Les FNFL, par l’amiral Chaline

Les FNFL, par l’amiral Chaline

Les FNFL, par l’amiral Chaline

La mise sur pied des FNFL

Dans la mise sur pied des FNFL, l’amiral Muselier se heurte à des difficultés de toutes sortes, car il faut pratiquement tout créer. Il est heureusement aidé par des collaborateurs de qualité, tels le commissaire de la marine de Pirey qui en quelques semaines rétablit les règlements en les adaptant aux réalités de la Royal Navy. Dès octobre 1940, tous les bâtiments et services des FNFL sont constitués en unités administratives dotées de règlements clairs, simples et complets.

La santé, faute de médecin de marine, est confiée à un médecin de l’armée de terre, le docteur Garraud, dit Ray, qui va organiser de façon exemplaire le service de santé des FNFL : centres médicaux, infirmeries de base, centres de convalescence, sanatorium. Car le tribut santé payé par les marins de la France Libre est très lourd. Les conditions de vie à bord des sous-marins, des corvettes, des patrouilleurs, des avisos étaient pénibles, épuisantes. Au cours de la première campagne en Afrique de la corvette Commandant Drogou, quatre officiers sur six seronts rapatriés sanitaires, 98 hommes seront hospitalisés; le bâtiment retournera en Angleterre avec seulement 19 hommes de l’équipage d’origine. La maladie la plus grave est la tuberculose mais les hommes sont aussi victimes de paludisme, dysenterie et maladies vénériennes. Beaucoup de marins, robustes à leur engagement sont rentrés dans leurs foyers en 1945 la santé complètement délabrée.

Mais le problème le plus difficile auquel l’amiral est confronté est celui du matériel.

La plupart des navires français qui se trouvent en Angleterre sont dans un état matériel médiocre. Le Triomphant pâtit d’une rupture de la chaise bâbord avant survenue pendant la campagne de Norvège. Les torpilleurs de 600 tonnes sont très fatigués. Les sous-marins ont quitté Cherbourg où ils étaient en carénage en laissant une partie de leurs moteurs sur le quai ou dans les ateliers de l’arsenal. Les patrouilleurs sont anciens et en mauvais état.

À ces difficultés s’ajoute le fait que certains de ces navires sont d’une mise en œuvre complexe (Triomphant, Surcouf, torpilleurs de 600 tonnes), nécessitant un personnel hautement qualifié. Or ce personnel fait défaut.

L’amiral met bientôt le doigt sur les véritables problèmes de fond :

– les arsenaux anglais sont mal adaptés à l’entretien et aux réparations des bâtiments français; les difficultés commencent avec les boulons dont les pas-de-vis sont différents;

– pas de rechanges.

Aussi accepte-t-il en avril 1941 l’offre qui lui est faite d’armer des bâtiments neufs de construction britannique. Ce sont les corvettes qui apporteront une importante contribution à la bataille de l’Atlantique, les vedettes rapides (ML) et lance-torpilles (MTB) qui s’illustreront dans la Manche. Plus tard devant les succès des FNFL, les Anglais accepteront de leur céder un torpilleur La Combattante et un sous-marin Le Curie.

Une dernière difficulté réside dans la faiblesse numérique et qualitative du personnel rallié. Il fallait reconstituer les équipages des bâtiments dont le réarmement était envisagé avec les justes proportions de personnels de différents grades dans les diverses spécialités. D’évidence, il y avait pénurie d’officiers et manque d’hommes dans certaines spécialités telles que mécaniciens et chauffeurs.

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Photo ECPA (Londres).

Il fallait créer de nouveaux cadres et donner aux jeunes recrues une formation adaptée aux besoins. La Royal Navy était disposée à mettre ses écoles à la disposition des marins de la France Libre, mais il y avait le lourd handicap de la langue anglaise. L’amiral allait résoudre ces problèmes en quelques semaines :

– en créant des écoles purement françaises avec instructeurs français;

– en mettant en place dans les écoles anglaises un petit noyau d’officiers et de gradés parlant suffisamment l’anglais pour servir d’interprètes.

Les marins de la France Libre ont bénéficié tout au long de la guerre de la formation continue. À chaque escale de quelques jours, officiers, officiers mariniers et marins des différentes spécialités d’armes vont s’entraîner pendant quelques heures et sont tenus au courant des dernières tactiques et techniques. Lors des carénages qui durent quelques semaines, les différentes équipes du bord suivent des stages de perfectionnement. Dans la majorité des cours suivis par les FNFL dans les écoles anglaises, les personnels de tous grades qui s’y instruisirent ou s’y perfectionnèrent sortirent presque toujours dans les premiers, devant leurs condisciples britanniques. Ces résultats expliquent les performances de toutes les unités FNFL pendant la guerre.