Les « 75 » de Bir-Hakeim

Les « 75 » de Bir-Hakeim

Les « 75 » de Bir-Hakeim

Par Paul Thiébaut

Cher Ami,

canon-75-monte
Un canon de 75 monté sur camion (Imperial War Museum).
C’est vraiment en prenant de l’âge que beaucoup de souvenirs reviennent en mémoire.
Tu t’es peut-être demandé d’où viennent ces canons ? Oui, ces braves petits 75 de campagne qui nous ont servi à défendre Bir-Hakeim ? Je vais te le dire : moi maréchal des logis-chef Thiébaut de la 1re batterie du 1er R.A.C., sous les ordres de nos officiers Quirot, Chavanac et Emberger, j’ai été mobilisé le 23 août 1939 au 10e R.A.C. à Rueil (Seine-et-Oise). Je suis parti à Narvik (Norvège) avec le corps expéditionnaire sous les ordres du général Béthouard. J’étais avec le 1er groupe du 10e R.A.C., nous avions trois batteries de 75 qui représentaient 12 pièces d’artillerie y compris les caissons et les véhicules tracteurs.
Après avoir accompli notre mission, c’est-à-dire avoir refoulé les Allemands à 4 kilomètres à l’intérieur de la frontière suédoise, nous avons reçu l’ordre de rejoindre le port le plus proche. Nous nous sommes embarqués à Harstadt le 31 mai 1940.
Ce jour-là Paris venait d’être occupé. C’était l’affaire de Dunkerque. J’étais à bord du cargo Le Vulcain avec tout le matériel d’artillerie. Nous étions environ à deux heures des côtes de Brest. À la suite des nouvelles que nous avons eues par avion, nous avons décidé de faire demi-tour et de rejoindre le port anglais le plus proche qui n’était pas bien loin de Londres. Les camarades qui étaient avec moi ont tous demandé à rentrer en France. Je suis resté seul à bord avec tout le matériel.
C’est moi qui ait tout débarqué. J’ai livré avec soin tout ce matériel aux Anglais car je me doutais qu’il nous servirait dans des jours très proches.
À la suite de ces événements, avec des ruses de Sioux pour ne pas me faire remarquer de ceux qui étaient restés fidèles au maréchal, j’ai rejoint à Londres Carlton Garden pour m’engager aux F.F.L. le 19 août 1940. Maintenant tu connais la suite…
J’oubliais de te dire. Ce matériel nous a été rendu après les accords des Anglais avec le général de Gaulle. C’est ce matériel qui a permis de créer les toutes premières forces des F.F.L.
Extrait de la Revue de la France Libre, n° 168, juin 1967.