Dundee (Écosse), base sous-marine alliée (guerre 1939-1945)

Dundee (Écosse), base sous-marine alliée (guerre 1939-1945)

Dundee (Écosse), base sous-marine alliée (guerre 1939-1945)

Par Jean Babin Ex sous-marin Rubis 1938-1945

En temps de guerre, les informations relatives au monde hasardeux de la « sous-marinade » sont virtuellement nulles. Les communiqués sur les succès et pertes ne font pas référence des bases !
C’est bien après la fin de la guerre 1939-1945 que les habitants de Dundee surent officiellement qu’ils avaient été les hôtes des sous-mariniers de cinq nations. HMS Ambrose, la base qui hébergeait les équipages britanniques, polonais, hollandais et norvégiens, était auparavant une fabrique de confitures à Carolina Port. Beaucoup de sensationnels et tragiques événements ne furent révélés que bien des années après la fin de la guerre.
Au début des hostilités, les sous-mariniers britanniques, opérant en mer du Nord de Dundee, étaient ravitaillés par la mère-poule HMS Forth, ancrée en rivière.
Dix sous-marins basés à Dundee furent perdus corps et biens ; le sous-marin HMS Oxley fut la première victime de la Royal Navy, torpillé au large de la Norvège par un autre sous-marin britannique qui l’avait pris pour un U-Boat.
Ce fut ensuite l’établissement graduel, à Dundee, d’une base terrestre, HMS Ambrose, qui recevra plus tard les divers sous-marins alliés. Les premiers arrivés étrangers furent les polonais, Wilk (construit en France) et l’Orzel, qui s’échappèrent dramatiquement de la Baltique. Au printemps de 1940, l’Orzel torpilla le transport allemand Rio de Janeiro de 5 260 tonnes. L’Orzel devait périr sur une mine quelques jours plus tard dans les mêmes parages.
Trois des plus grands sous-marins britanniques, HMS Thames, HMS Clyde et HMS Severn furent envoyés à Dundee dans les premiers mois de 1940. HMS Thames lors de sa première opération, coula également sur une mine dans le même secteur que l’Orzel. Quelques semaines auparavant, HMS Severn avait lancé une torpille sur le croiseur lourd allemand Scharnhorst au large de Trondheim (Norvège) qui, bien que sérieusement endommagé, réussit à s’échapper.
Des sous-marins britanniques de plus petit tonnage, opérant de Dundee au début de 1940, eurent un certain succès avec mines et torpilles, mais le coût fut très lourd ! HMS Seahorse, HMS Sterlet, HMS Spearfish furent perdus en Mer du Nord et HMS Sworfish subit le même sort en fin d’année sur les côtes de France.
Une flottille française de dix sous-marins avec le ravitailleur Jules Verne, accompagné du bâtiment de surface mouilleur de mines Pollux, arrivèrent durant la campagne de Norvège, à l’exception du sous-marin mouilleur de mines Rubis, qui restera basé à Dundee pendant une bonne partie de la guerre, les autres furent rappelés quand les événements en France deviendront de plus en plus mauvais.
Après l’invasion des Pays-Bas, les sous-marins qui s’échappèrent de Hollande viendront augmenter la flottille sous-marine de la Ligue des nations à Dundee, parmi lesquels deux nouveaux bâtiments partis de Rotterdam.
Les Hollandais perdirent deux sous-marins en mer du Nord avant la fin de la guerre, le 013 et le 022. Il a été dit que le 013 fut torpillé par erreur par un sous-marin allié comme il était arrivé à HMS Oxley.
La dernière équipe qui arrivera à HMS Ambrose fut celle des Norvégiens avec le Uredd et le Ula (de construction anglaise). Le Uredd sur lequel j’avais de bons copains, sera malheureusement porté manquant au cours d’une patrouille sur les côtes norvégiennes. Bien que la mer du Nord cessa d’être le principal théâtre des opérations navales après la campagne de Norvège, les sous-marins basés à Dundee continueront à harceler les Allemands au long des routes de ravitaillement du cap Nord au Skagerrak.
Aucun autre jouera un rôle plus distingué dans cette guerre d’usure que le Rubis, qui ne quittera Dundee définitivement qu’en juin 1945. Comme mouilleur de mines, il devra opérer sous le nez même des Allemands. Lorsque l’armistice avec l’Allemagne fut signée en juin 1940, il était en train de semer des « œufs » dans le fjord de Trondheim (Norvège) où la plupart de la Kriegsmarine était stationnée. Il s’arrangera pour ne pas être détecté en sortant du fjord, en passant sous un torpilleur patrouillant l’entrée !
Quand, plus tard, le général de Gaulle visita la base sous-marine de Dundee, les sous-marins Minerve et Junon avaient rejoint le Rubis pour augmenter l’effectif Français Libre.
L’amirauté britannique reconnut plus tard que de tous les bâtiments de guerre, c’était le sous-marin mouilleur de mines qui, du côté allié, subissait les pertes proportionnelles les plus lourdes.
Je ne peux mieux illustrer ici la première mission du Rubis, effectuée au début de mai 1940 : parti d’Harwich (côte est anglaise) pour mouiller des mines à l’entrée du port norvégien de Kristiensand, nous recevrons, la veille du mouillage, un contre-ordre demandant que l’opération s’effectue plus au nord à Egersund. Nous en apprendrons plus tard la raison, le sous-marin mouilleur de mines britannique HMS Seal venait d’être capturé après avoir été gravement endommagé en mouillant des mines dans le Kattegat, d’où la crainte que ses livres de décodage ne soient tombés dans les mains ennemies.
En mai 1945, cinq ans après notre arrivée, nous avons la joie d’assister à l’arrivée, dans la rivière Tay à Dundee, d’un U-Boat qui venait se rendre. Après tout ils n’étaient pas invincibles !
Extrait de la Revue de la France Libre, n° 272, 4e trimestre 1990.