FAFL : la campagne de Libye (1941-1942)

FAFL : la campagne de Libye (1941-1942)

FAFL : la campagne de Libye (1941-1942)

Les premières armes du « Lorraine »
d’après les notes prises au jour le jour par un officier du groupe

5 novembre 1941 – L’aérodrome de Damas présente une animation inaccoutumée. Une légère brume s’est dissipée sous les premiers rayons du soleil levant ; au loin, les hauteurs prennent des tons pastels. Devant les hangars sont alignées en deux rangées les escadrilles d’un groupe de Blenheim dont le nom va devenir bientôt célèbre. C’est l’ancien groupe réservé de bombardement n° 1 (ou G.R.B.1), qui s’est battu à Koufra et en Abyssinie, et qui, réuni à l’escadrille de bombardement n° 2 dont les Glenn Martin viennent d’opérer dans le désert d’Égypte, est sur le point de repartir en opérations. La nouvelle unité porte le nom technique de groupe de bombardement n° 1. Mais le commandant en chef des Forces Aériennes Françaises Libres, le général Valin, vient de décider de donner à chacun de nos groupes le nom symbolique d’une province de chez nous. Les premières unités de chasse seront l’« Île-de-France » et l’« Alsace ». Nous, premier groupe de bombardement, sommes le « Lorraine ».

Le lieutenant-colonel Pijeaud, chef d’état-major des F.A.F.L., a quitté Londres pour prendre le commandement du groupe. Mais il a été retardé au cours de son voyage et c’est le commandant Corniglion-Molinier qui assume cette fonction au départ de Damas et jusqu’à l’arrivée du colonel Pijeaud.

Nous venons de terminer nos vols d’entraînement, et c’est avec une immense joie que nous nous préparons à l’aventure. Il y a là les vétérans de Koufra, de Gondar et de Lybie, et tous, les nouveaux équipages, impatients de suivre les traces de leurs anciens. Il règne près des hangars une activité fiévreuse. De nombreux personnages officiels sont venus assister au départ, mais les adieux sont rapides. On met en marche et l’on démarre. L’un après l’autre, les avions prennent leur piste, procèdent à un dernier point fixe, roulent longuement pour atteindre leur pleine vitesse et décollent parallèlement aux hangars. Bientôt, par groupes de trois, les formations passent au-dessus du terrain, filant vers le Sud. Nous allons nous poser au terrain « X » dans la zone du canal de Suez, près d’Abou-Sueir, à quelques kilomètres d’Ismaïlia, où nous rejoint bientôt la caravane de 1er échelon roulant qui a traversé la Palestine et le désert du Sinaï à « pleins tubes », l’enthousiasme ayant fait quelque peu souffrir la discipline de route.

11 novembre – Une cérémonie se déroule sur le terrain « X » pour marquer la remise du groupe à la disposition tactique du commandement suprême de la Royal Air Force. Le général de Larminat, au nom du général Catroux, délégué du Comité national français au Moyen-Orient, présente notre unité à l’Air Commodore qui représente l’Air Marshal Tedder, commandant en chef des forces aériennes alliées sur le théâtre d’opérations de Méditerranée. Le capitaine de Saint-Péreuse, commandant en second, reçoit le fanion de l’escadrille « Metz », le capitaine Goussault celui de l’escadrille « Nancy » (1).

12 novembre – Un premier détachement de 12 avions suivi de son échelon roulant partent vers Fuka, à l’ouest d’Alexandrie. Le reste de l’unité nous rejoindra un peu plus tard.

19 novembre – Le détachement avancé s’est installé d’abord sur le terrain 105, puis sur le « L.G. 75 ». L’impression en arrivant est peu encourageante. Le terrain est désolé, et les nombreux trous creusés par ceux qui nous ont précédés indiquent que l’endroit n’est pas de tout repos. Chacun s’installe, améliore l’abri de son choix ou en creuse un autre selon son tempérament. D’ailleurs ces abris, nous le constatons vite, constituent une excellente protection contre le vent, et à tous points de vue le terrain est certainement « éventé ». Le sable est servi à discrétion à longueur de journée, en poudre fine qui pénètre partout, par la moindre ouverture.

La défense du camp doit être assurée par un détachement de Nord-Africains sous le commandement du capitaine Bourgoin (2).

Un détachement libanais est venu renforcer l’unité en aides mécaniciens, armuriers, chauffeurs, etc.

21 novembre – Il y a trois jours, la VIIIe armée britannique a repris son offensive annuelle d’automne, parfois aussi surnommée le « Benghasi handicap ». Et aujourd’hui nous exécutons notre première mission. Cinq de nos appareils y prennent part. Il s’agit du bombardement de véhicules ennemis sur la route de Bardia à Tobrouk, avec protection de chasseurs Tomahawk, le dernier cri de la production américaine.

28 novembre – Depuis le 21, les sorties se succèdent sans arrêt et avant-hier le groupe tout entier a été engagé dans la bataille. Aujourd’hui est jour de deuil, ou tout au moins de douloureuse incertitude : car nous avons enregistré nos premières pertes. L’avion piloté par l’adjudant Jabin, observateur, lieutenant de la Maisonneuve, radio-mitrailleur, sergent Bruneau, est parti en mission individuelle au-dessus de Gazala et ne revient pas.

4 décembre – Un accident au décollage au départ d’une mission cause la mort du sergent Fifre ; l’observateur, le capitaine de Maismont, est gravement blessé. Le sergent Soulat, radio, sort de l’avion miraculeusement indemne.

Nous apprenons par un rapport de prisonnier allemand que l’équipage de l’adjudant Jabin est sain et sauf aux mains de l’ennemi (3).

6 décembre – Au cours d’une mission en vol de groupe, l’avion piloté par le lieutenant Sandré, observateur sous-lieutenant de Meltcharsky, radio sergent Lann, est abattu en flammes dans le secteur de Bir-Hakeim. Tout l’équipage est tué.

16 décembre – Les missions continuent sans relâche. En général, on nous donne à bombarder des colonnes ennemies motorisées ou des concentrations de tanks. Souvent aussi nous allons pilonner les poches de résistance de Bardia et d’Halfaya. Jusqu’au 13, les objectifs nous sont désignés avant le décollage ; dès réception des ordres, nous nous envolons, nous nous mettons en formation serrée, nous rejoignons le rendez-vous fixé avec la chasse, nous exécutons notre mission et nous rentrons. Depuis quelques jours, la procédure est plus compliquée. Les transmissions sont devenues difficiles, et c’est nous qui devons aller nous poser sur les terrains avancés de la chasse : El Adem, Gazala, M’sus, et y prendre nos ordres. Tous les matins, les équipages prévus décollent de notre terrain, atterrissent chez les chasseurs, attendent les ordres, et rentrent le soir après avoir exécuté leur mission, si mission il y a. C’est un travail qui fatigue les appareils en raison des atterrissages et décollages à pleine charge. Cela fatigue également les équipages.

Mais tout le monde est plein d’allant et d’optimisme. C’est une joie de pouvoir harceler Boches et Italiens… l’offensive paraît donner de bons résultats. L’ennemi recule et le soir, après une journée bien remplie, les « mess » ou tout au moins ce qui essaie d’en tenir lieu, retentissent des exclamations d’une bonne humeur générale. La coopération avec les escadrilles britanniques de notre wing est parfaite. N’avons-nous pas tous exactement le même but ?

Ce soir, nous avons eu un « show » assez intéressant. Un Ju 88, venant comme chaque jour bombarder la station de chemin de fer qui se trouve au bout de notre terrain, a été pris a partie par un chasseur de nuit. Le combat s’est passé au-dessus de nos têtes, nous pouvions distinguer les balles traçantes amies et ennemies. Soudain, un moteur en feu. Le Ju 88 flambe, s’éloigne un moment et revient au-dessus du terrain faire un atterrissage forcé qui se termine en feu d’artifice. Quelques-uns de chez nous se précipitent en Jeep pour aller voir sur place l’amas de débris en train de flamber. Mais sur ces entrefaites un second Ju 88 pique à mort sur les badauds et se déleste de quelques bombes trop bien ajustées, tout en mitraillant le terrain. Fort heureusement le plat ventre instantané exécuté avec ensemble par le public, réduit les dégâts à un serrement de… coeur général.

17 décembre – Le lieutenant-colonel Pijeaud vient de retrouver le groupe au terrain 75 et prend son commandement. Le commandant Corniglion Molinier, appelé à Beyrouth, nous quitte après avoir été leader de plusieurs missions. Nous voyons partir avec mélancolie un chef, gai compagnon à la verve inépuisable, qui transformait la mission la plus dangereuse en une bonne histoire.

19 décembre – L’offensive Auchinleck-Ritchie continue à faire des progrès. Nous quittons notre terrain pour un autre, à Gambut, entre Tobrouk et Bardia. C’est un ancien aérodrome italien. Le terrain est couvert de petits buissons d’herbe à chameau. Il est également saupoudré « d’araignées » en fer, destinées à crever les pneus. Et ça marche… Une demi-heure après l’arrivée de l’échelon roulant, à peu près tous les camions ont leurs pneus à plat. Le côté humoristique de l’histoire, c’est que ces « araignées » ont été laissées par les Britanniques lors du recul effectué, après la première campagne de Lybie, devant Rommel.

Le camping s’est amélioré, nous trouvons du matériel ennemi en quantité : équipement, armes, essence, avions, même une brosse à dents enduite de pâte dentifrice.

Le convoi auto, transportant le matériel, a eu l’occasion de faire un voyage intéressant à travers le désert. Les poches de Bardia et d’Halfaya étant toujours occupées par l’ennemi, il a fallu, pour les contourner, piquer vers le Sud-Ouest : pour ensuite remonter plein Nord, passant la frontière égyptienne garnie de barbelés à Bir-Shefersen. Le convoi a traversé ensuite Sidi-Omar, où une bataille de tanks vient de se dérouler, laissant de nombreux vestiges. Parfois, un nuage de poussière, au loin, se transforme en une flottille d’autos blindées fonçant vers le convoi, qui espère philosophiquement que ce sont des amis. Il y a quelquefois des discussions sur la direction à suivre, de l’humour à froid, mais en définitive personne ne se « paume » complètement, et tout le monde arrive au camp à l’heure.

Nous avons eu la visite du maire de Benghazi qui, muni de tous ses bagages, s’en va prendre possession de ses fonctions. Il a été deux fois maire déjà, sous les règnes de Wawell et de Cunningham, et il n’a quitté sa ville que lorsque Rommel est venu la visiter. Il retourne maintenant « chez lui ». C’est l’occasion d’agrémenter la soirée et de corser un peu le menu. Monsieur le maire nous quitte très ému… nous aussi.

Quarante-huit heures plus tard – nous avons la « revisite » du maire. Il est très surpris de nous revoir et nous demande comment nous avons pu nous déplacer aussi rapidement. Nous avons beaucoup de peine à lui expliquer que nous n’avons pas bougé. Monsieur le maire avait dû certainement avoir des ennuis avec sa boussole.

20 décembre – Nous effectuons une reconnaissance offensive contre des transports ennemis au Nord-Ouest de Benghazi. Quatre équipages du « Lorraine » accompagnés d’un groupe britannique de Blenheim et escortés de Hurricane, participent à l’opération. Il y a deux couches de nuages superposées, l’une assez près du sol. Nos avions volent entre les deux lorsque soudain 15 Me. 109 débouchent de la couche supérieure. En l’espace d’un instant, c’est la mêlée ; l’escorte de chasseurs engage le combat immédiatement et les bombardiers piquent vers la protection de la couche inférieure de nuages, les mitrailleurs faisant face aux assaillants. Quelques secondes de combat et l’on voit des appareils en flammes, amis et ennemis, brûlant comme des torches. Les Hurricane réussissent à abattre cinq des Messerschmitt, tout en subissant eux-mêmes des pertes sévères – quatre sont descendus. L’avion du lieutenant Ezzano, observateur sergent-chef Tournier, radio-mitrailleur sergent Bauden, est pris à partie par deux Messerschmitt, mais l’équipage du Blenheim se défend durement, le pilote feinte et le calme Bauden réussit de quelques rafales à abattre l’un des assaillants : celui-ci après une vrille désordonnée, va s’écraser au sol. L’autre appareil ennemi fait un passage en éclair, mais sans succès. Devant le sort de son coéquipier, il n’insiste pas. Malgré l’écrasante disproportion des vitesses le lieutenant Ezzano parvient à « semer » l’attaquant en gagnant la couche de nuages supérieure.

Malheureusement, l’appareil piloté par le colonel Pijeaud, observateur lieutenant Guigonis, radio sergent Delcros, a été abattu en flammes presque immédiatement, le mitrailleur tué à sa pièce. Le pilote donne à l’équipage l’ordre de sauter en parachute, et voulant s’assurer que tous ont pu le faire, il attend la réponse du radio-mitrailleur qui hélas ne vient pas. Lorsque le colonel Pijeaud se décide enfin à sauter, il est trop tard et il est affreusement brûlé. Le lieutenant Guigonis s’en tire sans une égratignure, son parachute le dépose loin des restes fumants de l’avion (4).

Un autre avion, piloté par le sergent-chef Redor, observateur lieutenant du Boisrouvray, radio sergent-chef Perbost est porté disparu (5).

Le lieutenant-colonel Pijeaud porté manquant, c’est le capitaine de Saint-Péreuse qui prend le commandement du groupe, qu’il avait déjà eu sous ses ordres lors de l’entraînement en Syrie. Nous le connaissons pour un chef infatigable, cumulant les fonctions de pilote et de chef de groupe avec une bonne humeur égale à son courage.

31 décembre – Les missions continuent. Aujourd’hui, nous sommes allés bombarder des concentrations ennemies au-dessus d’Agedabia. La D.C.A. ennemie y était particulièrement violente et l’avion piloté par le sergent-chef Langer, observateur, capitaine Mendousse (6), radio sergent-chef Mounes (l’« Amiral » pour les copains) revient endommagé. Il y a de nombreux trous dans l’appareil, notamment un obus de D.C.A. ennemie de 20 mm a explosé dans la carlingue de l’observateur. Bien que blessé, le capitaine Mendousse n’a pas perdu son sourire mais il faut l’évacuer sur l’hôpital d’Alexandrie.

Le rythme de nos missions s’accélère et nos équipages réduits par les pertes doivent tenir envers et contre tout. Mécaniciens et armuriers fournissent un effort extraordinaire, dans de dures conditions d’existence, le vent de sable pénètre partout, le temps est très froid, le vent devient glacial et il leur faut travailler les doigts tout gourds, couverts de crevasses, ils doivent faire le plein des moteurs avec des « tanaqués » et charger les bombes à dos d’homme.

Le ravitaillement est assez difficile comme on peut se l’imaginer et le « singe » est le plat de résistance. La région se prête peu à la chasse, les lièvres du désert ont dû prendre des leçons de course à pied des « carabinieri » et l’on en voit pour ainsi dire jamais.

Une fois, malgré tout, par hasard, un jeune chameau a eu le malheur de se trouver sur la trajectoire d’une balle Lebel, tout le monde a eu l’air d’être très peiné par ce malheureux accident, mais en vérité les « steaks » n’étaient pas plus mauvais que ça.

L’eau, très rationnée, est extraite d’un puits à moitié saumâtre, et le thé, seule boisson que l’on puisse encore obtenir, est bu salé ; y ajouter du sucre donne un mélange impossible à avaler. Parfois l’arrivée d’un camion fait naître un peu d’espoir : il pourrait contenir quelques caisses de bière en boîte, mais hélas, c’est bien rare et nous en sommes quittes bien souvent pour avoir simplement eu l’eau à la bouche. À ce régime chacun est plus ou moins atteint d’un début de scorbut, les dents donnent l’impression de se balader au milieu de leur cavité et les gencives deviennent très sensibles.

Les barbes ont fait leur apparition, notre ami Tournier arbore même un monocle très Napoléon III. Les coupes de cheveux sont du type long, pleins de sable, à tel point que certains au retour ont des « démêlés » avec les coiffeurs du Caire, qui refusent de risquer d’ébrécher leurs ciseaux. Quel délice sera la première douche, au retour… il en faudra du reste plusieurs, pour arriver à se désensabler complètement… Heureusement les « marraines » du Caire ou d’Alexandrie entretiennent le moral grâce à de nombreuses lettres et colis… et si certains se rappellent combien ces bonnes lettres les ont réconfortés, ils se souviennent également avec attendrissement de certains saucissons qui, pendant au plafond de la tente, n’ont jamais eu le temps de sécher.

17 janvier – Pendant toute la quinzaine, des bombardements se sont succédés et plusieurs particulièrement réussis ont valu au groupe les félicitations du commandement britannique. Malgré le nombre réduit des équipages et des avions, la bonne humeur règne.

Les tanks de Rommel ont servi bien souvent de cible, et ils nous ont, bien entendu, rendu la politesse. Nous avons eu quelques « Buchanan Parties » où la lutte a été chaude, surtout le jour ou à 800 mètres nos formations firent trois passages sur une concentration de tanks bien défendue. Jamais, nous ne revînmes à la base aussi criblés de trous. Ensuite nous avons eu la période plus tranquille, quoique peut-être un peu monotone, du « milk run », le harcèlement continu de la passe d’Halfaya, avion par avion, bombe par bombe. Et aujourd’hui Halfaya s’est rendu sans conditions. « Je suis sûr que cette reddition est due pour une grande part aux résultats du bombardement, continu et efficace, effectué par le groupe « Lorraine » sur cette position bien et fortement défendue. Je désire complimenter ce groupe pour l’heureuse issue de ses efforts ». Cette dépêche du 18 janvier 1942, adressée au groupe par le Group Captain Kollet, commandant le wing n° 270 de la R.A.F. est venu consacrer la fin d’un véritable « service » de bombardement effectué chaque demi-heure sur la « ligne » Gambut-Halfaya par le groupe « Lorraine » des «Transports en Commun (bombes de Cyrénaïque) ».

20 janvier – Le moment est venu de rentrer au bercail. Les appareils sont fatigués, les équipages et le personnel à terre ont besoin de repos. Aussi le commandement décide-t-il de diriger le groupe sur le Liban, où l’air pur des montagnes va vite remettre tout le monde en état. Une étape est prévue au terrain « X », où nous nous étions arrêtés à l’aller, près d’Ismaïlia. Les uns rentrent par avion, les autres par l’échelon roulant. Ceux qui reviennent sur la route sont heureux, en passant à la passe d’Halfaya, de constater le résultat des bombardements effectués par le « Lorraine » ; ce ne sont que débris, ferrailles et batteries d’artillerie démantelées. Au passage nous serrons la main à nos copains du 1er B.I.M., aux fusiliers marins, aux légionnaires, aux engagés du bataillon du Pacifique, à tous les autres de la division Koenig, à nos camarades de l’armée de terre qui s’en vont à la bagarre. Nous leur disons au revoir et retournons dans nos camions, contents de revenir vers des lieux civilisés ; et sur la piste routière, à quelques kilomètres d’Alexandrie, une bédouine bien sale et bien miteuse n’a jamais compris la raison des cris d’enthousiasme qui ont salué en elle la première femme aperçue depuis plusieurs mois.

(1) Ces fanions furent rapportés en janvier 1943 par un détachement du groupe « Lorraine » qui se dirigeait vers la Grande-Bretagne. Malheureusement le navire qui ramenait ce détachement fut torpillé et coulé au large de Freetown (dans ce torpillage le lieutenant Roquère perdit la vie).
(2) Le capitaine Bourgoin, aujourd’hui colonel inspecteur des parachutistes, devait ensuite faire campagne depuis El Alamein jusqu’en Tunisie, puis en Bretagne. Mais ceci est une autre histoire (à écrire).
(3) Aujourd’hui, nous savons que le lieutenant de la Maisonneuve – un ancien Saint-Cyrien – mourut des « suites de ses blessures ». L’adjudant Jabin fut tué par les milices italo-allemandes en essayant de s’évader d’un camp de prisonniers en Italie en 1943.
(4) Le lieutenant Guigonis devait rester cinq jours en plein désert ennemi. Il fut ensuite sauvé par les blindés britanniques avançant vers l’Ouest. Le colonel Pijeaud fut évacué par l’ennemi sur l’hôpital de Barce. Apprenant que cet hôpital devait être replié devant l’avance britannique, et bien qu’il fût totalement aveuglé par ses brûlures, il s’évada et se cachant plusieurs jours attendit les Britanniques, qui l’hospitalisèrent à Derna. Il devait mourir le 6 janvier à l’hôpital d’Alexandrie, ayant donné un magnifique exemple d’obstination et de courage.
(5) Aucune nouvelle ne nous parviendra plus jamais de cet équipage.
(6) Devenu pilote sur Beaufighter, le capitaine Mendousse disparaîtra en Mer du Nord en avril 1944.

Extrait de la Revue de la France Libre, n° 49, juin 1952.