Ecran de fumée sur le débarquement de Normandie

Ecran de fumée sur le débarquement de Normandie

Ecran de fumée sur le débarquement de Normandie

6 juin 1944

Onze mille avions avaient été engagés dans l’opération Overlord. Noyés dans cette masse, une centaine d’appareils français participèrent pleinement à l’assaut initial. Au début de juin, le général Eisenhower était venu rendre visite aux équipages du groupe Lorraine (officiellement : Squadon 342 de la RAF) au camp de Hartfordbridge, pour leur annoncer qu’ils seraient engagés dans le débarquement. La mission fixée au Lorraine était de tendre un immense écran de fumée (d’où le nom de code de l’opération : Screen Smoke) entre la flotte alliée et la côte française afin d’empêcher l’ennemi de prendre l’exacte mesure de l’invasion.

Au matin du 6 juin, à partir de 6 heures, toutes les dix minutes, douze Boston III emmenés par le chef du groupe, le lieutenant-colonel Michel Fourquet (Gorri), déposèront une nappe de plus en plus épaisse sur la mer. Depuis quelques semaines, les bombardiers étaient dotés d’un dispositif spécial: le navigateur n’avait qu’à appuyer sur la commande habituelle du lance-bombes pour laisser échapper une fumée grise, d’ailleurs très toxique, qu’il importait de renouveler régulièrement car le vent violent avait vite fait de la dissiper. Les Français du “342” s’étaient vu attribuer le secteur de la côte est du Cotentin, entre la pointe de Barfleur et l’embouchure de la Vire ; les Britanniques du Squadron 88 devaient lâcher leur fumée entre l’Orne et Bayeux.

Les avions filaient à 15 mètres d’altitude – ce qui leur permettait d’échapper aux tirs des batteries – à 370 km/heure. En quelques minutes, l’écran de fumée s’allongea sur une dizaine de kilomètres. Les premiers équipages dépassèrent un convoi de gros cargos, puis, à mi-chemin, un autre convoi de plusieurs centaines de barges bourrées de soldats. On apercevait aussi des ballons au niveau des nuages, chargés de prévenir les attaques aériennes ennemies. Les gros navires de guerre américains étaient déjà là ; ils avaient commencé à tirer et les batteries répondaient. Les traçantes de la Flak (DCA allemande) accompagnaient le soleil levant. Lorsque la fumée manquait dans les réservoirs, les avions remettaient le cap sur l’île de Wight*.

Six autres groupes d’aviation français participèrent à l’opération Overlord: trois de chasse, équipés de Spitfire (Île-de-France, Alsace, Cigognes**), deux de bombardement lourd, équipé de quadrimoteurs Halifax (Tunisie et Guyenne), un de bombardement léger, équipé de bimoteurs Boston, comme le Lorraine (Berry). Tous furent engagés dans la matinée du 6 juin pour attaquer les premiers éléments allemands qui tentaient de se regrouper en avant du gros des troupes. Les groupes de bombardement déversèrent leurs cargaisons, permettant ainsi aux troupes alliées débarquées de progresser à partir des plages ; les groupes de chasse assurèrent une mission de “couverture”, s’assurant qu’aucun avion ennemi ne se manifestait. Les chasseurs n’aperçurent les premiers Junkers que le lendemain ; ils les forcèrent à rebrousser chemin après un bref engagement. Ce premier succès en annonçait d’autres. Il n’y avait désormais plus aucun doute : la libération de la France avait commencé.

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* Un équipage du Lorraine manquera à l’appel : le Boston piloté par le sergent Boissieux et ayant à son bord le sous-lieutenant Canu (observateur) et le sergent Henson (radio), atteint par les tirs ennemis, s’était écrasé en mer.
** Les deux premiers appartenaient aux FAFL, le troisième à l’ancienne armée d’Afrique.