Le Comité de la France Libre de São Paulo

Le Comité de la France Libre de São Paulo

Le Comité de la France Libre de São Paulo

C’est à la fin de juin 1940, que le docteur Auguste Vergély pria Jacques Funke, Roger Gaillard, Pascal Inneco et quelques autres de venir à son cabinet de São Paulo : sur son initiative, la création d’un Comité fut décidée pour répondre à l’appel que le général de Gaulle venait de lancer sur les ondes.
Quelques jours plus tard, Georges Tresca, Lucien Oppenheim, Jacques Boud’hors, Maurice Demolein et Henri Albaux apportaient leur adhésion et la première réunion se tint sous la présidence du docteur Vergély.
Au mois d’août, le colonel Guériot vint de Rio de Janeiro pour donner les directives au groupement qui comptait déjà 60 membres : le docteur Vergély, alléguant son âge et sa venue récente à São Paulo, pria alors Jacques Funke de le remplacer, ce que Funke finit par accepter à la demande de tous les membres du Comité : ceux-ci devaient lui maintenir une confiance qui ne s’est jamais démentie.
Dès la fin de 1940, la plupart des 700 familles françaises inscrites au consulat, avaient adhéré au Comité de la France Libre à quelques exceptions près, celle notamment du consul général de France qui n’hésita pas à demander à la police brésilienne d’ordonner l’expulsion de Jacques Funke « élément subversif et communiste ».
C’est au cours d’un voyage à Rio de Janeiro que Jacques Funke apprit qu’un mandat d’arrêt avait été lancé contre lui et, qu’à défaut du président absent, le secrétaire du Comité, Roger Gaillard, avait été incarcéré.
Funke reprit immédiatement le train pour aller se constituer prisonnier à la superintendance de l’ordre politique et social…, d’où il ressortit quelques heures plus tard avec un poème élaboré par l’un des policiers en l’honneur du général de Gaulle.
Pour sauver la face, le représentant de Vichy le fit alors dénationaliser : par décret n° 199 du 24 janvier 1942, signé Darlan et contresigné Pétain, il fut déclaré « déchu de la nationalité française ».
Cependant, et en dépit de l’attentisme des dirigeants, de trop nombreuses associations françaises, le Comité atteignait progressivement au but qu’il s’était proposé.
Une quarantaine de volontaires quittèrent São Paulo pour combattre dans les rangs des Forces Françaises Libres, munis d’un viatique en espèces et d’un confortable colis individuel.
L’activité de ses ouvroirs permit d’envoyer à nos soldats plusieurs centaines de tonnes de lingerie, lainages, chaussures, denrées alimentaires, lait en poudre, chocolat, savon, etc., en même temps qu’étaient organisées, avec le concours de « l’Alliance française », des fêtes de bienfaisance et des collectes qui permirent d’adresser à Londres, en monnaie de l’époque (1941-1943), plusieurs dizaines de millions de francs.
Le Comité de São Paulo était désormais reconnu par les hautes autorités de la France Libre ; avec le Comité de Rio de Janeiro, il se partageait l’immense Brésil, ayant pour sa part juridiction sur les États du sud : Mato Grosso, Paraná, Santa Catarina, São Paulo, Rio Grande do Sul.
Nombreuses furent les personnalités brésiliennes, écrivains, médecins, industriels, commerçants, qui apportèrent au Comité de São Paulo leur concours persévérant : leur mérite fut d’autant plus grand, que jusqu’en 1943, le gouvernement fédéral a maintenu avec Vichy des relations étroites ; c’est seulement après l’entrée en guerre des États-Unis, qu’obéissant à une puissante contrainte économique, il commença à pencher du côté des Alliés, donnant enfin satisfaction aux aspirations de son peuple.

Le Comité de São Paulo fut alors autorisé à délivrer aux Français qui résidaient dans sa zone d’action, des saufconduits et à viser leurs pièces d’identité.

Ce rôle quasi officiel présageait la fin de la période « héroïque ». Le retour des diplomates de carrière allait mettre un terme à la libre initiative des patriotes du Comité de São Paulo.

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De 1940 à 1945, les comités du Brésil collectèrent près de 370.000 dollars U.S. dont plus de 225.000 furent utilisés pour l’effort de guerre (envois à Londres, souscription pour la Résistance, mise en route de volontaires, etc.).

Les volontaires furent au nombre de 118 et parmi eux on relève le nom de Pierre Clostermann.

Sept volontaires partis du Brésil, tombèrent au champ d’honneur :

– sergent Georges Schteinberg, tué en Hollande ; tirailleur Henri Dussat, tué en Italie ; capitaine Henri Dupraz tué en Italie ; sous-lieutenant Henri Corbière, tué en Algérie ; sergent parachutiste Jacques Mendès-Caldas, tué en Bretagne ; aspirant Georges-Henri Torrès, tué en Lorraine ; caporal-chef Michel Wiedmann, tué en Angleterre.

La guerre terminée, on vit revenir vers les écoles de l’Alliance française, plus nombreuse que jamais pour apprendre notre langue, cette jeunesse brésilienne qui, au lendemain de l’armistice, s’était détournée de l’étude du français, disant : « On n’apprend pas la langue du vaincu. »

C’est à ces hommes que notre pays est redevable d’un tel revirement, et avec eux, à tous ceux des Forces Françaises Libres et de la Résistance, qui ont permis à la France d’être présente à la victoire.

Extrait de la Revue de la France Libre, n° 126, juin 1960.