La participation des escorteurs français aux opérations du débarquement en Normandie

La participation des escorteurs français aux opérations du débarquement en Normandie

La participation des escorteurs français aux opérations du débarquement en Normandie

par l’amiral Émile Chaline

Moins spectaculaires que l’assaut direct contre la terre dévolu au 1er BFM-Commando (commando Kieffer) et que l’appui feu effectué par les croiseurs Montcalm, Georges Leygues et le torpilleur La Combattante, les missions d’escorte assurées par les frégates l’Aventure, la Découverte, l’Escarmouche, la Surprise, les corvettes Aconit, D’Estienne d’Orves, Renoncule, Roselys et les chasseurs de Cowes ont pourtant constitué un apport non négligeable au débarquement en Normandie.

L’opération Neptune

Neptune concernait tous les aspects maritimes de l’opération Overlord (débarquement en Normandie).

Les plans prévoyaient un assaut initial lancé par cinq divisions, deux en zone américaine sur les plages Utah et Omaha, trois en zone britannique sur les plages Gold, Juno et Sword. Dès le jour J, il faudrait débarquer 50 000 hommes, 1 500 chars, 2 500 véhicules tout terrain, 3 000 canons et 10 500 véhicules de tout type. Cinq autres divisions, accompagnées de leur matériel, devaient suivre en moins de 48 heures. Au total, 39 divisions, soit près de 2 millions d’hommes et 2 millions de tonnes de matériel, parviendraient sur la tête de pont en moins de deux mois.

Pour transporter les éléments d’assaut avec leurs véhicules et leur équipement, il fallait réunir près de 4 000 navires de débarquement de types variés.

Pour consolider la tête de pont, il fallait acheminer très rapidement les éléments des ports artificiels, qui représentaient un poids de 500 000 tonnes.

Il fallait que tous ces transports s’effectuent par mer et sans pertes. Voilà quelle était la mission dévolue aux forces d’escorte dont les Forces navales françaises en Grande-Bretagne faisaient partie.

Les opérations d’escorte pendant la période d’assaut (6-10 juin)

Il serait fastidieux de rendre compte de l’activité détaillée de chaque unité pendant la période d’assaut (6-10 juin). L’Aconit et la Renoncule opéraient en zone Utah, l’Aventure, l’Escarmouche et la Roselys en zone Omaha, la Surprise, la Découverte et la D’Estienne d’Orves en zone Gold, les chasseurs en zone Omaha, Gold, Sword et Juno. Les missions consistaient à prendre un convoi en escorte dans un port d’Angleterre et à l’amener à sa destination prévue sur l’une des plages. Quatre passages reliaient les ports jusqu’à un point de rendez-vous aménagé au centre de la Manche et baptisé familièrement Piccadilly Circus. De là, dix chenaux de 400 à 1 200 mètres de large, dragués et balisés de bouées lumineuses, conduisaient aux plages.

Chacune des unités françaises remplissait sa mission sans dommages. Une fois amené à bon port, le convoi dont elle était chargé, elle en ramenait un autre, après avoir éventuellement effectué des patrouilles anti-sous-marines dans les chenaux dragués ou participé à la défense anti-aérienne contre les avions allemands qui, la nuit venue, venaient larguer bombes et mines sur l’armada de débarquement.

Suite des escortes en zone d’assaut

La tête de pont consolidée, les escorteurs français continueront jusqu’en août leurs navettes entre les ports anglais et les plages de débarquement transportant à l’aller soldats, matériels et renforts en tout genre et au retour blessés et matériels avariés. Ils auront fréquemment l’occasion de porter assistance à des navires marchands victimes de mines.

Les chasseurs qui manquent de moyens pour la lutte ASM, mais qui ont l’avantage d’être équipés de moteurs pouvant démarrer en quelques minutes, seront bientôt affectés à des missions rapides de liaison entre la France et l’Angleterre.

Quelques événements allaient marquer ces escortes.

Le 10 juin, le Chasseur 10, en escorte de 15 bâtiments lents, LCT pour la plupart, repoussait une vedette ennemie qui s’apprêtait à attaquer et déployait contre les batteries de côte qui bombardaient le convoi un écran de fumée pour masquer les navires dont il avait la garde.

Le 20 juin à 11 h 42, en escorte d’un convoi de troupes, alors qu’elle s’apprêtait à couler dans le chenal dragué un ponton à la dérive dangereux pour la navigation, la Surprise sautait sur une mine magnétique. L’arbre bâbord était cassé, il y avait d’importantes voies d’eau et une partie de l’armement (grenadeurs, pièce de 102 mm et oerlikons) était hors d’usage. Elle devait être remorquée jusqu’à Pembroke et ne retrouverait son activité qu’en novembre.

Le 15 juin à 23 h 40, devant Omaha, une bombe planante du type VI tombait à une centaine de mètres de la Roselys.

Le 22 juin, le 108e groupe d’escorte, constitué de l’Aventure, l’Escarmouche, l’Aconit et la Renoncule, était attaqué de nuit par un groupe d’avions torpilleurs allemands. L’Aventure en abattait un, alors que l’Escarmouche évitait l’une des torpilles de justesse.

Le 6 juillet, la Renoncule endommageait un sous-marin menaçant le convoi qu’elle escortait.

La France a commémoré le cinquantenaire du 6 juin 1944. Il était bon de souligner que, bien que modestement par rapport aux moyens engagés par les Alliés, malgré leur isolement au milieu des formations anglo-américaines, les navires français, parfaitement aguerris par cinq années de combats, allaient donner le maximum de leurs possibilités.

Extrait de la Revue de la France Libre, n° 287, troisième trimestre 1994.