« Un souci, un but : remettre le pays en marche », la naissance du BCRA

« Un souci, un but : remettre le pays en marche », la naissance du BCRA

« Un souci, un but : remettre le pays en marche », la naissance du BCRA

 Dès son arrivée à Londres, le général de Gaulle entend maintenir le contact avec la France, et la présence de la première liaison, celle du 18 juin sera désormais assurée grâce aux émissions, d’une part, de la BBC, d’autre part, à celles des «Français parlent aux Français». Comme l’écrit dans L’histoire de la France Libre Henri Michel «Les Français, sevrés de nouvelles, soumis à la propagande intense de l’occupant et du régime de Vichy, écoutaient ces émissions autant pour s’informer que pour désobéir au vainqueur, ils apprenaient que des Français continuaient le combat, hors de France, souvent avec succès; la nouvelle de la bataille de Bir-Hakeim fut un puissant stimulant pour des sentiments, encore diffus, de résistance»…

Le général de Gaulle de son côté précise dans ses Mémoires de guerre : «Tout en consolidant notre base outre-mer, c’est à la métropole que nous pensions surtout. Qu’y faire? Comment? Avec quoi? Ne disposant d’aucun moyen pour l’action en France et ne voyant même pas par quel bout aborder le problème, nous n’en étions pas moins hantés par les plus vastes projets, espérant que le pays s’y associerait massivement. Nous n’imaginions donc rien moins qu’une organisation qui nous permettrait à la fois d’éclairer les opérations alliées grâce à nos renseignements sur l’ennemi, de susciter sur le territoire la résistance dans tous les domaines, d’y équiper des forces qui, le moment venu, participeraient sur les arrières allemands à la bataille pour la libération, enfin de préparer le regroupement national qui, après la victoire, remettrait le pays en marche. Encore voulions-nous que cette contribution multiple, fournie par des Français à l’effort de guerre commun, le fût au bénéfice de la France, non point divisée en services directement rendus aux Alliés. Mais ce terrain de l’action clandestine était, pour nous tous, entièrement nouveau. Rien n’avait jamais été préparé en France en vue de la situation où le pays était jeté. Nous savions que le service français des renseignements poursuivait, à Vichy, quelque activité. Nous n’ignorions pas que l’état-major de l’armée s’efforçait de soustraire aux commissions d’armistice certains stocks de matériel. Nous nous doutions que divers éléments militaires tâchaient de prendre des dispositions dans l’hypothèse d’une reprise des hostilités. Mais ces efforts fragmentaires étaient accomplis en dehors de nous, pour le compte d’un régime dont la raison d’être consistait précisément à ne pas les utiliser, et sans que jamais la hiérarchie cherchât ou acceptât le moindre contact avec la France Libre. Bref, il n’existait rien à quoi notre action pût s’accrocher dans la métropole. Il fallait tirer du néant le service qui opérerait sur ce champ de bataille capital (1).

Oui, le terrain de l’action clandestine était, pour nous tous, nouveau»… Faut-il donc s’étonner si, dès le 30 juin 1940, 12 jours après l’Appel, le général de Gaulle recevant, à Saint-Stephen’s House, le jeune André Dewavrin arrivé, via Brest, à Londres en provenance de Norvège où il a pris part notamment, au sein de la division du général Béthouart, aux opérations de Narvik, lui pose ex-abrupto deux questions. La première : «Quelle est votre formation?» et Dewavrin de répondre : «Je suis officier d’active, Polytechnicien, licencié en droit»… Deuxième question «Parlez-vous anglais?» Réponse «Je parle l’anglais à peu près comme le français, tout à fait couramment »… Reprenant la parole le général de lui signifier : «Bon, vous serez le chef de mes 2e et 3e bureaux», et André Dewavrin de préciser : « Il n’y avait rien du tout, pas plus de 2e bureau que de 3e bureau ».

Il faut bâtir quelque chose sur la France

Ainsi en avait décidé le Général.

Les Britanniques de leur côté, Winston Churchill en tête, étaient inquiets, c’est le moins qu’on puisse dire. Ils craignaient une opération de débarquement de la Wehrmacht, à partir de nos côtes « et c’est ce qui amena un des hauts responsables de l’Intelligence Service à s’entretenir avec le général de Gaulle de la possibilité de trouver des Français qui monteraient des opérations sur la France et qui essaieraient de trouver tous les renseignements voulus. Le général de Gaulle a donné son accord et c’est ainsi que tout a démarré

Donc, rappelle André Dewavrin, devenu Passy, «pendant que je m’efforçais de monter avec les Anglais mon dispositif, j’ai dit au général… «Mon Général, je n’y connais rien… J’ai été officier du génie, vous me dites de faire des services de renseignements, de ma vie, je ne sais pas ce que c’est. J’ai lu des romans de Pierre Nord dans ma vie, je ne sais pas ce que c’est, mais j’ai réfléchi quand même à ce qu’il me faudrait. Je voudrais bien avoir des hommes, de l’argent, et des moyens de transmissions, parce que ça sera indispensable si l’on veut établir des liaisons avec la France»… Alors, il m’a répondu : «De l’argent, je n’en ai pas, des moyens de transmissions, je n’en ai pas, et les hommes, eh bien, vous n’avez qu’à vous promener dans Londres, il y a plein de Français là et vous ferez du recrutement, à l’Olympia City Hall, où l’on a regroupé des Français, allez, piquez là dedans. »

Et c’est ainsi que furent envoyés en France les premiers volontaires, véritables «missionnaires» qui contactèrent en territoire occupé des hommes tels Louis Armand, chef du réseau Résistance-Fer, Antonini, d’autres polytechniciens et combien d’anonymes.