Les différentes adresses où le général de Gaulle s’est rendu à Bordeaux, dans la nuit du 16 au 17 juin 1940

Les différentes adresses où le général de Gaulle s’est rendu à Bordeaux, dans la nuit du 16 au 17 juin 1940

Les différentes adresses où le général de Gaulle s’est rendu à Bordeaux, dans la nuit du 16 au 17 juin 1940

À l’arrivée du gouvernement provisoire à Bordeaux et de son installation, le bureau du général Charles de Gaulle, nommé le 5 juin 1940 sous-secrétaire d’État à la Défense nationale et à la Guerre, se trouvait dans les locaux de la Faculté de Droit, au n° 35 de la place Pey-Berland, face à la cathédrale Saint-André à Bordeaux.

La résidence de l’ambassadeur britannique, Sir Ronald Campbell et du général Edward Spears, était située à l’hôtel Montré, au n° 4 de la rue Montesquieu.

La résidence du Président de la République, monsieur Albert Lebrun, se trouvait à l’hôtel Nesmond, l’hôtel de la Préfecture, au n° 17 de la rue Vital Carles. C’est là que se sont succédé de très nombreux conseils des ministres.

L’État-major militaire, ainsi que le Président du Conseil, monsieur Paul Reynaud, étaient installés dans l’hôtel du général commandant la 18e Région militaire, au n° 29 de la rue Vital Carles.

Chronologie de la nuit du dimanche 16 juin au lundi 17 juin 1940

Vers 21h30, un avion britannique (modèle de Haviland Flamingo DH 95) a atterri à Mérignac (anciennement aéroport de Beaudésert), venant de Londres. Le général de Gaulle descend de l’appareil ; il est accueilli par le colonel Humbert et Jean Auburtin, tous deux membres de son cabinet : ils lui annoncent la démission de la présidence du Conseil de Paul Reynaud, et l’informent qu’il est question que le maréchal Pétain soit chargé de former un nouveau gouvernement. Le général comprend alors qu’il a été évincé du gouvernement, et que le temps pressait.

Alors, sans perdre de temps, le général de Gaulle se rend au n° 29 de la rue Vital Carles, où résidait Paul Reynaud, ex-président du Conseil, pour le rencontrer. Il lui fait part de son intention de regagner Londres dès le lendemain matin. Il lui demande conseil pour trouver une adresse où se loger à Londres. Sur ce point, Paul Reynaud lui conseille d’aller voir son ex-directeur de cabinet, Jean Laurent. En outre, il lui propose de lui faire remettre une enveloppe de 100 000 francs, somme prélevée sur les fonds secrets dont il a la responsabilité pour quelques heures encore ! Il est environ 23h00.

Le général de Gaulle quitte Paul Reynaud, et rencontre Jean Laurent, qui lui remet les clefs de l’appartement qu’il possède à Londres au 4e étage du n° 8, Seymour Place, non loin d’Hyde Park. Il est alors près de minuit.

À minuit, ayant réglé ses problèmes de logistique, le général de Gaulle se rend à son bureau, au n° 35 de la place Pey-Berland, pour prendre congé et remercier les membres de son cabinet.

Il est minuit passé lorsque le général de Gaulle se rend à l’hôtel Montré où se trouve l’ambassade britannique pour annoncer à monsieur l’ambassadeur, Sir Ronald Campbell et au général Spears, ami proche de Winston Churchill, sa volonté de repartir pour Londres, le matin du 17 juin avec le même avion prêté la veille par Winston Churchill. Le général Spears lui annonce qu’il partira pour Londres avec lui.

Quant au lieutenant Geoffroy Chodron de Courcel, l’aide de camp du général de Gaulle, Monsieur Éric Roussel nous indique, selon un texte inédit conservé dans ses archives personnelles, qu’il a quitté Charles de Gaulle le 16 juin, tard dans la soirée.

Où le général a-t-il bien pu passer le reste de la nuit ?

Selon Max Gallo, écrivain et historien, et Jean Lacouture, journaliste, historien et écrivain bordelais, le général aurait passé la fin de la nuit à l’hôtel Normandy, au n° 7 cours du XXX juillet. madame Anne Guérin, actuellement chargée de recherche auprès de la Direction générale des Affaires Culturelles de la Mairie de Bordeaux, penche pour cette hypothèse.

Robert Cassagneau, historien, pense qu’il s’agit plutôt d’un petit hôtel situé rue de Condé, le Majestic, où le lieutenant de Courcel, l’aide de camp du général de Gaulle, avait réservé deux chambres. Le journaliste américain, historien et écrivain, William Lawrence Shirer, et, le journaliste et historien Henri Amouroux, optent pour cette hypothèse.

Monsieur Philippe Boda, auteur d’un ouvrage consacré à l’Hôtel de Nesmond, la résidence des Préfets de l’Aquitaine, a recueilli le témoignage de monsieur Jean-Paul Avisseau, qui était alors conservateur des Archives municipales de la ville de Bordeaux. Selon monsieur Avisseau, le général de Gaulle, pour des raisons d’assurance de sa sécurité personnelle, aurait été invité à passer la nuit à l’hôtel de Montré (aujourd’hui “Résidence Montré”), au n° 4 de la rue Montesquieu, où les services de l’ambassade britannique étaient logés : ainsi le général Charles de Gaulle bénéficiant de l’extra-territorialité de l’ambassade, écartait assurément le risque de se faire arrêter, sur un ordre donné par le nouveau gouvernement conduit par le maréchal Pétain, qui lui était hostile, et en particulier le général Maxime Weygand. Il est à noter que cet hôtel appartenait à la famille de monsieur Avisseau. Cette version apparaît être assez vraisemblable, mais, pour autant, elle n’a jamais été citée par aucun historien.

Lundi 17 juin 1940 à 7 heures, après une très courte nuit qualifiée “d’épouvantable” par le général de Gaulle lui-même, le général Spears, le lieutenant de Courcel et le général de Gaulle arrivent en voiture devant l’hôtel Normandy, et retrouvent Jean Laurent, l’ex-directeur de cabinet de Paul Reynaud, qui les attend, et qui remet au général de Gaulle les 100 000 francs ; ils passent ensuite rue Vital Carles, s’arrêtent au n° 17 à la Préfecture, pour prendre des rendez-vous fictifs pour ne pas éveiller la méfiance et brouiller les pistes des poursuivants éventuels. C’est là que le général de Gaulle rencontre Jean Mistler, Président de la commission des Affaires Étrangères, auquel il dit : “Les Allemands ont perdu la guerre… Ils sont perdus ! et la France doit poursuivre le combat…”. Arrivés à l’aéroport de Mérignac (anciennement aéroport de Beaudésert), après avoir trouvé leur avion au beau milieu d’une grande pagaille, le général de Gaulle, le lieutenant de Courcel et le général Spears embarquent à bord. Le pilote était resté à bord de son appareil toute la nuit. Finalement l’avion décolle pour Londres : il est 9 heures. Personne n’a prêté attention à eux !

Discussion

Où le Général a-t-il bien pu passer le reste de la nuit ?

– à l’hôtel Normandy ? Si le général de Gaulle avait passé la nuit dans cet hôtel, il ne serait pas arrivé en voiture au rendez-vous fixé par Geoffroy de Courcel justement devant cet hôtel.

– à l’hôtel Majestic ? deux chambres y ont été réservées par Geoffroy de Courcel, mais ces chambres n’ont pas été occupées par le général de Gaulle et son aide de camp.

– à l’hôtel Montré ? rien ne vient contredire le témoignage de monsieur Jean-Paul Avisseau : sa version est tout à fait vraisemblable. Les historiens ignorent sans doute ce témoignage.

Conclusion

Le mystère reste entier, même s’il apparaît des vraisemblances. Peut-être même a-t-il passé la nuit à une autre adresse par grande précaution ? C’était sans doute la volonté du général de Gaulle de vouloir rester dans ce mystère, car, quand monsieur Henri Amouroux lui a posé la question après la fin de la guerre : “Où avez-vous dormi cette nuit-là ?”, le Général n’a pas voulu répondre !

Capitaine de frégate (H) Gérard Faugère
Délégué de la Fondation de la France Libre pour la Gironde

Extrait de Fondation de la France Libre, n° 40, juin 2011.