Le ralliement de Denys Boudard et de Jean Hébert

Le ralliement de Denys Boudard et de Jean Hébert

Le ralliement de Denys Boudard et de Jean Hébert

Les faits

Denys Boudard (5 novembre 1919, Flers – 9 octobre 2005, Caen) est employé à la cartoucherie de Lébisey après des études au petit séminaire de sa commune natale, quand éclate la guerre. Jean Hébert (24 mars 1920, Caen – 9 juin 1943, Filey, Angleterre) a suivi une formation d’élève ajusteur à l’école des hauts fourneaux de Colombelles. Après l’obtention de son brevet professionnel, il est entré à l’usine sidérurgique en 1935-1936. Pendant leurs heures de loisir, les deux jeunes hommes suivent des cours de pilotage à l’aéro-club de Cormelles-le-Royal, où ils se lient d’amitié.
Lorsque la guerre éclate en septembre 1939, ils sont engagés volontaires pour la durée de la guerre dans l’armée de l’air et préparent leur brevet militaire dans les bases de Bernay puis d’Évreux. Alors qu’ils doivent, en juin 1940, rejoindre la base d’Étampes pour y achever leur entraînement, ordre est donné à l’école n° 17 d’Évreux de se replier sur Lannion puis Bergerac. Là, ils apprennent la nouvelle de l’armistice. Pensant que la guerre va se poursuivre en Afrique du Nord, ils sont acheminés vers Toulouse, avec d’autres pilotes, puis embarquent à Marseille, à destination d’Oran. Arrivés en Algérie une quinzaine de jours après l’attaque de Mers el-Kébir, ils sont cantonnés à Blida, où ils demeurent, impuissants, pendant huit mois.
En mars 1941, ils obtiennent une permission de 45 jours en zone libre et embarquent à Alger pour Marseille. Franchissant clandestinement la ligne de démarcation, un soir, à Dun-sur-Auron, ils prennent le train à Bourges en direction de Caen, via Paris, sans billets, faute d’argent.
Durant le trajet en train qui le conduit à Flers, Denys Boudard longe le terrain d’aviation. Alors lui vient à l’esprit l’idée de s’emparer d’un avion pour rejoindre l’Angleterre.
Les deux hommes s’étant mis d’accord sur ce projet, ils décident de surveiller les terrains d’aviation de la région. Le choix se fixe finalement sur celui de Caen-Carpiquet, qui leur semble plus facile d’accès.
Ils décident alors de se faire démobiliser en Afrique du Nord, afin de disposer de papiers en règle. Ayant repassé la ligne de démarcation à Dun-sur-Auron vers la mi-avril 1941, à 15 heures, ils arrivent à Marseille, où leur bateau a déjà appareillé. Plutôt que d’attendre le suivant, ils repassent la ligne de démarcation, le 19 avril, de nuit, toujours au même point, et rejoignent Caen.
Voulant pénétrer sur le terrain par le sud, du côté de Verson, éloigné du PC allemand, ils louent une chambre dans la grand-rue de cette commune, où ils demeurent quatre jours, le temps de repérer un biplan dont ils apprennent qu’il part tous les matins vers 11 heures pour revenir dans l’après-midi. De même, ayant repéré que les mécaniciens allemands sont vêtus d’une combinaison noire, ils achètent au marché Saint-Pierre, le 27 avril, des bleus de travail qu’ils teignent dans une bassine prêtée par leur logeuse.
Le 29 avril, vers 11 heures, ils pénètrent sur le terrain par un sentier qui mène vers les hangars où sont installés les avions et s’emparent du Bücker qu’ils avaient repéré. Denys Boudard actionne l’hélice, pendant que Jean Hébert est aux commandes. Lorsque la voie est libre, l’avion décolle, direction l’Angleterre. Passant en rase-mottes au-dessus de la gare, Hébert bat des ailes, signe convenu avec un ami, inspecteur de la SCNF, auquel ils ont laissé des lettres destinées à leurs familles.
Après une heure de vol, ils touchent la côte anglaise et survolent la rue principale de Bournemouth, déclenchant la sirène d’alerte. Plus tard, deux chasseurs patrouillent au-dessus d’eux, sans les voir.
Par hasard, ils découvrent l’aérodrome de Christchurch, près de Bournemouth, où ils sont accueillis par des soldats en armes.
Interrogés pendant trois jours à Patriotic School, ils sont présentés aux Churchill puis à de Gaulle.
Engagés dans les Forces aériennes françaises libres (FAFL), ils sont affectés à Camberley pour y parfaire leur formation et apprendre l’anglais.
Après une campagne au Moyen-Orient au sein d’un groupe des FAFL, Jean Hébert retourne en Angleterre, où il se tue accidentellement au cours de sa formation en Operational Trianing Unit (OTU).
Affecté au groupe de chasse Île-de-France, Denys Boudard baptise son appareil « Sergent-chef Jean Hébert » en hommage à son ami.

Les documents

Malgré les appréhensions des deux hommes concernant leurs familles, la presse écrite et la radio britanniques et françaises libres donnent une large publicité à ce ralliement.
Le samedi 31 mai 1941, un mois après, France d’abord, dans son n° 9, publié à Brazzaville consacre quelques lignes au “magnifique exploit de deux pilotes français libres” dans un article, page 3, intitulé « Avec les Forces françaises libres » et consacré notamment au ralliement du colonel Collet et de ses Tcherkesses.

Coll. Fondation de la France Libre

Le même périodique, dans son n° 18, paru le mercredi 5 novembre 1941, fait paraître, pages 8 et 9, une double-page de photographies centrées sur la fête de la Sainte Jeanne d’Arc, le 11 mai 1941, sur laquelle figure un cliché du Bücker.

Coll. Fondation de la France Libre

De son côté, le n° 7 de Pour la France Libre (ici en version espagnole), sorti en mai-juin 1941, publie, page 2, un cliché des deux pilotes devant l’appareil.


De son côté, l’hebdomadaire France, « organe des Français Libres du Proche-Orient », fait paraître en page 3 de son n° 29-30, en date du 1-8 septembre 1941, un cliché du général Vallin, commandant des FAFL, posant à côté du Bücker.

Coll. Fondation de la France Libre