Le chef de bataillon Mirkin

Le chef de bataillon Mirkin

Le chef de bataillon Mirkin

Compagnon de la Libération

Le chef de bataillon Mirkin, décoré par le général de Lattre de Tassigny (RFL).
Le chef de bataillon Mirkin, décoré par le général de Lattre de Tassigny (RFL).

24 novembre 1944 : Le bataillon de marche n° 5 flanc-gardant l’attaque du bataillon de marche n° 24 sur Gros-Magny, monte à l’assaut de la chapelle Notre-Dame. Le chef de bataillon marche avec son commandant de compagnie de tête, lorsqu’il se voit soudain dépasser par deux officiers qui, négligeant le couvert du bois, gravissent à pas rapides la pente escarpée : un médecin, un officier d’état-major. D’autres en seraient surpris, mais à la 1re D.F.L., rien n’étonne plus personne.

La chapelle Notre-Dame tombe. Le bataillon de marche n° 5 poursuit sa mission de protection et progresse vers la Madeleine pendant que le BA. 24 descend sur Gros-Magny, prenant la position à revers. La radio tient le chef de bataillon au courant des événements. Tout marche bien ; puis, soudain : « Gros-Magny occupé, Mirkin tué ». Mirkin, l’officier d’état-major. Dépassant successivement tous les échelons de commandement, il s’est trouvé avec tous les voltigeurs de tête et le premier char du 1er régiment de fusiliers marins. Il voulait être témoin de la chute des derniers îlots de résistance, disant à son compagnon : « Ainsi nous allons pouvoir au retour rendre compte au colonel d’une situation précise ».
Quelques instants avant la fin, il est tombé, frappé d’une balle en pleine tête.
Au B.M.5, la marche continue, mais les anciens ont le cœur lourd maintenant. Encore un, des meilleurs parmi les meilleurs.
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Après de brillantes études au lycée Pasteur, à Neuilly, Mirkin obtint son diplôme de licence en droit. Élève officier de réserve, il entre à Saint-Cyr dans les dix premiers, conservant son classement à la sortie. Après avoir exercé quelque temps en France comme avocat, il se rend en Grande-Bretagne, où il subit avec succès les épreuves des examens de droit britannique et se fait admettre au barreau de Londres.
La guerre le trouve à Haïfa, co-directeur des colonies agricoles du baron de Rotschild. Mobilisé en Syrie, il rejoint, aussitôt après l’armistice en juillet 1940, les Forces françaises libres. Dès lors, il sera de toutes les affaires, sur tous les champs de bataille de la 1re D.F.L., toujours au premier rang, même lorsqu’il assumera les fonctions de chef du 3e bureau de la division ou de chef d’état-major de la 4e brigade.
Le premier, le bataillon d’infanterie de marine reprend le contact avec l’ennemi ; Mirkin est déjà avec eux, à Bardia, à Tobrouk ; devant Damas, encore en tête, il reçoit sa première blessure. Guéri, il rejoint aussitôt en Lybie ; il ne pouvait pas ne pas être à Bir-Hakeim. Puis, c’est El-Alamein, la Tunisie, l’Italie, le débarquement en France. À Toulon, il est chef du 3e bureau de la division mais « après un coup de main dans le style des cavaliers de 1806 » il obtient la capitulation de 800 Allemands retranchés dans le quartier de Saint-Jean du Var. Les coups d’éclat sont monnaie courante à la division mais, cette fois-ci, on en parlera longtemps. Mirkin est fait chevalier de la Légion d’honneur.
La 1re D.F.L. remonte la vallée du Rhône, celle de la Saône, se bat dans les Vosges. Le 20 novembre, aux environs de Champagney, le général Brosset disparaît, emporté par un torrent. Le commandant Mirkin qui a été son collaborateur direct pendant de nombreux mois, est douloureusement atteint par cette perte brutale. Il confesse peu après à un ami : « Depuis que nous avons perdu notre général, je ne travaille plus par goût, seulement par devoir ».
De nombreux traits leur étaient communs : Courage, hardiesse, vigueur physique, rapidité de décision. Leur tempérament ne leur permettait pas d’attendre que les renseignements vinssent à eux ; ils allaient les chercher en première ligne. Tous deux considéraient que la place du chef était à l’avant, le plus en avant possible, pour mieux exercer son commandement.
Ils avaient la même conception du devoir, le même idéal. En suivant l’enterrement de son chef, le commandant Mirkin disait : « Le général a succombé brusquement dans l’ambiance d’un grand succès. C’est une belle fin ». Un même destin devait lui être réservé : trois jours plus tard, il tombait à son tour, glorieusement, emportant la certitude d’une victoire dont il avait été l’un des plus brillants artisans.
Extrait de la Revue de la France Libre, n°35, février 1951.