L’évacuation du camp de concentration de Natzwiller-Struthof

L’évacuation du camp de concentration de Natzwiller-Struthof

L’évacuation du camp de concentration de Natzwiller-Struthof

L’ordre d’évacuation du camp du Struthof arrive dans la journée du 31 août [1944]. « Vers 22 heures, le premier convoi d’évacuation se met en route », rapporte le « NN »1; Aimé Spitz. « Nous sommes environ 2.000 et je suis du nombre. Encadrés par une bonne escorte de SS et de soldats de la Wehrmacht, accompagnés de nombreux chiens policiers, nous descendons à pied la montagne. C’est une procession lugubre et sinistre d’hommes en haillons, les uns chaussés de savates trouées, d’autres de lourds sabots, certains sont pieds nus. Nombreux sont ceux qui pensent pouvoir profiter de ce déplacement nocturne pour tenter de s’évader. Cet espoir s’évanouit bientôt, car les hommes de l’escorte se tiennent à 20 pas les uns des autres des deux côtés de la colonne. Nous arrivons ainsi jusqu’au village de Rothau lorsque nous sommes rejoints par le Commandant Hartjenstein2, très énervé. Il ordonne au convoi de faire demi-tour. Notre train est bien en gare, mais il manque la locomotive. Nous remontons donc au camp où nous arrivons vers une heure du matin, complètement exténués. Nous retournons à nos baraques. Subitement, à cinq heures du matin, retentit un coup de sifflet. Il faut se remettre en route et ainsi la longue file de prisonniers descend à nouveau la montagne pour gagner la gare de Rothau. Cette fois-ci un train complet se trouve à quai. Nous sommes entassés dans des wagons à bestiaux (jusqu’à 65 par wagon a-t-on affirmé). Nous n’avons ni paille ni eau. Vers dix heures, le train se met enfin en route. Par Strasbourg, Rastadt, Stuttgart, Augsbourg, nous arrivons au camp de Dachau le lendemain dans la matinée. Notre convoi a été particulièrement favorisé à tous points de vue d’abord par la rapidité (les prochains convois mettront deux jours), ensuite parce que nous n’avons que deux morts à déplorer ». Les 2 et 3 septembre, deux convois identiques prennent aussi la direction du camp de Dachau. Le reste du camp, avec les malades du Revier, est évacué le 4 septembre. Ces derniers prisonniers sont transportés par camion jusqu’à la gare de Rothau3.

Document
Charles Béné, L’Alsace dans les griffes nazies, tome V : Organisations policières nazies, prisons et camps de déportation en Alsace, Fetzer SA éditeur, 1980, pp. 317-318.

1) Déportés « Nacht und Nebel ».
2) Le SS-Obersturmbannführer Friedrich Hartjenstein (1905-1954), commandant des camps de Birkenau (1942-1944) puis du Struthof (1944).
3) D’après archives de Dachau 7.184 prisonniers de Natzweiler arrivent dans ce camp (note de l’auteur).