La prise de Koufra, par le capitaine Douzamy

La prise de Koufra, par le capitaine Douzamy

La prise de Koufra, par le capitaine Douzamy

Préparatifs

Lorsque, vers la mi-décembre 1940, le colonel Leclerc commença à envisager l’opération de Koufra et se rendit à Faya pour étudier sur place les conditions dans lesquelles, pourrait être conduite cette opération saharienne, il ne pouvait être question pour lui de monter une démonstration aussi spectaculaire que celle qu’avaient préparée, dix ans plus tôt, les Italiens pour occuper l’Oasis que défendait alors500 combattants senoussistes.

Les approvisionnements en vivres et en essence qui se trouvent sur place dans les confins, à Faya et à Ounianga,ne peuvent permettre l’engagement de nombreuses unités portées. Le temps presse; la situation militaire générale est favorable, et, il serait impossible de mettre en œuvre des effectifs importants avant la fin de l’hiver saharien, période après laquelle, les conditions spéciales au désert ne peuvent plus permettre d’opération offensive.

Il faut faire vite.

On utilisera tous les éléments mobiles qui se trouvent sur place dans les confins : la Compagnie Portée, aux ordres du capitaine de Rennepont avec sa section de deux 75 de montagne, deux autos-mitrailleuses Laffly, du peloton d’autos-mitrailleuses, le groupe nomade de l’Ennedi du capitaine Barboteu qui abandonnera ses chameaux pour être transporté sur camions. À ces unités, s’ajouteront quelques éléments, aux ordres du lieutenant Fabre, prélevés sur les garnisons des confins.

Ce n’est qu’une poignée de braves. Qu’importe! la qualité compensera la quantité, et la valeur combative des nouveaux venus en Afrique s’alliera heureusement à l’expérience saharienne des méharistes tchadiens. Le tout forme environ 400 hommes – 100 européens et 300 indigènes – tirailleurs, guides et goumiers, y compris les spécialistes de l’échelon de dépannage du capitaine Parazols et du sous-lieutenant Ruet, les conducteurs de la section de transport du lieutenant Combes et le personnel sanitaire du capitaine La Quintinie et du lieutenant Mauric.

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Croquis des combats des 18 et 19 février 1941 (RFL).

Telles étaient les troupes que le colonel Leclerc allait présenter le 24 janvier 1940 au colonel Bagnold, avant le départ de la colonne.
L’armement comprend, outre les armes individuelles,26 fusils-mitrailleurs, quatre mitrailleuses, deux canons de 37 mm, quatre mortiers et deux canons de 75 mm dont un seul arrivera.

Au dernier moment, notre expédition allait se renforcer d’un élément de choix, les deux patrouilles G et T du major Clayton, qui sont de passage à Faya, au retour du raid fameux sur Mourzouk, au cours duquel était déjà tombé le colonel d’Ornano et que le colonel Bagnold, grand maître des patrouilles L.R.D.G. venait, avec un bel esprit sportif et de solidarité, de mettre à la disposition du colonel Leclerc. C’étaient là 75 combattants d’élite, venant, soit de la garde, soit de régiments néo-zélandais, portés sur 24 véhicules à grand rayon d’action, bien équipés et bien armés, tous familiarisés avec les déplacements en pays saharien et rompus aux surprises et aux embûches du désert.

Enfin, le groupe de bombardement numéro 1 aux ordres du commandant Astier de Villatte, équipés des appareils Blenheim qui ont déjà pris part aux opérations du Gabon, doit permettre les reconnaissances lointaines et les missions de bombardement. Malheureusement, les appareils, déjà fatigués au départ de Grande-Bretagne, ont dû être rapidement montés, les instruments de navigation sont insuffisants et les équipages ne sont pas encore familiarisés avec le vol en Afrique.

Le 31 décembre, l’équipage de Stadieu, Privé et Meurant s’égare en plein désert, au retour d’une mission de reconnaissance photographique sur Aouenat, doit se poser en territoire italien et tombe entre les mains de l’ennemi.

Le 30 janvier, huit Bleinheim se rendent de Fort-Lamy à Ounianga et y trouvent l’essence, les bombes et le matériel montés à grand peine.

Ils vont faire un excellent travail. Presque chaque jour, avec les Lysander du détachement permanent du Tchad, ils décollent du terrain d’Ounianga et malgré les difficultés atmosphériques et l’incertitude de la navigation, ils rapportent de précieux documents photographiques. Le 2 etle 6 février, ils bombardent Koufra avec succès. Malheureu-sement l’insuffisance du matériel se fait lourdement sentir. Lors du bombardement du 6 février, sur quatre Blenheim qui y prennent part, un seul rentre indemne à sa base; deux seront retrouvés dans le désert où ils avaient dû se poser, le quatrième, sous-lieutenant Claron, sergent le Calvez, sergent Devin, disparaîtra sans laisser la moindre trace.

En plus du rôle de surveillance dévolu, à l’aviation, une reconnaissance, composée du lieutenant Sammarcelli et de l’aspirant Lamy, doit aller patrouiller jusqu’aux environs de Koufra pour déceler les postes d’observation ennemis, tandis que les patrouilles anglaises formeront l’avant-garde, suivies par le gros de la colonne aux ordres du colonel Leclerc.

Le départ de Faya se fait, échelonné du 23 au 27 janvier et, le 28, toute la colonne se retrouve au complet à Ounianga, y ayant rencontré le groupe nomade de l’Ennedi, déjà en place. Le 29, le colonel Leclerc et ses hommes sont à Tekro et, reprenant aussitôt leur progression, se dirigent vers la frontière.

La reconnaissance du lieutenant Sammarcelli est déjà loin en avant, en territoire italien, et les deux patrouilles britanniques se dirigent vers la région du djebel Chérif où elles doivent attendre, à 100 kilomètres de Koufra, les troupes de Leclerc.

Reconnaissances profondes en territoire italien

Suivons maintenant la progression audacieuse des éléments de reconnaissance, qui sont bien en avant de la colonne et qui vont subir des sorts divers.

Le lieutenant Sammarcelli et l’aspirant Lamy qui disposent d’un break de chasse Matford et d’un camion Bedford du type 1.500 kilos partent résolument de l’avant : le 25, ils sont à Sarra et ils vont aller sans incident jusqu’à 50 kilomètres de Koufra. Ayant rempli leur mission, ils font alors demi-tour, pour apporter ces renseignements. Ils retrouvent la colonne le 31 au soir, entre le Rocher de Toma et le puits de Sarra.

Revenons aux deux patrouilles G et T du major Clayton qui constituent l’avant-garde de la colonne.

Parties après les derniers détachements, elles n’ont aucune peine à les rattraper et à les devancer. Le 31 janvier, la patrouille néo-zélandaise avec son chef se dirige vers le djebel Chérif, à 100 kilomètres au sud de Koufra, la patrouille des gardes restant en réserve dans le voisinage de Sarra.

Le commandement italien de Koufra, mis en alerte par des émissions radio insolites, a décidé de faire effectuer une reconnaissance par son aviation et par un détachement de la Saharienne vers la région de Bichara. Le 31 janvier, au début de l’après-midi, le sous-lieutenant Rota qui, sur son Ghibli, éclaire la colonne italienne, remarque au loin les 11 voitures de Clayton qui roulent vers le Nord et alerte immédiatement le lieutenant Capurro qui commande le détachement italien qui se trouve à moins de 60 kilomètres de là.

Puis l’appareil italien repère à nouveau les voitures qui sont à l’arrêt, camouflées au milieu du djebel. Le détachement italien est alors à quelques kilomètres. Clayton, confiant en son étoile et en son camouflage, pense n’avoir pas été vu et se sent en sécurité.

Vers 15 h 30, la patrouille T a repris sa marche et pénètre dans une vallée où l’attendent les hommes de la Saharienne.

Soudain, de très près, éclate le feu des quatre pièces de 20 et de celles de 12,7 mm qui tirent à projectiles explosifs et incendiaires. Les mitrailleuses Fiat crépitent.

En quelques instants, trois Chevrolet de la patrouille sont en flamme. Beech, sur l’une des voitures anglaises, est tué ainsi que deux italiens, faits prisonniers précédemment à Mourzouk.

Nos amis ripostent immédiatement du feu de leurs armes automatiques. Les premières rafales tuent le lieutenant Capurro et blessent deux gradés italiens. Le combat se poursuit et deux servants de la batterie de 20 mm sont tués. Clayton et ses équipages, en utilisant le terrain, parviennent à se dégager de ce passage difficile et, les huit voitures rescapées «éclatent» pour rejoindre le point de ralliement convenu. À ce moment surviennent les trois avions de la Saharienne. Le sous-lieutenant Rota prend aussitôt à partie la voiture de commandement du major et l’attaque à la mitrailleuse et à la bombe.

L’automobile est immobilisée. Le major est blessé au bras et un éclat de bombe, atteignant son casque, l’étend sans connaissance.

C’est dans ces conditions que notre ami, le major Clayton, savant spécialiste du Sahara, l’animateur des patrouilles L.R.D.G., allait tomber, avec trois de ses compagnons, entre les mains de l’ennemi.

Autre catastrophe. Frappé en pleine action, il n’a pas eu le temps de détruire ses documents secrets et le plan d’opération de Leclerc, tombait en même temps entre les mains de l’ennemi.

Sur le terrain de combat, quatre des hommes d’équipages des voitures incendiées ont pu fuir les véhicules en flammes et se cacher dans les rochers. Après le départ de la Saharienne, ils se dirigent à pied vers le Sud, en suivant les traces laissées par les voitures, commençant un voyage de 400 kilomètres, avec six litres d’eau pour quatre. Ils seront retrouvés dix jours plus tard par le Lysander du lieutenant La bas qui, ne pouvant se poser, du se contenter de leur jeter un bidon d’eau. Une voiture partit aussitôt à leur recherche, découvrit sur la piste le bidon vide. Ces mots y avaient été gravés avec la pointe d’un couteau : «Environs de Tekro. Avons beaucoup soif et faim. Marche trace des autos. Signé : Winchester et Moore.»

Ces braves allaient être retrouvés quelques kilomètres plus loin, mourants, sur la piste. Trois d’entre eux devaient être sauvés.

Cependant, la patrouille T avait retrouvé la patrouille de la Garde, trop éloignée pour intervenir et qui, sagement, faisait demi-tour et descendait hâtivement vers le Sud pour rendre compte de la situation.

Le soir même, le colonel Leclerc allait apprendre l’heureux retour de Sammarcelli et de Lamy et recevoir, du lieutenant Dubut qui avait accompagné la patrouille T, le compte rendu de l’engagement malheureux du djebel Chérif.

La situation a beaucoup changé. Les Italiens sont sur le qui-vive et, vraisemblablement informés de nos intentions.

Nos amis britanniques considèrent l’opération comme des plus risquées. Quant à eux, ayant perdu près de la moitié des véhicules de l’une de leurs patrouilles, ne disposant plus que de voitures dont les moteurs sont fatigués par une randonnée de plus de 5.000 kilomètres en plein désert, ils ne sont pas en état de poursuivre leur opération.

Dans ces conditions, Leclerc décide d’établir une base temporaire à Tekro et d’y renvoyer le gros de la colonne, de laisser un petit détachement à Sarra pour y dégager le puits et de laisser les patrouilles L.R.D.G. rejoindre leur base au Caire, pendant qu’il conduirait personnellement une reconnaissance en force à Koufra. Une voiture de la patrouille T, la«Manuka», avec son équipage demeurait avec nous, volontaire pour nous porter assistance en matière de navigation.

Le groupe de reconnaissance, comprenant 60 hommes,militaires indigènes compris, répartis sur 22 voitures, se met en route le 5 février au matin et atteint le djebel Zorgh à8 kilomètres de Koufra, dans la soirée du 7 février.

Aussitôt, le colonel Leclerc décide de faire reconnaître l’Oasis par trois patrouilles opérant à pied.

La première, commandée par le capitaine Geoffroy, et la troisième, aux ordres du capitaine de Guillebon qu’accompagne le colonel, ont pour mission de reconnaître El Giof et d’essayer de faire quelques prisonniers au poste de carabiniers.

La seconde, aux ordres du lieutenant Arnault, doit aller reconnaître la route qui conduit au terrain d’aviation.

Parties à 19 h 30, les trois patrouilles sont de retour à2 heures du matin.

Le colonel a pu prendre contact avec des chefs indigènes et Arnault a reconnu l’itinéraire de la route du terrain d’aviation.

Quant à Geoffroy, il a trouvé le centre administratif vide;car, comme nous l’apprîmes par la suite, tous les Italiens rentraient dans le fort pour la nuit. Tous, à l’exception d’un seul : Geoffroy, ayant bifurqué vers l’Est, jusqu’au hameau de Bouma, découvrit dans le poste de repérage par radio un Italien endormi. Le poste fut détruit et son occupant fait prisonnier.

Le colonel Leclerc, en possession de tous ces renseignements, décide alors de lancer une patrouille auto jusqu’au terrain d’aviation.

Aux ordres du capitaine de Guillebon, elle gagne le terrain tous phares allumés et met le feu à un trimoteur Savoia, le seul appareil trouvé à l’aérodrome. Les flammes leur ayant enfin donné l’éveil, les Italiens du fort se mettent à tirer à tort et à travers, de toutes leurs armes automatiques et à lancer des fusées vertes. Pour eux, c’est le signal «Alerte». Or, il se trouvait qu’une fusée verte était le signal signifiant «En avant» pour les réserves du djebel Zorgh. Nos voitures en station, obéissant à ce signal, foncent à toute allure, phares allumés, vers la palmeraie. Le terrain mou et parsemé de buttes de sable est peu praticable. Il en résulte bientôt un chaos invraisemblable. Les Bedford calent dans le sable,la «Manuka» y laisse le fond de son carter sur un roc,capote, et doit être abandonnée après avoir été incendiée…

Le ralliement dans la nuit ne fut pas chose facile, mais, cependant, à l’aube du 8 février la situation était rétablie et tout le monde présent au rendez-vous fixé. Le départ se fit immédiatement.

Mais si la garnison n’avait pas réagi autrement que par le tir de ses armes automatiques, les trois Ghibli de la Saharienne se mirent aussitôt à la poursuite de la colonne. Celle-ci fut mitraillée et bombardée et, si nos véhicules furent épargnés, le lieutenant Arnault était grièvement blessé, tandis qu’un tirailleur était tué et deux autres blessés.

Rencontres avec la Saharienne

La reconnaissance avait été des plus utiles : nous connaissions maintenant la topographie des lieux et les renseignements recueillis révélaient que les effectifs de la garnison étaient sensiblement moins importants que ne l’indiquaient les renseignements antérieurs.

En présence de cette situation, le colonel Leclerc décide de reprendre le plan initial pour l’attaque de Koufra, la compagnie portée, formée en deux pelotons d’une douzaine de voitures chacun, gagnera Koufra aussi vite que possible pendant que le reste de la colonne, aux ordres du capitaine Dio, suivra. Toutefois, pour alléger l’expédition, les deux auto-mitrailleuses sont laissées aux environs du puits de Sarra et l’un des deux 75, laissé à Ounianga.

Pendant une semaine, la colonne se reforme aux abords de Sarra et, le 17 février à l’aube, Leclerc se met en route avec l’avant-garde. L’approche se fait sans incident et, le 18, en fin de matinée, nos véhicules pénètrent dans la palmeraie, n’ayant été repérés par l’aviation qu’au dernier moment, en s’engageant dans le djebel Zorgh.

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Une partie du petit village d’El Giof (RFL).

Leclerc décide aussitôt de tourner le fort par l’Est et le Nord.

Soudain, à une dizaine de kilomètres au nord de l’éperon sur lequel repose le fort du «Taj», dans un repli du terrain raboteux, apparaissent les voitures de la Saharienne qui gardent les accès du fort. Il est alors 12 h 30 environ.

En les apercevant, le colonel Leclerc qui marche dans une voiture de tête s’écrie : «À terre, on les tient». L’ordre est immédiatement transmis; les équipages des voitures mettent pied à terre et s’étalent sur une vaste ligne pendant que le colonel escalade un piton pour mieux voir. Un feu nourri éclate de part et d’autre.

Les Italiens tirent à projectiles explosifs et incendiaires de leurs pièces lourdes de 20 mm et de leurs mitrailleuses de 12,7 mm. Pour leur répondre, nous n’avons que nos vieilles Hotchkiss et nos F.M. qui, encrassés par le sable, fonctionnent d’une manière défectueuse.

Leclerc tente un premier mouvement de débordement pendant que le peloton de Rennepont fixe l’ennemi, celui de Geoffroy tournera par la gauche. Mais la supériorité de l’armement italien est évidente. Plusieurs Bedford du peloton de Rennepont commencent à flamber. Le colonel leur ordonne de décrocher pour tâter l’adversaire un peu plus loin. Il est environ 13 heures.

Leclerc alors, avec le peloton de Rennepont, effectue, cette fois vers la droite, un débordement plus ample, pendant que Geoffroy fixe l’ennemi. Au bout d’une heure et demie environ, la Saharienne italienne est dans une situation difficile, attaquée de trois côtés à la fois.

Son tir mollit et elle commence à décrocher. Vers 15 h 30, elle s’éloigne rapidement et, ne pouvant, suivant son dessein, rentrer au fort, s’éloigne vers l’Ouest, en direction d’El Hauari.

Pendant le combat, trois aviateurs italiens dont le sous-lieutenant Rota, sortis du fort pour rejoindre leur appareil sur un véhicule S.P.A., tombent, malheureusement pour eux, sur Parazols et Rennepont et sont capturés.

Pendant que le peloton Geoffroy reste en surveillance au nord-ouest du Fort, Rennepont s’élance à la poursuite de la Saharienne qui, utilisant parfaitement un terrain qu’elle connaît bien, nous échappe.

La tombée de la nuit arrête la poursuite.

Le lendemain, dès l’aube, les Italiens réagissent avec leur aviation et, vers 8 heures, la Saharienne débouche, de l’Oasis et attaque immédiatement le peloton de Rennepont, alors que Geoffroy est à quelques kilomètres à l’Est, en surveillance devant le fort.

Pendant que l’aviation s’acharne sur Geoffroy en l’attaquant à la bombe et à la mitrailleuse, Leclerc et Rennepont livrent seuls le combat à la Saharienne. Notre infériorité est manifeste. Nous n’avons que dix voitures, l’ennemi en a 13 et, ses pièces lourdes surclassent notre armement désuet.

Cependant, Leclerc tente le même mouvement que la veille. Cinq voitures fixent l’ennemi, pendant que les autres le débordent par l’Est.

La surprise est complète; les Italiens font face en arrière, puis battent en retraite, après un combat de deux heures, abandonnant deux voitures en flammes et emportant leurs morts et leurs blessés. Poursuivie pendant deux jours, la Saharienne abandonnait définitivement le combat et se retirait vers Tazerbo.

Pendant ce temps, le peloton Geoffroy se défend tant bien que mal contre l’aviation qui, dans un mouvement de va et vient continu cherche à l’anéantir. Au plus fort de l’action, sept avions sont comptés dans le ciel. Les appareils italiens se délestent de leur chargement de boîtes à mitrailles, puis vont refaire leur plein sur un terrain voisin. Par miracle, Geoffroy s’en tire sans trop de casse.

Mais la journée a été rude tout le monde a payé de sa personne.

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Fanion de commandement du colonel Leclerc, entamé par le feu de l’ennemi (RFL).

Au plus fort du combat avec la Saharienne, et alors que nos mortiers tirent, le chef de pièce a reçu une balle qui l’a atteint à la colonne vertébrale. Les pièces seront commandées par le colonel lui-même pendant quelques instants, jusqu’à ce qu’un autre officier puisse venir terminer le réglage.

Un peu plus tard, alors que la Saharienne s’apprête à décrocher, le colonel, à l’adresse des éléments qui se trouvent en arrière, s’écrie «En avant». Le sergent-chef Briard qui est en position de tir à côté du colonel, prend l’ordre pour lui et, sans plus attendre, bondit en avant avec son arme. Trois tirailleurs le suivent. Il est à moins de 300 mètres de l’ennemi et ne s’en soucie pas. Une balle l’arrête, lui traversant la poitrine de part en part. Ce brave par bonheur, survivra à sa blessure.

Ainsi, le 19 février, en rompant le combat après deux rencontres au cours desquelles les nôtres s’étaient imposés par leur allant et leur habileté manœuvrière, la Saharienne abandonnait le fort qui ne sera bientôt plus qu’une place assiégée.