Le torpilleur La Combattante

Le torpilleur La Combattante

Le torpilleur La Combattante

Le 15 décembre 1942, la Royal Navy confie aux FNFL un nouveau destroyer de la classe Hunt, récemment sorti des chantiers de Glasgow. Déplaçant 1500 tonnes, dépassant les 27 nœuds, armée de deux tourelles doubles de 102 mm1_1_4_4_b_image_1 chacune, de canons automatiques de 40 mm, de tubes lance-torpilles, de grenadeurs, de mortiers lance-grenades, équipée de trois radars et d’un “asdic”, La Combattante est un remarquable bâtiment de combat. Elle commence par subir un entraînement à Scapa-Flow, base de la Home Fleet, dans le secteur des îles Orcades, au nord de l’Écosse, avant d’être affectée à la flottille de destroyers de Portsmouth, où elle sera chargée de plusieurs missions d’escortes de convois le long des côtes britanniques et de surveillance des côtes françaises entre la Bretagne et la Pas-de-Calais jusqu’en septembre 1944, puis celle de Sheerness. Son activité y est intense, avec de multiples escortes de convois côtiers (et océaniques à partir de l’automne 1944) et les patrouilles défensives et offensives en Manche et au sud de la Mer du Nord. Elle s’en acquittera avec succès sous les ordres de son nouveau commandant, le capitaine de corvette André Patou. A la fin d’avril 1944, elle coulera une vedette ennemie et en endommagera deux autres; le 13 mai, elle rééditera cet exploit. Fin août, elle vivra deux nuits chaudes, coulant ou endommageant une demi douzaine d’unités allemandes serrant les falaises de Haute-Normandie.

Sur la rade du Solent, où La Combattante est mouillée parmi des centaines de navires de toutes sortes, le soir du 5 juin, Patou annonce à ses hommes : “Le seul bâtiment français faisant partie des opérations rapprochées sera le nôtre. Nous serons le premier à faire flotter le pavillon à Croix de Lorraine à toucher nos côtes.” Le 6 juin, après l’escorte des transports d’assaut du convoi J9 qui mouillent loin de la côte, La Combattante avance à 3 km de Courseulles pour former, avec trois Fleet destroyers et son sistership Stevenstone, un groupe de cinq destroyers assurant le soutien artillerie de la 7e brigade canadienne sur le flanc ouest des forces Juno. Avançant en même temps que les barges de débarquement, elle commence par bombarder les défenses, avant de neutraliser celles qui se manifestent lors de l’assaut (un 88 mm avait été ainsi camouflé dans une maison de Courseulles), en s’avançant le plus près possible, et de pratiquer des tirs demandés par les troupes à terre. Elle détruit ainsi plusieurs objectifs ennemis, dont une pièce de 88 mm, tirant plus de 400 coups de 102 mm. Comme elle s’était un peu trop approchée de la côte, elle talonna le plateau du Calvados, qui déborde la côte. L’incident lui valut de recevoir ce message du chef de groupe, HMS Venus: “Je suis heureux que ce soit un Français qui ait le premier touché le sol de France*!”

Le 14 juin, au retour d’une patrouille de nuit, les hommes de La Combattante eurent la surprise de voir monter à bord le général de Gaulle, accompagné d’une quinzaine de personnalités. En débarquant à Courseulles, le chef du GPRF déclara : “Votre bateau est désormais un bateau historique ; vous entrez dans l’Histoire avec lui.” Le lendemain matin, au lever du jour, après avoir passé la nuit à bord, à l’ancre devant Courseulles, La Combattante levait sa pioche pour le ramener à Portsmouth.

Après avoir accompli de nouvelles escortes de convois, notamment vers Anvers, devenu en novembre 1944 le principal port de ravitaillement des armées, et des patrouilles en mer du Nord, elle sautera sur une mine ennemie au large de la côte est de l’Angleterre, le 23 février 1945. Coupée en deux à mi-longueur, elle disparaîtra avec un tiers de son équipage, soit 67 hommes sur 180.

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* Cette remarque renvoie uniquement aux opérations du 6 juin, dans son secteur naval, et ne prend pas en compte le fait que, dès le 5 juin, des éléments précurseurs du 4e régiment SAS avaient été parachutés en Bretagne.