mais déterminante pour la stratégie alliée, il met immédiatement tout en œuvre pour contribuer à son accomplissement, dans le succès.
Il installe son bataillon dans le secteur qui lui est attribué, avec des plans de feux minutieusement étudiés, des consignes impératives, qui seront quelques jours après complétés par des tirs d’artillerie repérés et numérotés par le chef d’escadron Champrosay.
Il organise attentivement son ravitaillement en vivres, eau, essence et munitions ainsi que les liaisons avec le P.C. de la brigade, les P.C. des unités et des observatoires.
Soucieux de contribuer à l’accomplissement de la mission confiée aux F.F.L. de Bir-Hakeim, au-delà des prévisions, il tient à s’assurer que la liaison des feux est totale entre tous les secteurs.
Pour se familiariser et familiariser sa troupe avec les déplacements à la boussole à travers le désert, il organise des patrouilles de reconnaissance et de prise de contact avec l’ennemi ou de liaison avec les unités alliées.
Il est souvent en avant de la position avec sa V.L. armée d’un fusil-mitrailleur, d’une automitrailleuse type français, armée de canon 37 mm et de mitrailleuses, pour parer à toutes éventualités, dans sa poursuite d’étude des réactions et des comportements ennemis, à l’égard des Jock-Colonne toujours au contact.
Nommé lieutenant-colonel, de Roux conserve le commandement de son bataillon tout en étant adjoint au général Kœnig. En accord avec ce dernier, il autorise le lieutenant Conus, du B.M. 2, à armer les Brens du bataillon (chenillettes de reconnaissance) de canons de 25 mm et de mitrailleuses, lesquels doivent rapidement surprendre les patrouilles ennemies et leur infliger de lourdes pertes.
Dans la nuit du 25 au 26 mai, la Jock-Colonne composée de deux groupes mobiles, comprenant deux compagnies de F.V. du B.M. 2 de l’artillerie et des antichars, sous les ordres du commandant Amiel, après de violents combats, rentre à Bir-Hakeim, guidée par une patrouille envoyée en avant du champ de mines, par le colonel de Roux.
Le 27 mai, attaque générale de la position, par la division italienne « Ariete » laquelle subit de lourdes pertes, 40 chars détruits et 78 prisonniers, dont le colonel italien Marrazzani, duquel de Roux obtient de nombreux renseignements très utiles au général Kœnig.
Le 2 juin, alors que l’armée Rommel a dépassé Bir-Hakeim et qu’elle file sur Tobrouk, une Jock-Colonne F.F.L. coupe tous les convois ennemis dans la région de Rotonda-Signali, à 50 kilomètres de Bir-Hakeim, ayant malheureusement beaucoup de blessés, elle fait appel par radio à Bir-Hakeim, pour l’envoi de sanitaires en vue d’évacuation urgente.
Le général Kœnig demande au colonel de Roux de lui trouver rapidement un officier susceptible de se rendre de nuit à Rotonda-Signali, à travers les postes ennemis et en franchissant le champ de mines situé en bordure de ce secteur. De Roux, convaincu des difficultés et du danger présentés par cette mission, fait passer le devoir avant l’amitié, en désignant pour l’accomplir le lieutenant Valli du B.M. 2, lequel, par miracle, après une nuit d’enfer, rejoint la Jock-Colonne et ramène, à 13 h 30, tous les blessés à Bir-Hakeim.
Le 4 juin, Rommel revient sur Bir-Hakeim, avec l’Afrikakorps, cerne la position et la fait harceler par une importante artillerie de 6 heures du matin à la tombée de la nuit, avec trois ou quatre bombardements de Stuka, suivis d’attaque d’infanterie, ce qui détruit la plupart des moyens de liaison et occasionne d’importantes pertes en hommes et matériel. Cela n’impressionne point le colonel de Roux, mais le pousse à une extrême vigilance, qui lui facilite les interventions directes et rapides sur les points les plus menacés.
Le 7 juin, alors que la 5e compagnie du B.M. 2, commandée par le commandant Amiel, est en difficulté à la suite de violents bombardements et d’attaques d’infanterie, grâce aux Brens du lieutenant Conus que de Roux fait intervenir d’urgence, l’attaque est stoppée.
Il en est de même le 9 juin, pour la 6e compagnie du B.M. 2, commandée par le capitaine Tramon, qui se trouve fortement menacée après une journée de très durs combats. Elle est dégagée par un tir d’arrêt d’artillerie déclenché rapidement sur demande directe du colonel de Roux.
La plus pénible journée passée à Bir-Hakeim est celle du 10 juin. Elle commence par une visite du B.P. 1, où le colonel Broche, commandant le bataillon, et le capitaine de Bricourt sont tués par le même obus, ce qui permet au colonel de Roux très estimé par cette unité, un peu désemparée, de redonner confiance à la troupe ainsi qu’à ses chefs.
Puis regroupant la 6e compagnie, il remplace le commandant de la compagnie, grièvement blessé au cours du dernier combat, par le lieutenant Valli, du groupe de commandement du bataillon, et la fait contre-attaquer à 16 h 30, en vue de soutenir la compagnie de Légion fortement menacée.
Enfin, la nuit arrive et l’ordre d’évacuation de la position est donné. Aussitôt, il rappelle le lieutenant Valli à son P.C. et donne les ordres à son bataillon chargé de l’arrière-garde.
Pour tromper l’ennemi et faciliter l’évacuation totale de la position, il donne la consigne écrite au lieutenant Blanchard, d’avoir à passer dans tous les secteurs, avec un véhicule armé de fusil-mitrailleur et tirer quelques rafales dans chaque secteur, de 22 heures à 3 heures du matin, puis, rejoindre la brèche et sortir avec les derniers éléments.
Ce n’est qu’à 3 h 30 que le colonel de Roux arrive à la brèche, accompagné du lieutenant Valli et d’une partie de son groupe de commandement, après s’être assuré que toutes les unités avaient quitté la position. Il intervient énergiquement pour activer la sortie des derniers éléments, retardés par de nombreux morts et véhicules en flammes, obstruant le passage et aussi par le tir d’armes automatiques ennemies dont les fusées à parachute facilitent la précision.
À 6 h 30, il rejoint le point de ralliement fixé par les Anglais après avoir accompli sa mission avec courage et compétence et avoir contribué à affirmer à la plus puissante armée allemande : l’Africakorps, que les Français Libres savent se battre et qu’ils joueront un rôle déterminant dans la victoire finale.
Une conduite aussi lucide et aussi courageuse, qui savait provoquer tant d’amitié et de dévouement démontrait que le colonel de Roux possédait toutes les qualités d’un grand chef, malheureusement, il nous fut enlevé quelques semaines plus tard, victime d’un accident d’avion.

François Valli
Extrait de la Revue de la France Libre, n° 170, septembre-octobre 1967.