Militaires en Résistance (appel à communications)

Militaires en Résistance (appel à communications)

Militaires en Résistance (appel à communications)

Le Service historique de la Défense et le Centre d’histoire de Sciences Po organisent, au Château de Vincennes, les mercredi et jeudi 13 et 14 juin 2018 un colloque international consacré aux Militaires en résistances en Europe pendant la Seconde Guerre mondiale.
Ce colloque a pour ambition d’interroger la spécificité des militaires engagés en résistances, en partant des tensions et des conflits de valeurs entre « résister », obéir aux ordres reçus et se conformer à un éthos valorisant le fait de ne pas se rendre. À première vue, le fait d’être militaire constitue donc un obstacle au passage à l’acte contre l’occupant et ses auxiliaires. Mais la formation militaire peut aussi devenir une ressource inestimable dans la lutte armée – clandestine ou non. Loin de se cantonner uniquement à la France, l’objectif de ce colloque est d’évaluer la singularité de cas nationaux, de repérer des circulations de théories et de pratiques combattantes à l’échelle européenne, et d’établir de possibles comparaisons.
Ce sujet s’inscrit ainsi au croisement de deux historiographies actuellement en plein renouvellement, celle du fait militaire d’une part, et celle des résistances pendant la Seconde Guerre mondiale d’autre part, qu’il a pour ambition d’enrichir.
Ce colloque propose, tout d’abord, de contribuer à l’histoire des résistances en Europe, qui désormais n’est pas exclusivement cantonnée à l’étude des résistances intérieures, mais élargit l’analyse aux résistances extérieures dans leurs diversités, ainsi qu’aux liens entretenus entre ces différentes formes de résistances. Au-delà des mythes résistantialistes sur lesquels se sont fondées bien des mémoires nationales après la guerre, les historiennes et les historiens explorent désormais les zones grises entre la collaboration et la résistance, zones dans lesquelles viennent se situer de nombreux parcours individuels et collectifs, au vrai rarement linéaires, qu’il s’agisse de militaires ou non. Les interrogations portent aussi sur les liens étroits entre « Résistance-organisation », constituée de groupes structurés et organisés, et « Résistance-mouvement », phénomène social beaucoup plus vaste, de même que sur l’articulation entre résistance civile et résistance armée. Elles questionnent également les rapports entre résistances nationales et guerre mondiale.
Le renouvellement de l’histoire du fait guerrier, dont se sont emparé les historiennes et les historiens de la Grande Guerre et plus tardivement celles et ceux de la Seconde Guerre mondiale, a placé la focale sur les combats eux-mêmes et sur l’expérience combattante bien davantage que sur l’analyse des opérations militaires stricto sensu. Des réflexions sont ainsi conduites sur les formes de la guerre contemporaine, en interrogeant notamment la nature des combats menés « au ras du sol », à leurs formes, aux armes utilisées et à leurs effets physiques comme psychologiques sur les combattants, aux identités militaires complexes et à leurs évolutions. D’autres travaux portent sur les sorties de guerre et les processus de démobilisation des soldats comme des sociétés impliquées pleinement dans les conflits contemporains.
Les organisateurs du colloque attachent une attention toute particulière à la question des sources, pour déterminer s’il y a une spécificité militaire dans leur production, leur conservation et leur valorisation.
Les projets soumis s’inscriront prioritairement, mais sans exclusive, dans les axes ci-dessous :

1) Mondes militaires et passages à l’acte résistant
L’enjeu est de contribuer à l’écriture d’une histoire sociale et politique fine des engagements militaires dans les résistances. Dans quelle mesure la culture militaire « traditionnelle » empêche-t-elle, ou au contraire facilite-t-elle le passage à l’acte ? Certes, l’injonction à l’obéissance peut constituer un frein à la décision de résister. Mais elle peut aussi dans certains cas produire l’effet inverse. Surtout, l’existence de réseaux professionnels qui créent des liens de solidarité, les valeurs portées par les institutions militaires comme le patriotisme, la fidélité, l’honneur ou encore l’esprit de corps peuvent constituer autant de facteurs susceptibles de faciliter l’entrée en résistances. Autrement dit, il s’agira d’évaluer la part de la variable militaire dans le passage à l’acte par rapport à d’autres déterminants (sociologiques, géographiques, familiaux, politiques, nationaux etc.). Il s’agira également d’interroger le rôle des expériences militaires antérieures, de l’épreuve du feu – et de leur mémoire (Grande Guerre, guerre d’Espagne, guerres de colonisation, campagne de 1939- 1940, etc.) – dans les représentations, les cheminements et les parcours individuels comme collectifs.
L’objectif de ce colloque est également d’explorer la diversité des groupes et des individus qui forment les mondes militaires, diversité hiérarchique (des officiers généraux aux soldats du rang), diversité des armées (armée de terre, marine, armée de l’air et gendarmerie), diversité de statuts (citoyens, étrangers, colonisés), diversité des lieux (métropole ou espaces impériaux), enfin des modalités de recrutement (volontariat, conscription, enrôlement forcé, engagement dans l’active ou dans la réserve). Quels groupes s’engagent davantage, ou au contraire moins, pourquoi, et dans quelles formes de résistances ? Quels rôles jouent – ou non – les hiérarchies et les statuts ante-résistance une fois l’engagement accompli ?
Il s’agira enfin de réinterroger la chronologie et la géographie de l’entrée en résistance. À quels moments privilégiés, et dans quels contextes ont lieu les éventuels basculements ? Les passages à l’acte se produisent-ils dans le prolongement direct d’une campagne perdue, et parce que les chaînes hiérarchiques traditionnelles sont rompues par le déroulement des opérations ? Ont-ils lieu du fait de l’évolution des représentations que les militaires se font du déroulement du conflit mondial et de ses répercussions à l’échelle nationale ? Quelle est l’influence des systèmes socio-politiques et des régimes d’occupations sur les entrées des militaires européens en résistances ?

2) À la guerre régulière, à la guerre irrégulière ? Pratiques militaires dans les résistances
Ce colloque propose par ailleurs de réfléchir à l’expérience de guerre – combattante ou non – des militaires dans les résistances, en insistant sur la diversité des champs de bataille – en Europe et dans les empires.
Certains militaires rejoignent, souvent au sein de coalitions alliées, des armées régulières qui combattent en Afrique, en Asie et en Europe, sur mer et dans les airs comme sur terre. Comment les contacts et liens avec des institutions militaires étrangères s’opèrent-ils, et avec quels éventuels transferts de compétences ? Il s’agira aussi de questionner au plus près les expériences – individuelles comme collectives – de cet exil combattant. Comment les Alliés – britanniques, américains, soviétiques – envisagent-ils l’utilisation de ces militaires issus de résistances extérieures nationales ? Réciproquement, comment ces derniers appréhendent-ils une telle guerre de coalition ?
D’autres militaires organisent ou rejoignent des maquis dans les territoires occupés. Comment ces professionnels s’adaptent-ils aux formes de la guerre irrégulière, aux côtés de femmes et d’hommes qui n’ont pas leur formation ? Peut-on observer des phénomènes d’acculturation réciproque ? En d’autres termes, comment des civils, dont certains se voient volontiers comme des citoyens en armes, deviennent-ils, dans les maquis ou ailleurs, des quasi-militaires ? À cet égard, la Seconde Guerre mondiale constitue un moment de réajustement des relations de genre, et une étape dans le processus de militarisation des femmes, dont la spécificité, les réalisations et les limites doivent être questionnées.
Enfin, certains s’engagent dans des organisations de résistance non strictement militaire. Comment s’adaptent-ils ? Quelles ressources déploient-ils et quelles relations entretiennent-ils avec les civils ? On sera également attentif à la possible circulation de ces militaires d’un terrain d’action à un autre, et aux pratiques d’adaptation qu’ils mettent alors en oeuvre. Les modalités de la fusion ou de l’union – réussie ou non – des forces régulières et irrégulières seront également interrogées.

3) Sorties de guerre, parcours militaires et transformation des armées nationales
L’expérience collective et individuelle des militaires en résistances ne prend pas fin au terme officiel des hostilités. Si l’objectif des résistants était, avant tout, la libération du territoire national, beaucoup aspiraient, à la faveur de la fin de la guerre, à une rénovation profonde des structures socio-politiques des sociétés auxquelles ils appartenaient. Peut-on observer de tels projets – et avec quelles réalisations – chez les militaires en résistances ? Constate-t-on une transformation de la culture militaire régulière par l’expérience de la guerre irrégulière, ou, au contraire, une forme de régularisation des pratiques maquisardes ? La compétence professionnelle régulière l’emporte-t-elle sur l’objectif de rénovation – voire de révolution – des institutions militaires ?
À l’échelle individuelle, on s’interrogera aussi sur les parcours de démobilisation – ou non – de ces militaires en résistances. En particulier, l’expérience de la résistance joue-t-elle un rôle dans les choix individuels et collectifs opérés par les militaires pendant les guerres de décolonisation ? Comment par la suite ces hommes et femmes, ayant choisi ou étant contraints de rester ou de quitter l’institution mettent-ils en récit tout à la fois leur action résistante et l’obéissance militaire ? Quelle fut la part – et l’éventuelle spécificité – des militaires ayant appartenu aux résistances dans la construction des mémoires nationales et européennes ? Quelles relations les associations de militaires résistants ont-elles tissées avec les autres organisations de même nature ?

Modalités pratiques :
Les langues de travail du colloque seront le français et l’anglais, pour une communication de 20 minutes. Les contributions (500 mots) ainsi qu’une courte biographie académique sont à envoyer en français ou en anglais, avant le 15 mars 2018 à l’adresse suivante : shd-vincennes.communication.fct@intradef.gouv.fr
Les auteurs des contributions retenues par le conseil scientifique seront avertis avant le 1er avril 2018.
Les organisateurs du colloque prennent en charge :
– Les frais de transport, d’hébergement et de restauration pour les intervenants et intervenantes ne résidant pas en région parisienne.
– Les repas du midi des 13 et 14 juin.

Direction scientifique :
– Jean Bourcart (SHD)
– Robert Gildea (Oxford)
– Claire Miot (SHD)
– Guillaume Piketty (Sciences Po)
– Thomas Vaisset (SHD)

Coordination scientifique : Morgane Barey (SHD)

Military people in resistances in Europe during World War Two (call for papers)

The Service historique de la Défense and Sciences Po are organising in the Château de Vincennes on Wednesday the 13th and Thursday the 14th of June 2018 an international symposium about military people in resistances in Europe during World War Two.
This symposium aims to question the specificities – or non-specificities – of military people’s commitment to resistances. It will notably consider the tensions between the fact of being trained to obey orders, on the one part, and that of complying with an ethos gratifying the refusal to surrender and thus of joining a resistance organization, on the other part. As such, belonging to the military could constitute an obstacle against any idea of fighting against the occupant and its auxiliaries. But it could constitute as well a priceless resource in armed combats – be they clandestine or not. The symposium will also evaluate the possible specificities of national cases, identify the circulation of fighting theories and experiences across Europe, and endeavor to establish comparisons.
Considering the situation and the role of military people (Army, Navy, Air Forces, and gendarmerie) in resistances spans two renewed historiographies. On the one hand, the history of the Resistance is no longer exclusively studied through the prism of organizations fighting on the national soil, but takes external resistances into account and, more broadly, systematically situates the resistance fighters within the society in which their fight was born. On the other hand, the renewal of military history focuses more specifically on individual experiences both during the conflict itself and throughout its aftermath.
A very particular attention will be paid to sources, in order to determine whether there was, or not a military specificity in their production, conservation and valorization.
Topics to be explored in presentations may include – but are not limited to – the following.
Joining the resistance when belonging to the military world:
– Did traditional military culture refrain people from entering the resistances, or, to the contrary, did it help them? Did military identity play a role among other social references (age, religion, social background, eventual political commitment, etc.) in the decision to join? What was the impact of professional networks and values nurtured in the military world? Or of previous fighting experiences (World War One, Spanish Civil War, colonization Wars, 1939-1940 campaigns…)?
– Which men (officers, NCOs, soldiers, native people or foreigners, conscripts or volunteers) were more likely to join the resistances and why? In which type of organizations? What role did military hierarchy and statutes possibly play once enrolled?
– When did military people mostly join (in the immediate wake of the defeat, after the occupation of national soil, when a policy of collaboration with the occupant actually was implemented, etc.), and what was the geography of their commitment?

Military practices and combat experiences in resistances:
– What possible influence did theaters of operations (on metropolitan soil or elsewhere) have on resistance fighters’ experience?
– How did the Allies perceive and use the military people who belonged to foreign resistances? And, by extension, how did the latter experience a coalition warfare to the leadership of which they rarely had access and which possibly entailed a new military culture?
– How did military people adapt to irregular warfare alongside men and women who did not have their professional background? How did civilians, and especially women, involved in the resistance become actual and efficient fighters? Was there any phenomenon of mutual acculturation?

Emerging from war, military experiences and transformation of national armies:
– Did such war experiences provoke a deep reorganization and/or renovation of national armies in Europe after World War Two?
– Was there a transformation of military culture thanks to these experiences?
– How did military people who had belonged to the resistances face – or not – demobilization?
– How did these men and women speak and write about their action during World War Two?
– What was the role of military people in the construction of national remembrance?

Papers can be submitted in French or English.
Languages for the symposium will be French and English.
Please send us a 500-word abstract and a short bio by March 15, 2018.
Accepted speakers will be notified by April 1, 2018.
The organizers of the symposium will bear the costs of:
– Travelling tickets, accommodations and catering for non-Parisians speakers
– Midday lunches on Wednesday and Thursday

Please direct questions and submissions to: shd-vincennes.communication.fct@intradef.gouv.fr

Scientific board:
– Jean Bourcart (SHD)
– Robert Gildea (Oxford)
– Claire Miot (SHD)
– Guillaume Piketty (Sciences Po)
– Thomas Vaisset (SHD)

Scientific coordination: Morgane Barey (SHD)