Bir-Hakeim, par le général Saint Hillier

Bir-Hakeim, par le général Saint Hillier

Bir-Hakeim, par le général Saint Hillier

“Quand, à Bir-Hakeim, un rayon de sa gloire renaissante est venu caresser le front sanglant de ses soldats, le monde a reconnu la France…”

“Général Kœnig ! sachez et dites à vos troupes que toute la France vous regarde et que vous êtes son orgueil”…

Le 10 juin 1942, de Londres, le général de Gaulle envoie ce message au général Kœnig, à Bir-Hakeim.

Aujourd’hui, cinquante ans après, la France vient de célébrer cette brève mais combien glorieuse épopée : elle dura du 25 mai au 11 juin 1942, épopée au cours de laquelle une poignée de Français Libres, des hommes de la 1re brigade française notamment, du BIM, du BM.2, du bataillon du Pacifique, du 2e bataillon de la 13e DBLE, du 1er RA, etc., obligeait l’ennemi à s’avouer vaincu, et c’est au général Saint-Hillier de citer “les volontaires venant de France et de l’Empire”, qui prirent part aux combats, du siège, à la victoire de Bir-Hakeim.

Voici le récit des 15 jours, de cette bataille, dont Winston Churchill, recevant, le 10 juin 1942, le général de Gaulle, lui a dit : “C’est un des plus hauts faits d’armes de cette guerre.” (1)

Plan d’attaque de Rommel pour les 27 et 28 mai 1942 (RFL).
Plan d’attaque de Rommel pour les 27 et 28 mai 1942 (RFL).

Au printemps 1942, les Alliés vivent la phase la plus critique de la guerre ; ils subissent partout des échecs.

Regardons vers l’Extrême-Orient, les Japonais sont en Birmanie et menacent les Indes. Leur flotte est maîtresse de la mer, pour quelques mois encore et leur orgueil est à son comble, car la chute de Singapour est la première défaite infligée au monde occidental. Les divisions australiennes et néo-zélandaises quittent le Moyen-Orient pour aller défendre l’Australie menacée.

Sur le front de Russie, les Allemands foncent sur la Crimée avec des forces quatre fois plus importantes que celles de leur adversaire. Staline réclame du matériel aux Alliés, il envoie Molotov à Londres puis à Washington avec mission d’exiger l’ouverture immédiate d’un second front.

Tournons nos regards vers la Méditerranée et le Moyen-Orient. Les Germano-Italiens écrasent Malte sous les bombes. L’île est dans une situation désespérée. Les convois, obligés de contourner le cap de Bonne-Espérance, mettent deux mois pour ravitailler le Moyen-Orient.

Heureusement, la France Libre a donné la route aérienne du Tchad, cette “artère nourricière” doublant celle de la Nigeria, qui permet un courant ininterrompu d’avions vers la bataille du désert.

Mais aussi, grâce à la participation de la Brigade Française d’Orient à la victoire d’Érythrée, la mer Rouge cesse d’être “zone de guerre” et s’ouvre aux convois américains transportant les armes du “lease and lend”.

Sur mer, le tonnage marchand est insuffisant et la Royal Navy perd dans le premier semestre six de ses plus grosses unités.

En Libye, Rommel est vainqueur, il a reconduit Auchinleck de Benghasi à la ligne Gazala – Bir-Hakeim, grâce d’ailleurs aux armes, véhicules, vivres et matériels en provenance d’Afrique du Nord française et aux renforts acheminés par les eaux territoriales tunisiennes.

Récemment dans l’émission « Histoire parallèle » est apparu à l’image un des canons de 155 qui furent, nous confirme le maréchal Juin dans ses mémoires, livrés du temps de Weygand.

De plus le secrétaire général de la Coordination économique de Vichy, l’amiral Fenard, fournit du carburant à l’Afrika Korps, et la collaboration franco-germano-italienne est officialisée lors de la signature à Rome, le 3 janvier 1942, d’un accord d’organisation des transports pour la Libye à partir de la France et de la Tunisie.

Mais au moment où les forces de l’Axe semblent prêtes de gagner la guerre, la providence choisit, dans le désert, le grain de sable qui enrayera la machine et redonnera une raison d’espérer à la France.

Revue de la France Libre.Ce grain de sable, c’est la Brigade Française Libre, cette raison d’espérer, c’est Bir-Hakeim.

Le plateau désertique de Cyrénaïque, sans cesse balayé par les vents, domine de façon abrupte la Méditerranée. Sa monotonie est coupée de quelques lits d’ouadis desséchés, suivis par des caravanes qui ne laissent sur le sable que la trace éphémère de leurs pas.

Un croisement de pistes est rendu remarquable par de légers monticules, faits des quelques ruines ensablées d’un petit poste méhariste italien, avec son abreuvoir inutile, bâti près d’un puits aujourd’hui comblé ; quelques moellons sur un rempart de terre rappellent qu’il existait, jadis, un fortin turc aujourd’hui disparu.

La carte italienne, aussi nue que le terrain, donne le nom de “Ridotta Bir-Hakeim” à cet ensemble sans valeur militaire. C’est cet espace que le commandement britannique a confié aux Français de la 1re brigade. Il est situé à 80 kilomètres de la mer à l’extrémité de la position d’Aïn Gazala qui protège Tobrouk.

Une large bande piégée d’un million de mines couvre, depuis la mer, la ligne de défense alliée. Elle a la forme d’un V qui enserre dans sa pointe la position de Bir-Hakeim, sa branche Est remonte jusqu’à Knightsbridge, zone de petites collines où la 201e brigade de la garde anglaise couvre les arrières de la VIIIe armée.

Mais qui étaient ces Français Libres présents à Bir-Hakeim ?

Ils venaient de France et de l’Empire de tous les points du monde pour répondre à l’Appel du général de Gaulle, tous volontaires, décidés à continuer la lutte jusqu’à la victoire.

Voici une brève présentation de nos combattants : fusiliers marins échappés de Dunkerque ou partis de Bretagne, légionnaires de Norvège ou ralliés de Syrie, ceux du BIM vétérans de Tobrouk ou de Massaouah, Tahitiens, Néo-Calédoniens du Pacifique, les Nord-Africains de la 22e compagnie qui rassemble des Tunisiens, des Algériens, des Marocains étaient là.

La position de Bir Hakeim (RFL).
La position de Bir Hakeim (RFL).

Le Bataillon de Marche n° 2 amène, au secours de la France, un microcosme de l’Oubangui-Chari, noirs avec leur sorcier, directeurs de sociétés et colons, administrateurs et commerçants, missionnaires et militaires de carrière.

Des représentants de toutes les tribus d’Afrique et des Malgaches forment le 1er Régiment d’Artillerie, les Syriens présents dans les ateliers de réparation et les Indochinois au train, les cipayes pondichériens opèrent dans les transmissions et de nombreux Antillais sont cadres dans des unités coloniales.

Et pour finir, à côté du groupe sanitaire divisionnaire et de l’ambulance chirurgicale légère, l’hôpital Hadfield-Spears compte dans ses rangs, des conductrices, infirmières, ambulanciers britanniques, venus dispenser leur dévouement aux Français restés fidèles à la parole donnée, au plus sombre moment de la guerre. Il y a aussi parmi eux des ambulanciers de l’American Field Service.

Tout ce monde constitue un ensemble très soudé qui s’intitule les “Free French” qu’Hitler qualifie “d’affreux mélange de races”. Une mission de liaison fonctionne à leurs côtés, et, renfort inespéré, la batterie du lieutenant Beachman du 43e bataillon de DCA britannique participera au siège, elle servait d’instructeurs aux fusiliers marins.

Le général de Larminat commande la brigade. La vie à Bir-Hakeim est depuis février consacrée à l’organisation du terrain et à la pose de mines et de pièges tandis qu’à la tête de colonnes mobiles le général Kœnig harcèle l’ennemi.

C’est le 24 avril que le général Kœnig prend le commandement de la place forte de Bir-Hakeim, fonction aussi importante que dangereuse, comme l’avenir le prouvera.

Notre chef le général Kœnig

Il est bon de rappeler qui était le général Kœnig. Né en Normandie en 1898, son père, originaire d’une contrée de l’Est, était facteur d’orgues. Il tient de lui une très grande culture musicale, et de sa mère franc-comtoise le respect absolu de son engagement.

Engagé volontaire en 1917, il prend part à la Première Guerre mondiale au 36e régiment d’infanterie, il est trois fois cité, aspirant décoré de la médaille militaire, il est nommé sous-lieutenant le jour de ses 20 ans. Il choisit la carrière des armes. Après avoir servi au 11e bataillon de chasseurs alpins en Allemagne occupée, il rejoint, au Maroc, la légion qui le marque profondément.

En 1940, ne pouvant obtenir une affectation à la 13e Demi-Brigade de Légion qui part pour les pays scandinaves, il s’embarque alors clandestinement à Oran, le 3 mars, avec ma complicité. Affecté au corps expéditionnaire de Norvège, il est à Namsos à l’état-major du général Audet.

De retour en Bretagne, le 15 juin, il échappe aux avant-gardes de Rommel et, le 18, rejoint, par Jersey, la Grande-Bretagne où il s’engage dans les Forces Françaises Libres, pour “tenir, dit-il, la parole de la France”.

Ne voulant pas, selon son expression, passer sa deuxième guerre à ne combattre que des Français ; à Dakar, au Gabon, en Syrie il obtient du général Catroux que sa “division légère” parte en tête, pour le théâtre d’opérations libyen. Après la dissolution des demi-brigades, sa grande unité devient 1re brigade indépendante pour se conformer aux tableaux d’effectifs britanniques. Il partage en deux son unité. La garnison de Bir-Hakeim, ce “jardin du diable” comme l’appellent les Allemands, est presque uniquement composée d’unités combattantes. Elle compte 3 500 hommes. Les services et les échelons B (véhicules) sont à une trentaine de kilomètres à l’arrière, à Bir Bou Maafez.

Et le mardi 26 mai 1942 les Français Libres vont pour la première fois, depuis 1940, participer à une bataille rangée contre les Allemands : Kœnig affronte Rommel.

L’ennemi qui est-il ?

La Wehrmacht lance sur le front russe et en Cyrénaïque la gigantesque offensive qui doit lui donner la victoire.

Le Führer trace lui-même le plan qui prévoit l’entrée à Bakou le 25 septembre et la prise de Moscou un mois après, tandis qu’en Afrique du Nord, son objectif est la mainmise sur le canal de Suez.

Vainqueurs du Caucase et soldats de l’Afrika Korps ont rendez-vous quelque part en Proche-Orient.

Hitler prescrit au maréchal von Bock et au général Rommel de rechercher d’abord la destruction des forces adverses.

Après trois mois d’accalmie, Rommel est prêt à reprendre l’offensive. En plus du renforcement des unités italo-allemandes et d’un abondant réapprovisionnement en munitions, carburant, et vivres, il reçoit un important soutien aérien, il consiste en quatre groupes de la Luftwaffe et neuf régiments d’aviation italiens, composés pour moitié de bombardiers.

Or, le 23 mai, le commandement britannique fait connaître, par message, à tous ses subordonnés que l’attaque générale est imminente et que l’emploi des gaz n’est pas impossible.

Le général Ritchie, commandant la VIIIe armée, envisage même au dernier moment une possibilité de manoeuvre ennemie qui correspond au plan dressé par Rommel. C’est pourquoi il donne l’ordre à la 3e brigade motorisée indienne d’aller s’installer, à quelques kilomètres au sud-ouest de Bir-Hakeim. Pour la remplacer à la défense d’El-Adem, le Bataillon du Pacifique doit être prélevé sur la garnison mais ce mouvement n’aura pas lieu Rommel déclenche l’offensive.

Le 26 mai 1942, Rommel fait lire à ses troupes l’ordre du jour suivant :

“L’arme blindée d’Afrique passe aujourd’hui à une attaque décisive contre les forces mobiles britanniques de Libye. Nous rappelant les faits d’armes glorieux des mois de janvier et février, nous attaquerons et mettrons en déroute l’ennemi partout où il se présente.

La qualité supérieure et l’ardeur au combat des soldats italiens et allemands, autant que la supériorité de notre armée, est une garantie certaine de victoire…”

La bataille est engagée

Légionnaires en patrouille (RFL).
Légionnaires en patrouille (RFL).

Dans l’après-midi du 26 mai, le bruit sourd d’une violente canonnade parvient du Nord où un combat frontal oppose les deux corps d’armée italiens et les Sud-Africains.

À l’ouest de Bir-Hakeim, la 7e brigade blindée escadronne dans le no-man’s land, elle signale des mouvements ennemis d’une ampleur inaccoutumée et donne l’ordre de fermer et piéger les portes des champs de mines. La Jock column du commandant Amiel se replie en combattant, causant des pertes à l’adversaire.

Et la nuit tombe, des bruits de moteurs paraissent sourdre de partout dans la nuit, Rommel a choisi la pleine lune pour attaquer.

À la verticale de Bir-Hakeim, un avion tourne et lance, à intervalles réguliers, une fusée éclairante à parachute.

Le jour se lève enfin, une aube claire succède brusquement à la nuit. Au même instant un engagement furieux résonne provenant de l’endroit où la brigade indienne s’est installée la veille. En même temps un message de la 7e brigade blindée annonce qu’elle contre-attaque. Désormais nous sommes seuls, personne ne répond à nos appels radios, le téléphone est coupé.

Soudain, à 9 heures, des blindés apparaissent soulevant un panache de poussière. Après avoir décrit un grand cercle, l’ennemi se masse à l’est de la position puis 70 chars de la division Ariete, le “Bélier”, foncent sur le 2e bataillon de légion.

À 1200 mètres, les chars ouvrent le feu au moment où ils abordent le marais de mines. La riposte française est violente, instantanée et brutale. Onze canons antichars de la compagnie de Sairigné de la Légion et de la section Benaïch du BIM commencent le duel. Notre artillerie tire à obus fusant sur l’infanterie qui, à 2 000 mètres, met pied à terre pour participer à l’assaut. Un tir d’efficacité la persuade d’avoir à repartir. Le 8e régiment de Bersaglieri, troupe d’élite, abandonne à son sort le 132e régiment de chars.

La bataille est courte et intense, elle dure moins d’une heure, 33 chars restent sur le terrain, les autres refluent en tirant. Nous faisons 91 prisonniers dont le colonel Prestissimone, commandant le régiment de chars de la division “Ariete”.

Au cours de l’après-midi l’artillerie tire sur tout ce qui passe à portée et des patrouilles harcèlent les convois.

Une centaine de prisonniers sont entre nos mains, et le matériel pris à de quoi surprendre, il s’agit de camions militaires français en provenance directe d’Afrique du Nord comme en témoignent leurs carnets de bord du 1er régiment de chasseurs d’Afrique. Le soir nous apprenons que notre échelon arrière, intact, a pu se replier au moment où la 90e division légère abordait la dépression de Bir Bou Maafez.

C’est le moment que choisit Mussolini pour revendiquer Nice, la Corse et la Tunisie.

L’échec du plan Rommel

Du 28 mai au 1er juin, tandis que des combats violents de chars s’engagent dans Knightsbridge, le “chaudron du diable”, la brigade se livre à une guerre de course sur les arrières de Rommel contre les convois de ravitaillement et les ateliers de réparation.

B.P. 1. La vie de tous les jours à Bir Hakeim (RFL).
B.P. 1. La vie de tous les jours à Bir Hakeim (RFL).

Le général Norrie, commandant le 30e corps d’armée, adresse alors un message de félicitations à la Brigade Française pour son magnifique succès, sa résistance opiniâtre, son offensive et ses patrouilles.

Enfin l’Afrika Korps recule, à court d’essence, à court de vivres, à court d’eau. La division Trieste prend à revers la ligne de défense pour ouvrir une voie directe de ravitaillement au travers du champ de mines.

Nous intervenons sur son flanc, la riposte provoque quelques dégâts mais le tableau de chasse s’accroît de quelques blindés.

Le 30 mai, la bataille se déroule favorablement, le plan de Rommel qui prévoyait la prise de Tobrouk en deux jours a échoué. Les Italiens qui occupent les emplacements de la 3e brigade indienne se replient, relâchant 644 Hindous. Ils leur ont coupé barbe et cheveux, ce qui les rend honteux, mais ne diminue pas leur appétit, d’autant qu’ils n’ont ni mangé, ni bu, depuis deux jours. Ceci pose problème, il faut évacuer tout ce monde qui boit, même, l’eau des radiateurs de nos camions ; un ravitaillement est demandé pour compléter nos stocks de munitions et nos réserves de vivres.

Les patrouilles obtiennent, malgré le mirage, de bons résultats. Nous échangeons des coups, détruisant des véhicules, canonnant des chars et nous subissons aussi l’attaque de Messerschmitt. Le 30 mai, une impression de calme règne quand arrivent du Nord les survivants de la 150e brigade sur des bren carriers. Leur point d’appui a été anéanti par Rommel, qui réussit ainsi à rétablir une ligne de communication directe vers ses arrières.

Les mauvais moments semblent passés puisque l’ennemi bat en retraite, et un convoi de ravitaillement nous apporte, sur les camions de la 101e compagnie, sept jours de vivres, eau et munitions. Le capitaine Dulau repart, emportant 654 Britanniques et Hindous, 54 blessés de chez nous, 125 Allemands et 154 Italiens prisonniers.

Dans la soirée, le général de Larminat arrive accompagné d’un journaliste M. Bénart qui cherche des impressions prises sur le vif et des Stuka viennent lâcher leurs chapelets de bombes à la tombée de la nuit peu après le départ du convoi.

Le bulletin de renseignement est optimiste : “les opérations se déroutent conformément au plan du commandement britannique. Celui-ci pense poursuivre l’Afrika Korps et le XXe corps italien qui reculent laissant sur place des chars en panne de carburant protégés par des canons de 88 mm.”

Dans le Nord-Est bout la “marmite du diable”, nom donné à Knightsbridge, où se bat la garde anglaise.

La brigade reçoit le 31 mai l’ordre de se tenir prête à partir vers l’ouest. Seul le BP1 qui a ses camions sur place fait route et occupe une position clef à Rotunda Signali afin de couper la route de retraite de l’ennemi. Il est rapidement aux prises avec des Panzer et dix Messerschmitt qui le mitraillent. Les dégâts sont importants et les blessés nombreux, 11 camions sont en feu, un canon Bofor détruit mais quatre avions ont été abattus et un char est démoli. Un vent de sable brûlant et violent rend les liaisons inaudibles.

Dans le même temps, Bir-Hakeim subit à cinq reprises une attaque en piqué des Stuka. Les fusiliers marins sont admirables de courage. Ils subissent des pertes en particulier les sept servants de la pièce de DCA du QM Le Borgne sont tués.

Le siège

Nous comprenons alors que la guerre de course se termine, impression confirmée par un message laconique du 30e corps : “les Allemands sont partout et semblent ne plus manquer d’essence”.

Au matin du 2 juin, deux parlementaires italiens viennent sommer le général Kœnig d’arborer le drapeau blanc, d’abandonner ses armes pour se rendre au général Rommel “Grand vainqueur de Libye”. Au refus courtois du général, les Transalpins répondent en français : “Vous êtes de grands soldats”.

Maintenant l’ennemi encercle Bir-Hakeim et nous entrons dans une nouvelle phase du combat, le siège commence, le mouvement de la brigade est annulé.

Cet après-midi, le vent de sable sévit, la chaleur est étouffante et le manque d’eau ne permet pas d’apaiser la soif. En même temps un tir percutant de 105 qui arrose au hasard la position éprouve les nerfs.

Le BP1 mettra deux jours a reprendre ses emplacements dans notre dispositif, il ramène des blessés dans les six ambulances du lieutenant Worren de l’American Field Service.

Ce jour-là, dès 9 heures, le 3 juin, le colonel général Rommel fait porter un message au général Kœnig. Il lui conseille la capitulation “pour éviter une effusion de sang” et nous menace du sort des brigades anglaises écrasées dans le Nord. Les salves des canons du 1er RA lui portent la réponse et le général Kœnig adresse un ordre du jour à la garnison, “sûr qu’il est que chacun de nous fera son devoir”. En fin d’après-midi un Spitfire en perdition que pilote un Sud-Africain se pose au centre de Bir-Hakeim. Une piste aplanie pendant la nuit par la Légion permet à l’appareil de s’envoler avant l’aube, après avoir fait le plein d’essence.

Jusqu’au 6 juin, la défense résiste à la pression de deux divisions, la Trieste et la 90e légère allemande, et de trois détachements de reconnaissance. Précédés de vagues de bombardiers Stuka, 13 en deux jours, appuyés par les tirs de dix groupes d’artillerie, les Allemands et les Italiens avancent jusqu’à moins de 1 000 mètres de nos premiers éléments, nos artilleurs ripostent mais nos armes automatiques sont l’une après l’autre prises à partie, par des canons d’infanterie de 50, terriblement précis.

La RAF alertée à chaque passage de la Luftwaffe intervient, nous assistons alors à de violents combats aériens. Après avoir rempli leur mission, les escadrilles amies reviennent survoler Bir-Hakeim pour nous saluer en battant des ailes.

Notre DCA est active, nos fusiliers marins efficaces, deux avions sont même tombés en flammes dans la position et d’autres ont dû abandonner l’attaque, mais nos munitions s’épuisent. Grâce à l’intervention de la 7e brigade blindée, un convoi réussit à passer, au matin, par la porte du bataillon du Pacifique, protégé par la compagnie du capitaine Messmer.

À la BBC nous entendons une déclaration du général Ritchie : “La défense de Bir-Hakeim par les Français Libres est un exemple pour tous” et le général Kœnig reçoit du général Norrie, commandant le 30e corps d’armée, un message “Excellent travail, tenez bon. Toutes mes félicitations. Tout va bien.”

Aux portes de l’enfer

Mitrailleuses quadruples sur camion, servies par les fusiliers-marins (RFL).
Mitrailleuses quadruples sur camion, servies par les fusiliers-marins (RFL).

Mais, au Nord de Bir-Hakeim, une large brèche a été ouverte dans le champ de mines et la 21e division blindée allemande se masse, prête à intervenir.

Un plénipotentiaire vient à nouveau exiger la reddition de la place, au refus du général de le recevoir suit un bombardement de tous calibres, en représailles.

Les attaques se succèdent, des blindés interviennent, nous ne connaîtrons qu’une courte pause, le 6 juin, quand des ambulances allemandes, arborant le drapeau blanc viendront ramasser les blessés devant le quartier Sud-Ouest que tient le BP1.

Le 7 juin le bruit de mouvements de troupe, dans le brouillard épais qui prive de toute visibilité, présage le pire. En effet, nous entrons dans l’enfer : le troisième acte du combat de Bir-Hakeim se joue : Rommel commande l’assaut, à la suite de l’ordre reçu du commandant suprême des forces de l’axe “d’éliminer Bir-Hakeim” car “désormais cette position est devenue à la fois un objectif politique et militaire”. Le maréchal Kesselring joint les directives du Führer “écraser Bir-Hakeim, c’est détruire l’esprit de résistance des Français”. Il n’est plus question d’une bataille d’usure car les convois en provenance d’Italie ne peuvent remplacer les pertes extraordinaires subies durant la bataille.

Rommel fait venir deux fameux Stürmstaffel, les troupes d’assaut du colonel Hacker, un peloton de cinq chars lourds brandebourgeois et l’artillerie de siège destinée à la conquête de Tobrouk : les canons de 88 se sont approchés à la faveur de la nuit et tirent à vue directe sur nos tranchées, leurs obus rasent littéralement la position. Jusqu’alors les faces de Bir-Hakeim avaient été successivement prises à partie, elles sont désormais attaquées simultanément, l’effort principal portant sur le BM.2 au Nord.

Ce point d’appui va subir deux attaques suivant le même schéma : bombardement par Stuka, 22 la première fois, 70 la seconde, c’est le signal de l’assaut. Les fusiliers marins coiffés par des 77 fusants ne peuvent intervenir, les tirs d’arrêt du 1er RA s’abattent sur les assaillants. « Rommel lui-même entre dans le passage de mines… il emmène derrière lui ses batteries et roule le long de la brèche sans se soucier de sa personne en criant “vorwaerts” aux Fantassins allemands et “avanti” aux Italiens » écrit L. Koch journaliste témoin oculaire.

Chaque fois nous demandons l’intervention de la RAF qui se montre très efficace, mais les tentatives de prise à revers des attaquants par la 7e division blindée sont repoussées.

Au même moment, l’attaque dans le Sud et l’Ouest précédée d’un bombardement par 35 Junkers, appuyée par l’artillerie, soutenue par des chars, est arrêtée partout, mais les incendies sont nombreux dans la place et un dépôt de munitions saute.

Le spectacle que donne le quartier Nord est désolant, il est littéralement labouré par les obus, les mamelles sont rasées, plusieurs véhicules brûlent ; dans le champ de mines deux chars brandebourgeois sont en flammes et leurs munitions explosent. Deux sections nord-africaines perdent 19 hommes sous les balles en montant en renfort au début de l’après-midi.

De retour à son PC, le général Rommel écrit sur son carnet de route : “Malgré son mordant cet assaut est repoussé… c’est un magnifique exploit de la part des défenseurs.”

Le général Kœnig est obligé de remanier le dispositif du quartier Nord qui a beaucoup souffert. La compagnie Messmer et une section antichars de la compagnie Simon prennent position.

Les derniers vivres sont distribués, on donne ce qui reste d’eau, un gallon par homme pour les jours à venir.

Le poste opératoire du groupe sanitaire est pulvérisé par les bombes, il n’y a plus ni médicaments, ni pansements et un ravitaillement par air échoue. Les blessés restent à leur poste de combat, il est impossible de les évacuer.

Le 9 juin, Bir-Hakeim n’est entamé que sur la face nord, où les Allemands pénètrent dans le bastion de la cote 186. Et ce malheureux secteur va au lever du brouillard matinal subir le tir rasant de quatre canons de 38, la précision de six canons de 50, et le harcèlement de cinq groupes de mitrailleuses de 20 mm. Bientôt des mortiers d’infanterie et des canons lourds se mettent de la partie. Cette préparation dure une heure, supérieure en intensité aux plus forts matraquages de Verdun en 1916. Puis 60 bombardiers déversent leurs bombes. “Les escadrilles de la Luftwaffe, écrit Rommel, devaient continuellement survoler Bir-Hakeim et elles subissaient des pertes importantes ce qui provoquait la colère de Kesserling.”

Dans l’après-midi, les troupes d’assaut s’élancent après un nouveau bombardement de la face nord exécuté par 42 Junkers.

Sous notre feu intense d’infanterie et d’artillerie l’ennemi avance en formation serrée et vient au contact. Une charge de bren carriers l’arrête.

En même temps dans le sud, l’attaque progresse, tous nos antichars sont détruits, le lieutenant-colonel Broche et son adjoint le capitaine de Bricourt sont tués par un obus. Les antichars du BP1 et de la compagnie de sapeurs mineurs sont détruits mais l’attaque du 580e groupe d’exploitation et de la 90e légère est repoussée, les Allemands abandonnent 250 cadavres devant le Pacifique et évacuent de nombreux blessés.

Le général Kœnig confie le commandement du quartier du fort au chef de bataillon Savey, ainsi naquit en pleine bataille le Bataillon d’Infanterie de Marine et du Pacifique.

Un dernier bombardement d’aviation a lieu à la tombée de la nuit sur le PC de la brigade, le groupe sanitaire est touché, les camions opératoires détruits, 15 hospitalisés sont tués.

Au soir du 9 juin, si le moral est bon, en revanche la situation matérielle est peu brillante. Il ne reste que 160 coups par pièce d’artillerie, 50 obus par antichars, 100 par mortier. Les vivres sont à peu près épuisés. Un ravitaillement par air fournit 170 litres d’eau réservées aux blessés.

Un message du général de Gaulle, transmis par le général de Larminat, arrive “Général Kœnig, dites à vos troupes que la France vous regarde et que vous êtes son orgueil.”

Il faut tenir jusqu’au soir…

Le commandement allié fait savoir au général Kœnig que sa résistance n’est plus essentielle pour le déroulement de l’ensemble de la bataille : il lui demande de choisir entre l’évacuation de la position ou le maintien sur place avec ravitaillement par avion. Le général, ayant constaté l’inefficacité des livraisons par air, opte pour la sortie dans la nuit du 10 au 11 juin.

Il faut tenir jusqu’au soir du 10 juin.

Antichars en action (RFL).
Antichars en action (RFL).

Dans le brouillard du matin les équipes téléphoniques s’affairent, elles réparent comme chaque jour les lignes. La lumière revenue nous permet de constater que l’étau s’est resserré durant la nuit. Au 2e Bataillon de Légion, la compagnie du capitaine Wagner combat à la grenade contre tout un bataillon du 66e Régiment Italien.

Dans le journal de marche de “la Trieste”, il est écrit à la date de ce jour : “L’attaque des 65e et 66e régiments d’infanterie gagne du terrain mais lentement et avec des pertes considérables.”

Des obus tombent partout sans but précis. Au début de l’après-midi 130 avions bombardent la face nord et aussitôt l’assaut débouche, appuyé par dix chars roulant dans les éclatements d’un violent tir d’artillerie. Le révérend père Michel et le sous-lieutenant Koudoukou du BM.2 viennent rendre compte au QG51 de la situation critique de la compagnie de Légion, dont une section a été mise hors de combat. Les bren carriers interviennent et la RAF, appelée à la rescousse, mitraille les assaillants pendant que la 7e brigade blindée inquiète l’ennemi sur ses arrières et soulage la défense.

Jusqu’au soir la position subit des tirs d’artillerie continus et une nouvelle attaque suit l’intervention de 100 bombardiers Junker. La DCA tire sans arrêt, les équipages de marins debout à leurs postes malgré les bombes. Notre artillerie utilise ses derniers obus, elle aura ainsi tiré, durant le siège, 42 000 coups de 75 et 3 000 de 25 livres.

Mais la journée n’est pas finie, elle promet d’être rude, risquent de penser les légionnaires voyant leurs officiers se raser dans le dernier quart d’eau et changer de tenue. Selon la formule du lieutenant-colonel Amilakvari “Il faut être propre pour mourir.”

Sortie

À court de munitions, de vivres et d’eau, la brigade se prépare à quitter de vive force les lieux emmenant les blessés et l’armement lourd intact. Tout ce qui ne peut être emporté est détruit, les paquetages lacérés, l’essence répandue sur le sable.

Les sapeurs ouvrent et jalonnent un couloir dans le champ de mines et les unités se massent pour l’assaut.

À 22 h 30 la colonne de véhicules est prête à sortir, mais les formations à pied, qui doivent passer les premières, ont du retard. Vers minuit trente, les 2e et 3e Bataillons de Légion ont déjà franchi la chicane et le BP1 s’y engage au moment où l’ennemi lance des fusées et tire des rafales lumineuses de mitrailleuses lourdes. Des véhicules brûlent, la confusion est immédiate, les unités mélangées refluent, le plan de feu ennemi est impressionnant.

Le général Kœnig, en tête du convoi motorisé, l’entraîne dans le passage du champ de mines, derrière les bren carriers du sous-lieutenant Bellec, il fonce.

Le lieutenant-colonel Laurent-Champrosay mène ses artilleurs vers le lieu de rendez-vous, à 10 kilomètres de là. Les hommes à pied effrayés par des balles traceuses, et les lueurs d’incendie, s’abritent derrière les camions pour avancer. Mais au-delà du champ de mines, le spectacle est hallucinant et la bataille gagne en intensité.

Derrière les bren carriers du sergent chef Oberauch, les ambulances du médecin-commandant Vignes s’enfoncent dans la nuit, guidées par la voie lactée qui mène à la délivrance.

Une patrouille franchit la passe de Bir Hakeim à travers le champ de mines (RFL).
Une patrouille franchit la passe de Bir Hakeim à travers le champ de mines (RFL).

C’est alors la fuite en avant, les actes individuels de courage sont nombreux ; chacun conquiert sa liberté en passant sur le corps de l’ennemi. Le lieutenant Dewey charge jusqu’à la mort, son bren carrier, éventré, finit sa course en écrasant les servants du canon de 50 qui l’a frappé.

La nuit est claire, puis l’aube pointe qui amène la brume, nous avons froid malgré la capote endossée pour cette dernière nuit. Les véhicules roulent en tous sens, trois lignes de feu à traverser, les positions d’artillerie à aborder, et plus loin trois feux rouges marquent l’emplacement à atteindre : 100 camions de la 101e compagnie du train attendent, sous la protection d’une colonne de la 7e division blindée britannique. À bord il y a de l’eau, enfin de l’eau !

Dernier arrivé, l’adjudant Maillet, conduit son camion atelier avec, en remorque, un tracteur de dépannage traînant un canon Bofor sur lequel sont accrochés en grappe 80 survivants.

À 7 h 30, la brume se lève, la colonne de secours décroche emmenant 2 000 rescapés de l’enfer. Quelques isolés rejoindront plus tard, retrouvés par les patrouilles d’automitrailleuses, d’autres seront capturés ou périront dans le désert à jamais inconnus.

Durant le siège, 224 hommes ont été tués ou blessés grièvement, ainsi le capitaine Bayrou, le lieutenant André laissé pour mort et le conducteur Bouvier. Au cours de la sortie il y aura 41 tués, dont 15 officiers, 125 blessés et 813 disparus.

Il est impossible de rappeler les noms de tous ceux des nôtres qui sont tombés durant la nuit, mais chacun de nous garde en lui le souvenir d’un chef, d’un camarade et d’un ami : commandant Savey, capitaine de Lamaze, capitaine Bricogne, capitaine Mallet.

Le lieutenant François Bolifraud, les lieutenants Rauvelin et Bourget, le maréchal-des-logis Le Gourierec, le caporal-chef Vanner.

Le sous-lieutenant Koudoukou est porté disparu.

Le 10 juin, la 15e Panzer arrive pour participer, avec la 90e légère, “la Trieste” et des groupes de reconnaissance, à l’assaut final et donner le coup de grâce aux Français. Le 11 juin, un bombardement aérien massif de 100 avions bouleverse la position que pilonnent au même instant 21 groupes d’artillerie. Les chars et l’infanterie s’avancent, face à eux quelques isolés, blessés pour la plupart, tirent leurs dernières cartouches, la surprise est totale, l’ennemi a du mal à comprendre ce qui s’est passé, en cette nuit d’apocalypse.

Le 15 août, le cargo Nino Bixio transporte 400 prisonniers vers Brindisi, il est torpillé par un sous-marin. Cent cinquante-quatre survivants de Bir-Hakeim trouvent ainsi la mort, disparus en mer.

Quelles furent les conséquences du combat et de la victoire de Bir-Hakeim ?

Elles furent nombreuses et ne peuvent être limitées aux pertes infligées à l’ennemi.

Tout d’abord une victoire stratégique a été remportée. En fixant durant neuf jours la totalité des forces de Rommel, la brigade sauve la VIIIe armée du désastre. Les Alliés ont le temps d’occuper la position de résistance d’El-Alamein avec des divisions fraîches récemment arrivées. “Sans la résistance de Bir-Hakeim, déclare M. Churchill, la guerre eut duré deux ans de plus.”

Bir-Hakeim est aussi une victoire morale : le soldat de Cyrénaïque s’est montré le digne fils du vainqueur de 1918. Hitler lui-même reconnaît que “les Français sont les meilleurs soldats du monde, après les Allemands, Bir-Hakeim en est la preuve”.

Bir-Hakeim est enfin une victoire aérienne, Rommel a obtenu pour le front de Libye la priorité du soutien aérien au détriment du front russe. Le général von Valdau, commandant l’aviation de Libye, proteste contre l’usure et la fatigue des pilotes engagés sans arrêt sur Bir-Hakeim ! Le maréchal Kesserling affirme : “les avions utilisés sur Bir-Hakeim ont durement manqué à Stalingrad.”

En France, des tracts, revues et journaux clandestins commentent cette première revanche française prise sur les Allemands tandis que Jean Marin, Jean Oberlé, Maurice Schumann font connaître sur les ondes, par la BBC, à tous les foyers de France, ce fait d’armes qui les remplit d’orgueil.

Dans plusieurs départements, des maquis prennent le nom de Bir-Hakeim. L’âme de la Résistance se fortifie de notre lutte et nos morts vont faire lever par centaines des combattants de l’Intérieur.

En ce printemps de 1942, Jean Moulin, en mission à Londres, prépare l’union morale et matérielle de la France clandestine. Christian Pineau repart de Grande-Bretagne avec une directive du général de Gaulle qu’il diffusera dans toute la presse clandestine. Le général de Gaulle, célébrant l’anniversaire de l’Appel du 18-Juin, salue les combattants partout dans le monde et les mouvements de résistance en France. Il constate que “la France Combattante émerge de l’océan… quand à Bir-Hakeim le monde a reconnu la France”. L’unité de combat est réalisée, la France Libre devient la France Combattante.

Au plan politique, au cours des mois qui précédèrent Bir-Hakeim, les rapports entre le Général et Winston Churchill étaient devenus très difficiles. Les ingérences de nos Alliés au Levant, la prise de Madagascar en étaient la cause. Le Premier ministre britannique saisit alors l’occasion qui se présente à lui et renoue des relations cordiales avec le chef de la France Libre : Madagascar est rendue à l’administration française.

Nul n’a su mieux que le général de Gaulle exprimer l’importance du sacrifice consenti par ses “volontaires” :

“La Nation a tressailli de fierté en apprenant ce qu’ont fait ses soldats à Bir-Hakeim. Braves et purs enfants de France qui viennent d’écrire avec leur sang une des plus belles pages de gloire.”

À ce témoignage s’ajoute le télégramme adressé, de Londres au haut commissaire d’Argenlieu, à Nouméa :

Londres, 2 juin 1942

J’ai l’honneur de vous annoncer que le Bataillon du Pacifique faisant partie de la 1re Brigade Française Motorisée s’est couvert de gloire à Bir-Hakeim au point essentiel de la bataille de Libye. La conduite magnifique du Bataillon du Pacifique est un des plus brillants épisodes de cette guerre et une preuve éclatante de la fidélité des terres françaises du Pacifique à la France meurtrie et trahie mais demain victorieuse.

Mais aussi le télégramme au général Catroux, au général de Larminat, à Beyrouth, et au général Leclerc, à Brazzaville :

Londres, 20 juin 1942

Très secret.

La valeur combattante vraiment exceptionnelle déployée par nos troupes à Bir-Hakeim et la qualité de leur commandement sont un élément capital du redressement militaire de la France. Je ne sépare pas les combats de Bir-Hakeim des brillantes actions exécutées au Fezzan dans le courant de février/mars par nos troupes du Tchad. Le retentissement de nos opérations en Libye a été énorme en France et dans le monde. En particulier je sais par des informations sûres que nos camarades de l’armée dite de l’armistice et des forces d’Afrique du Nord en ont été profondément impressionnés, y compris beaucoup de ceux qui n’avaient pu ou voulu nous rejoindre l’année dernière en Syrie. C’est non seulement une contribution française considérable dans la bataille d’Afrique, mais c’est aussi, du point de vue purement français, un élément psychologique et moral qui facilitera le regroupement ultérieur des forces dont dispose encore la nation. Je vous prie de porter de ma part cette appréciation à la connaissance des états-majors, troupes et services sous vos ordres.

J’ai nommé le général Kœnig Compagnon de l’ordre de la Libération avec une citation à l’ordre de l’Armée dont voici le texte :

“Officier général formé en combattant sans cesse depuis le premier jour de la guerre. A révélé les plus hautes qualités de commandement. S’est couvert de gloire à la tête de sa division légère au cours des combats héroïques de Bir-Hakeim.”

 

(1) Le lecteur rapprochera cet article de celui du n° 259 de la Revue dont il reprend bon nombre d’éléments tout en apportant d’importantes indications complémentaires (NDLR).

Extrait de la Revue de la France Libre, n° 278, 2e trimestre 1992