André Lassagne

André Lassagne

André Lassagne

Inspecteur général de l’Armée Secrète (zone sud)
Adjoint au chef du 2e Bureau de l’état-major national A.S.
Compagnon F.F.L. – héros de la Résistance

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André Lassagne s’entretenant avec le général Koenig (RFL).

Né à Lyon, le 23 avril 1911, André Lassagne est professeur au lycée français de Rome quand la guerre éclate. Mobilisé comme lieutenant au 29e régiment d’infanterie alpine, il rentre à Lyon après sa démobilisation en 1940. Pressenti pour un poste à Madrid, il refuse et se retrouve professeur au lycée du Parc à Lyon où il avait fait ses études en compagnie de Jacques Soustelle. Grâce à la publication des listes noires entreprises par les journaux de Vichy pour essayer de clouer au pilori les patriotes qui avaient réussi à joindre le général de Gaulle, Lassagne sut que Soustelle avait rallié la France Libre.

Une lettre, passant par l’Espagne, toucha Soustelle et lui permit d’identifier l’expéditeur. Peu de temps après, la liaison était établie entre eux.
Avec Aubrac et sa femme Lucie, avec d’Astier et le professeur Cavaillès, André anime le mouvement qui devint « Libération Sud ». Il participe à la rédaction, à l’impression, à la diffusion du journal qui porte le titre même de « Libération ».
C’est à la fin de l’été 1942 que Lassagne fit la connaissance de Gastaldo, alors chef du 2e bureau de l’état-major national de l’Armée secrète et fut, par ce dernier, mis en contact avec le général Delestraint, chef de l’Armée secrète. Il était déjà en liaison avec Jean Moulin, délégué eu général de Gaulle. Indépendamment de ses fonctions de membre du comité directeur « Libération » et des M.U.R., André Lassagne devient l’adjoint de Gastaldo au 2e bureau de l’A.S. Agrégé d’italien, Lassagne réussit à prendre le contact avec les antifascistes et les mouvements de résistance italiens. Au moment de son arrestation, il avait déjà négocié avec Santé Garibaldi et Romano Cocchi, l’entrée des Garibaldiens résidant en France, dans les formations de l’A.S. C’est également Lassagne qui avait été chargé de discuter avec un envoyé de Londres, pseudo « Fournier », l’organisation des « Jeunesses de l’A.S. », qui groupaient en France les jeunes intellectuels et travailleurs. Mais ces tâches de commandement, d’organisation, de liaisons, qui le mirent en contact avec Claudius Petit, avec Georges Bidault, avec Mairet, n’étaient pas les seules abordées par notre ami.
Non content de préparer l’action, il y prenait part. C’est ainsi que, nanti de l’état civil d’un officier italien fait prisonnier en Libye, il réquisitionna aux Allemands force camions et matériel avec, en plus, 28.000 litres d’essence. C’est encore lui qui, le 5 juin 1943, sous le nom d’inspecteur Lombard, de la police de Vichy, enleva avec l’aide d’Aubrac et de quelques compagnons, leurs amis détenus à l’hôpital de l’Antiquaille parmi lesquels Maurin-Forestier, Kriegel-Valmiront, etc.
Mais le 9 juin 1943, le général Delestraint et Gastaldo étaient arrêtés à Paris et le 21 juin, à Caluire, chez le docteur Dugoujon, c’était le tour de Jean Moulin, d’André Lassagne, d’Aubrac, de Xavier Lara, du colonel Sçhwarzfeld, du colonel Lacaze et d’Aubry, qui avait malheureusement amené avec lui René Hardy (Didot) que suivait la Gestapo.
Ligoté, mains serrées sur le dos, Lassagne ne perd pas son sang-froid. À l’École de santé militaire à Lyon, avenue Berthelot, il trouve le moyen de se faire menotter les mains en avant, juste le temps de saisir et d’avaler ses lettres de commandement.
Ensuite, ce fut Montluc et 12 jours durant, la torture qu’il supporta sans faiblir et sans parler. Puis on l’emmena à Paris où il fut confronté avec le général Delestraint et avec Jean Moulin qui gisait, agonisant, sur une civière. Interné à Fresnes, il partage la cellule du colonel Schwarzfeld et, le 9 mars 1944, c’est le départ pour le camp d’extermination de Natweiler, le Struthof de sinistre mémoire. Dans le wagon qui l’emportait, André Lassagne se trouvait, avec le colonel Schwarzfeld, le général Jouffrault et retrouvait avec son ami Gastaldo, le général Delestraint, « Vidal », le chef de l’A.S. Arrivés au Struthof, ces officiers de l’armée française furent aussitôt traités en bagnards, dévêtus, dépouillés, tondus, épilés, jetés nus dans la neige par une nuit glaciale, vers 17 heures devant la porte du Revier qui ne s’ouvrit qu’à 4 heures du matin le lendemain. Nombre d’entre eux moururent durant cette nuit. André Lassagne connut toutes les atrocités de ce camp d’extermination. Le 19 juillet 1944, il fait partie d’un convoi spécial comprenant les généraux Gransard, Gilliot, Olleris et le colonel Gastaldo et il est envoyé au Brieg, en Silésie, où il restera quatre mois en cellule, au secret. Puis, nouveau transfert au camp de concentration de Gross-Rosen où notre ami, perdant un jour conscience au cours du travail, fut jeté sur le tas des morts, recouvert par des cadavres, contraint de passer toute une nuit dans cette fosse ; épuisé, il ne put se relever vivant le lendemain qu’à la porte du crématoire.
Le 9 février 1945, quand les Russes sont signalés à 12 kilomètres du camp, les Allemands abattent les prisonniers les plus faibles et entassent les autres dans des wagons à bestiaux. Ce train, formé en hâte, aboutira à Flossenburg où s’achèvera le périple de ceux qui survécurent. Et là comme ailleurs, André Lassagne fut égal à lui-même ; déjà touché, il réconfortait les autres, et demeura volontairement sur place après la libération du camp pour soigner et aider ses camarades.
Rapatrié, on sut alors à quel point il avait dépassé la limite de ses forces. Ce fut Hauteville ; une opération mutilante, quantité d’examens et de soins douloureux qu’il nommait simplement des « joyeusetés chirurgicales ».
Dès 1947 et bien que n’étant pas guéri. André Lassagne reprenait sa tâche au service de la France. Conseiller municipal de Lyon, sénateur, conseiller de l’Europe, vice-président du conseil général du Rhône, il remplissait magistralement toutes ces tâches avec sa bonté et sa bonne humeur légendaires, sans jamais faire état de sa souffrance. Malgré sa culture exceptionnellement étendue et raffinée, cet homme gardait une entière simplicité. Il possédait un bien suprême : la foi, la foi généreuse et totale qui devait auréoler jadis le front du saint curé d’Ars dont s’occupait Catherine Lassagne, sa grand’tante.
Égal à lui-même, André Lassagne le fut jusqu’à la dernière heure de ce Vendredi Saint 3 avril 1953 où, sans cesser un instant de juger et de souffrir, il quitta ce monde. Il appartenait au général de Gaulle de marquer la place d’André Lassagne, dans la lettre bouleversante qu’il adressait à Jacqueline, sa jeune veuve :
« Chère Madame,
« Ma pensée, la plus émue, la plus fidèle, est en ce moment auprès de vous, de vos enfants, de tous ceux et de toutes celles qui conduisent à sa dernière demeure le corps d’André Lassagne.
« Il n’y a pas une ombre dans le souvenir qu’il nous laisse. Au contraire ! De quelle chaude lumière cet homme de cœur et de valeur a-t-il entouré tous les actes par lesquels, depuis treize années, il prenait part à notre lutte au premier rang des meilleurs !
« Son combat de résistant, ses affreuses épreuves de déporté, son action comme guide moral de ses compagnons du Rhône, les efforts et les peines de sa vie publique au conseil municipal de Lyon et au Sénat, sa mort enfin qu’ont entraînée toutes les souffrances qu’il a subies pour la France et pour la cause des hommes dans les camps d’extermination, il a donné tout cela.
« L’estime, le respect, littéralement unanimes, enveloppent désormais sa mémoire. Mais à moi qui lui ai tant demandé, il appartient de dire que la noblesse confiante et simple de son amitié me touchait hier, jusqu’au fond de l’âme et me reste maintenant, comme un puissant réconfort.
« Ma femme, Chère Madame, joint ses sentiments de profonde sympathie aux hommages très respectueux et attristés que je vous demande d’agréer.
« Charles de Gaulle »
Voici plus de cinq ans déjà qu’André Lassagne n’est plus. Mais son souvenir est toujours vivant et pour tous il reste un exemple et un guide.
Marcelle Appleton
vice-présidente de la section de l’Ain.
Extrait de la Revue de la France Libre, n° 109, juin 1958.