Les engagements dans la France Libre à la suite de l’Appel

Les engagements dans la France Libre à la suite de l’Appel

jeunes_mancheDans son discours du 22 juin 1940, le général de Gaulle appelle « tous les Français libres » à « continuer le combat, là où ils seront et comme ils pourront ». Les Français libres sont, selon la définition de Jean-Louis Crémieux-Brilhac, une « communauté de Français qui à partir de 1940 se groupent hors de France autour du général de Gaulle ». Au-delà des parcours particuliers et de leur diversité, ils se rallient au refus de la défaite exprimé dans l’Appel.
Rares sont ceux qui ont entendu l’Appel, rares également ceux qui y ont répondu, alors qu’ils étaient plus de 100 000 marins et soldats français présents sur le sol anglais. A partir du 19 juin, ils sont quelques-uns, civils ou militaires, venus individuellement ou en groupes, à s’engager auprès du général de Gaulle, reconnu officiellement le 28 juin par le gouvernement britannique comme chef des Français libres.

Quelques unités les rejoignent, qu’il s’agisse de la 13e demi-brigade de légion étrangère en Angleterre ou du bataillon d’infanterie de marine au Moyen-Orient. A la fin juillet, ils sont 7 000.

Le ralliement d’une partie des territoires de l’Empire, en particulier l’Afrique équatoriale française (sauf le Gabon), lors des « Trois Glorieuses » (26, 27 et 28 août 1940), fournit à la France Libre une assise territoriale et un réservoir d’hommes pour étoffer ses rangs, qui atteignent à la fin de l’année, un effectif de 35 000 hommes.

Qui étaient les engagés?

On évalue approximativement à 53.000 le nombre de ceux qui ont signé un engagement dans les Forces françaises libres entre le 18 juin 1940 et le 1er août 1943, parmi lesquels 26 000 engagés non-coloniaux.

Les engagements dans les FFL ont eu lieu par vagues successives entrecoupées de creux : la première en juin-septembre 1940, après l’appel du 18 juin 1940, la seconde à l’été 1941 après la campagne de Syrie, parmi les troupes de l’armée du Levant, la troisième après le débarquement allié en Afrique du Nord de novembre 1942, avec une forte proportion d’évadés de France.

Qui sont les Français libres ?

Les enquêtes menées par les historiens, ces dernières années, ont permis de dresser un portrait des engagés d’origine européenne.

Ce sont essentiellement des hommes, à 96 %, les contraintes matérielles, sociales et culturelles ne favorisant pas une présence féminine réellement significative.

De même, il s’agit surtout de jeunes gens. L’âge moyen d’engagement s’établit à 22 ans. Plus de la moitié des engagés sont nés entre 1919 et 1923, 40 % ont moins de 21 ans, 5 % ont même moins de 17 ans. En revanche, les plus de 30 ans sont à peine 12 %, et seulement 3 % sont nés avant 1900.

La disponibilité les distingue également. 83 % ne sont pas mariés au moment de l’engagement et 91 % sont sans enfant. Par ailleurs, plus du quart des volontaires ne sont pas encore entrés dans la vie active, 22 % étant encore lycéens ou étudiants. En outre, il s’agit davantage de cadets ou de benjamins, issus de familles relativement nombreuses dans un pays alors marqué par la faiblesse de sa natalité, que d’aînés, déjà installés dans la vie, et 21 % ont perdu au moins un parent. Pour ceux, plus âgés, qui sont déjà installés dans la vie active, il faut noter la forte proportion de militaires, un peu plus du tiers des volontaires français, et de ceux dont l’activité est liée à la mer (près de 20 %).

Les origines sociales montrent une sous-représentation des fils d’agriculteurs et d’ouvriers (respectivement 11 et 15 % des engagés, alors que ces deux catégories sociales forment 60 % de la population active en 1936), une représentation normale des fils d’employés et des travailleurs indépendants (23 % chacun) et une surreprésentation des catégories supérieures : cadres supérieurs du privé ou de la fonction publique, professions libérales (16 % des volontaires, contre moins d’1 % dans la population). De la même façon, le niveau scolaire des engagés est supérieur à la moyenne nationale. Ainsi, 45 % des volontaires ont le baccalauréat ou préparent le diplôme au moment de leur engagement, à une époque où moins de 7 % d’une classe d’âge l’obtient et où la France compte moins de 100.000 étudiants. Si l’on affine, 17 % des engagés sont des étudiants, et même 7 % sont des élèves des grandes écoles ou de classes préparatoires aux grandes écoles, même s’il s’agit essentiellement de grandes écoles militaires ou scientifiques.

D’où viennent-ils ?

engagementLes contraintes matérielles pèsent lourdement sur l’origine géographique des engagés. Pour des raisons de facilité, les habitants de la façade atlantique sont ainsi surreprésentés, et plus encore les Bretons (41 % des engagés dans le premier cas, 26 % dans l’autre). Avec 16 % des engagés, la région parisienne fournit un effectif moyen, correspondant à son poids démographique. En revanche, l’Est, le Nord, le Midi et le Centre sont sous-représentés.

Autre caractéristique, 71 % des Français engagés viennent de la zone occupée, contre 13 % de l’Empire et seulement 10 % de la zone libre. Les familles françaises installées à l’étranger fournissent également un important contingent d’engagés par rapport à leur poids démographique.
Saisissant durant l’été 1940, ce contraste géographique s’atténue ensuite, seuls la Provence et le Languedoc restant sous-représentés en 1941-1943.

Quelles sont leurs motivations ?

L’explication qui revient le plus souvent, pour justifier l’engagement dans les FFL, dans une jeunesse élevée dans le souvenir de la Première Guerre mondiale et le culte de ses héros, c’est un refus de la défaite et de l’armistice. Outre ce patriotisme, viscéral chez une jeunesse dans l’ensemble peu ou pas politisée, le goût de l’aventure et l’inconscience des 20 ans ont pu jouer dans leur décision. La motivation politique ou idéologique est minoritaire et n’exclut pas certaines contraintes fonctionnelles, aussi bien pour les Juifs que pour les anciens des Brigades internationales en Espagne. Pour 13 % d’entre eux, les effets d’entraînement ont été déterminants, qu’il s’agisse du ralliement du territoire ou de l’engagement d’un ami.

Un engagement risqué

L’engagement dans les FFL signifie une rupture avec l’ordre légal incarné par l’État français de Vichy, mais aussi avec l’univers quotidien, une famille, un emploi, des études, et ce afin de rejoindre un pays dont un grand nombre ignorent presque tout, pour une durée inconnue. Il implique la condamnation par contumace, l’emprisonnement, voire la mort, en cas de capture, et de possibles représailles à l’encontre des proches.

L’acte lui-même n’est pas sans danger. Non seulement des volontaires ont pu se tuer en cherchant à rallier la France Libre, mais certains ont été délibérément abattus lors de leur tentative ou exécutés par l’ennemi après avoir été faits prisonniers.

Enfin, les dangers du combat ne sont pas négligeables pour les volontaires, avec des pertes qui, en juillet 1943, s’élèvent à environ un homme sur 10.

Bibliographie

Jean-François Muracciole, Les Français Libres, l’autre Résistance, Tallandier, 2009.
Jean-François Muracciole, « Les Français Libres : une jeunesse gaulliste ? », in Fondation Charles de Gaulle, Charles de Gaulle et la jeunesse, Plon, collection Espoir, 2005, p. 31-44.

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