Le général de corps d’armée Raymond Delange

Le général de corps d’armée Raymond Delange

Le général de corps d’armée Raymond Delange

Grand’Croix de la Légion d’honneur – Compagnon de la Libération
Ancien membre du Comité directeur de l’A.F.L.

delange-raymond
Le général Delange (RFL).

Le général Raymond Delange s’est éteint après une longue et cruelle maladie.

La France Libre perd un chef vénéré et l’Association un camarade dévoué.

Aux obsèques solennelles qui le 18 avril en l’église Saint-Louis des Invalides réunissaient dans un même recueillement et dans la même tristesse les membres de sa famille et ses anciens camarades de combat, nul mieux que le général Lalande n’aurait pu traduire l’émotion qui étreignait tous les cœurs, lorsque après l’adieu du R.P. Starky et devant le cercueil placé dans la cour d’honneur des Invalides, il prononça l’éloge funèbre du disparu :

« Mon Général,

Vous avez demandé qu’à l’heure du départ…, si l’un de vos anciens subordonnés prenait la parole, ce ne soit pas pour un panégyrique mais pour un amical adieu.

Je respecterai, je l’espère, ce vœu si caractéristique du chef et de l’ami que nous perdons en vous.

Nous sommes ici un groupe d’anciens, clairsemé parce que le temps a passé, que votre départ a été discret… et que vos amis sont très répartis dans le monde. Mais je sais que tous, en apprenant votre mort sont émus, comme je le suis moi-même aujourd’hui, et sensibles à la grandeur du chef qui les quitte.

Je voudrais d’abord, brièvement, rappeler ce que fut votre carrière.

Né en 1898, incorporé en 1917 l’aspirant Delange participe à la dernière année de la guerre et, dès la fin des hostilités, est volontaire pour servir à l’Armée d’Orient.

Admis à Saint-Maixent, dont il sortira major, le sous-lieutenant Delange, qui a choisi la “Coloniale” entame une série de séjours outre-mer :

Tonkin pendant deux ans, Tunisie, Maroc où il est blessé et cité, puis, à partir de 1935, essentiellement en Afrique Noire : Soudan, Mauritanie, Sénégal, Tchad.

Méhariste, il fait l’objet, en 1936, d’un témoignage de satisfaction « pour avoir accompli une série de reconnaissances absolument remarquables, qui apportent sur ces régions, presque inconnues, des connaissances précises de toute nature ».

A la déclaration de guerre il est commandant du Groupe nomade des confins tchadiens.

Ainsi, en vingt-trois ans, il n’aura passé en Métropole, en dehors de ses permissions, que trois années :

– l’une au front en 1917-18 ;

– les deux autres, pour sa formation, à Saint-Maixent.

On ne vit pas une existence pareille, on n’assume pas aussi continuellement des difficultés sans acquérir le sens des responsabilités.

En août 1940, le chef de bataillon Delange prend, aux côtés du général de Larminat, une part capitale au ralliement du Congo, puis du Gabon.

Ainsi la France Libre dispose-t-elle avec le Tchad et le Cameroun, ralliés dans des conditions similaires, de territoires de l’Empire où elle est chez elle et où elle pourra, à la fois, stationner les premières forces, en former de nouvelles, tenir son rang vis-à-vis des Alliés, disposer de ressources, maintenir la France dans la guerre.

Pour la part qu’il a prise dans ce ralliement, le chef de bataillon Delange sera condamné par Vichy à la peine de mort, à la dégradation militaire, à la confiscation de tous ses biens et à la déchéance de la nationalité française.

Ce sont là des titres qui permettent d’évaluer à leur prix les responsabilités qu’il avait assumées.

D’autres responsabilités n’allaient cesser de lui être confiées et sa compétence, fruit d’une longue expérience, est recherchée dans les cas difficiles.

C’est ainsi qu’il prend part, à la tête du B.M.1, au ralliement du Gabon, puis est dirigé de Bangui sur l’Egypte et la Syrie.

Lorsque, en octobre 1941, le B.M.1 se dédouble et forme, avec le B.I.M., la 3e Brigade, le commandant Delange en prend la tête jusqu’au moment où sa présence au Tchad s’avère de nouveau nécessaire.

Promu lieutenant-colonel, il commande alors les unités rattachées au Tchad et à la colonne Leclerc puis devient gouverneur militaire du Fezzan.

En 1943, il prend le commandement de la 1re Brigade de la 1re D.F.L., qui vient d’être formée et la dirige durant la campagne d’Italie, le débarquement en France, les combats des Vosges et d’Alsace.

Il réussit aussi bien à la tête des légionnaires que de ses troupes coloniales… Mais il retrouvera celles-ci pour les derniers combats de la guerre en prenant la 4e Brigade à l’Authion.

Nommé général de brigade, sa connaissance des problèmes le désigne pour de nombreuses missions outre-mer, en A.F.N. comme en A.E.F. ou au Cameroun. Puis il commande les territoires du Sud Tunisien avant de prendre en Indochine le commandement des Forces terrestres et de la 4e Division, enfin l’inspection des forces terrestres d’Extrême-Orient.

Général de division en 1955, commandant la Division d’Alger, puis adjoint au commandant de la 10e Région militaire, sa carrière s’achève en 1958 avec sa promotion au rang de Corps d’armée.

*

– Grand’Croix de la Légion d’honneur
– Compagnon de la Libération
– Rosette de la Résistance
tels sont ses titres militaires.

Etonnante existence, passée presque totalement hors de France, dans les pays et les emplois les plus divers mais ayant en commun d’être avant tout des postes de commandement et de contact.

Mon Général, je ne sais d’où vous est venue la vocation militaire mais j’imagine que, dès l’abord, vous y avez été conduit par une affection pour les humbles, pour ceux qui ont besoin d’être compris, aidés ou défendus.

*

Que de fois, au cours de cette carrière avez-vous été appelé parce que le climat se dégradait? Sur place vous saviez voir et écouter… Il y avait en vous, constamment, un souci, un respect de l’autre, le besoin d’aider, mais avec une extrême pudeur par des suggestions, car vous saviez que les décisions que l’on prend soi-même sont plus exigeantes et formatrices que celles qui sont imposées.

Pour vous, commander était moins imposer que former, conduire chacun à s’engager volontairement dans l’exécution, avec une pleine conscience de son rôle.

Ceci ne signifie en rien manque de décision et de volonté de votre part… l’exemple de Brazzaville parmi tant d’autres, le dit assez… comme votre attitude au feu…

Homme de réflexion et de culture, votre retraite a été constamment studieuse, ouverte, dévouée, et l’Association des Français Libres le sait bien. Mais je pense’ que l’objet premier de votre curiosité et de votre sollicitude a toujours été l’homme avec son aptitude à penser, choisir et agir…

Quant à votre longue et terrible maladie et la façon dont vous l’avez affrontée et acceptée, elle a été un couronnement… incompréhensible d’une personnalité exceptionnellement généreuse.

Mon général, en vous disant adieu, au nom de tous ceux qui ont eu l’honneur de servir sous vos ordres et de vous connaître, je veux vous remercier de l’exemple que vous avez été pour nous : vous nous avez donné dans l’humilité, le courage et le dévouement, l’image de la vraie grandeur.

Quant à vous, Madame, en vous présentant nos respectueuses condoléances pour la grande perte qu’avec vous nous éprouvons, je ne puis que vous dire, et tous ceux qui vous connaissent pensent comme moi, combien votre attention, l’incroyable dévouement dont, nuit et jour, depuis des mois, vous avez fait preuve à ses côtés ont marqué vos amis et manifesté la noblesse d’une union réalisée à un tel niveau. »

Extrait de la Revue de la France Libre, n° 215, avril-mai-juin 1975.