Hommage au lieutenant-colonel de Sairigné, par le général de Larminat

Hommage au lieutenant-colonel de Sairigné, par le général de Larminat

Hommage au lieutenant-colonel de Sairigné, par le général de Larminat

Compagnon de la Libération – Commandeur de la Légion d’honneur

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Gabriel Brunet de Sairigné (RFL).

Un destin implacable semble choisir dans nos rangs, pour les ravir au service de la patrie, les meilleurs des hommes jeunes qui avaient fait la France Libre autour du général de Gaulle, qui s’y étaient forgés au feu des combats et des épreuves, trempés au bain des attentes et des triomphes, les hommes que leur vertu et leur valeur désignaient pour les missions les plus élevées, les plus utiles.

En moins d’un an, après Levasseur, après Leclerc, voici que Sairigné tombe à son tour, au combat.
À 35 ans, le lieutenant-colonel Brunet de Sairigné commandait en opérations la prestigieuse 13e demi-brigade de Légion étrangère. Il y avait été lieutenant en 1940, à Narvick. Il était l’un de ses piliers, l’un des meilleurs artisans de sa gloire, tout le long du long chemin qui menait à la victoire dans l’honneur : par le Gabon, l’Érythrée, la Syrie, Bir-Hakeim, El-Alamein, la Tunisie, l’Italie, Toulon, les Vosges, l’Alsace, l’Authion. Il en était finalement le chef de corps, avec la souveraine maîtrise qui était sa marque. Mieux que cela, il en était le fanion.
D’autres diront ses états de services ; je veux exprimer ici notre lourde peine, et apporter l’hommage d’un aîné qui professait à son égard l’estime, l’amitié et le respect que commandait sa personne.
Exceptionnellement doué, beau, vigoureux, intelligent, généreux, clair et loyal, ferme et volontaire, Sairigné était le type même du gentilhomme accompli, tel qu’en produisent nos souches de France, saines et drues. Ce gentilhomme – qu’il vienne du peuple ou de la noblesse, qu’il se nomme Hoche, Marceau, Montcalm ou La Tour d’Auvergne, car tout Français qui a du cœur est homme de qualité – ce gentilhomme qui, à travers les siècles, a porté si haut et si loin le renom de la France, par sa « gentillesse » autant que par ses armes. Pour moi, comme pour tant d’autres, Sairigné était une « image » de notre Histoire de France. Non pas une image froide et conventionnelle, car sous sa courtoisie nous connaissions sa roideur, sous son calme son ardeur, et, par-dessus tout sa passion réaliste du bien public, du service du pays.
Sa mort au combat, en pleine jeunesse, couronne en perfection une destinée d’une pureté et d’une simplicité admirables, une destinée pleinement achevée dont nous gardons le souvenir en notre coeur, avec notre peine, en motif d’exaltation et de confiance.
Nous saluons, avec respect, des parents qui ont mérité un tel fils, stoïquement dignes de lui.
Nous nous inclinons avec compassion et amitié devant une jeune veuve que voici deux ans nous étions si heureux d’accompagner à l’autel, devant une toute petite fille, et l’attente d’un autre enfant.
Puisse, Mme de Sairigné trouver adoucissement à sa douleur dans la sympathie et l’affliction des compagnons d’armes de son mari. Puisse-t-elle se sentir aidée et soutenue par notre fidélité et notre affection.
Extrait de la Revue de la France Libre, n° 7, avril 1948.