La prise de Koufra, par le capitaine Douzamy

La prise de Koufra, par le capitaine Douzamy

La prise de Koufra, par le capitaine Douzamy

L’objectif

L’Oasis de Koufra se présente comme un groupe de palmeraies qui occupe le fond d’une cuvette de forme allongée, ayant environ 50 kilomètres sur 20.

Au centre de ces palmeraies, El Giof, avec ses 2.500 habitants, forme la principale agglomération indigène. Là se trouvent le bureau de la subdivision et le dispensaire, la mosquée et le poste de carabiniers.

Dominant El Giof, sur un éperon du djebel el Bueb, El Taj,La Couronne, fort du type saharien, vaste carré de150 mètres de côté, avec des murs de quatre mètres de haut, flanquée de tours d’angle qui portent les pièces lourdes de 20 millimètres, inspire le respect par sa masse.

Des ouvrages extérieurs, reliés par des communications enterrées, assurent une protection immédiate. Nul ne peut se déplacer à 1.500 mètres à la ronde, sans être justiciable du feu des mitrailleuses sous abri. Du poste d’observation, placé dans un des pylônes de la radio, un guetteur contrôle tout mouvement dans un rayon de 10 kilomètres. Aucun véhicule ne peut sortir du djebel avoisinant et pénétrer dans la cuvette, sans être immédiatement repéré.

Une compagnie de mitrailleurs de position, une compagnie de tirailleurs libyens, le tout formant environ 600 hommes, occupent la position.

Une compagnie saharienne entièrement motorisée, possédant des véhicules bien adaptés, dotée de l’armement d’infanterie le plus lourd et le plus moderne, ayant ses propres avions de reconnaissance, constituait l’élément mobile de défense et de protection, capable de harceler au loin l’ennemi, de menacer ses communications et d’intervenir à tout moment pour seconder la défense d’une position particulièrement solide et bien organisée.

Une grave erreur : pas d’artillerie.

Des difficultés sans nombre à surmonter…

L’attaque de l’Oasis de Koufra présentait les plus graves difficultés par suite de sa position géographique, de l’état des pistes désertiques et des distances à franchir pour amener à pied d’œuvre le personnel, le matériel et les approvisionnements nécessaires.

Parlant de Koufra, M. Gautier, spécialiste des questions sahariennes, disait déjà en 1923 : «L’isolement de Koufra est extraordinaire : c’est une situation qui n’a pas sa pareille dans tout le Sahara, Koufra est à peu près exactement au cœur mathématique du désert libyque. En quelque direction qu’on s’éloigne, il faut franchir 400 à 500 kilomètres de néant pour arriver à une région habitée.»

Mais bien différente est la situation, suivant qu’on aborde Koufra, du Nord ou du Sud.

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Le passage de Bembéché, qu’emprunta la colonne (RFL).

Koufra est reliée par deux bonnes pistes carrossables vers Benghasi, l’une par Bir Harash, Djalo, Tazerbo, El Agheila, Agedabia, l’autre par Bir Harasch, Djalo, Agedabia qui le met à 900 kilomètres, soit à trois jours de la Méditerranée.

En venant du Sud, et par le territoire français, les difficultés sont plus que décuplées.

De Fort-Lamy, il faut gagner d’abord à 1.050 kilomètres plus au Nord, Faya, notre base avancée en bordure du Tibesti, reliée au P.C. du régiment du Tchad par une piste qui n’est carrossable qu’en bravant les pires difficultés et qui exige des délais allant de huit jours à un mois et plus, suivant les chances de parcours.

Au-delà, de Faya à Koufra, c’est presque l’inconnu.

Aucun convoi n’y est encore allé. Quelques voyageurs, en suivant la piste chamelière, ont pu rejoindre en auto Faya, en descendant de Koufra.

La saharienne italienne est allée maintes fois jusqu’à la frontière et une patrouille L.R.D.G. (1), partie d’Égypte, et traversant le territoire italien au Sud et à l’Est de Koufra, est venue jusqu’à proximité du poste français de Tekro.

En partant de Faya, des détachements de la compagnie de transport sont parvenus à grand peine jusqu’à Ounianga, et l’itinéraire d’Ounianga à Tekro, après reconnaissance auto, est jugé possible. C’est donc par cette voie que passera la colonne française.

Sur les 1.000 kilomètres qui séparent Faya de Koufra, à240 kilomètres, Ounianga, avec ses lacs bleu et rouge : ses bouquets de palmiers, servira de poste de ravitaillement en vivres et en essence, hâtivement transportés, et sera, en outre, la base avancée de notre aviation. À 100 kilomètres plus loin, le fortin de Tekro sera le dernier point d’eau permanent avant Koufra, située à près de 700 kilomètres. À mi-chemin, le puits de Sarra, profond de près de 70 mètres, taillé dans la pierre, a été, nous le savons, comblé par les Italiens.

Sortie de Faya et montée sur le Taïmanga, la colonne, après avoir piqué au Nord vers le rocher de Yélé et traversé une zone de fech-fech blanchâtre, devra emprunter le seuil de Bembéché, passage au travers de collines à pic, séparées par des fonds de sable très mou, puis escalader une triple ligne de falaises que séparent des plateaux ondulés tantôt sablonneux, tantôt hérissés de pierres coupantes. Après avoir franchi la dernière ligne de falaises qui dominent Tekro, les difficultés s’atténuent. Une fois atteint le rocher de Toma, on entre dans le Jef Jef, région de plateaux vallonnés, formant un bon reg, malheureusement semé de cailloux noirs très serrés, menace constante pour les pneumatiques et les carters des véhicules. Il en va ainsi jusqu’au Rocher Noir.

Au-delà, en territoire italien, c’est à perte de vue un reg plat, caillouteux, coupé de barrières rocailleuses et de dunes, avec comme seul point porté sur la carte, le puits de Sarra.

Puis, en s’approchant de Koufra, la piste longe quelques lignes de garas, Bichara, avec son puits où furent exterminés par l’aviation italienne de Graziani, en janvier 1931, les défenseurs senoussistes de Koufra, puis le djebel Chérif, où allait être surprise et dispersée la patrouille du major Clayton.

Le tropique du Cancer est franchi au djebel Bueb et, enfin, Koufra s’annonce à une trentaine de kilomètres par le Gara Tuila d’où l’on atteint la palmeraie, après avoir franchi le djebel Zorgh.