À bord du Félix Roussel

À bord du Félix Roussel

À bord du Félix Roussel

Resté à bord du Félix Roussel, alors que ce paquebot se trouvait mouillé en rade de Suez, après l’armistice de juin 1940, le commandant Arnold, alors officier en second de ce navire, constitua un noyau de volontaires parmi les membres de l’équipage. Il fit en sorte que cette belle unité de la flotte marchande française puisse rapidement reprendre du service avec le pavillon à la croix de Lorraine battant à son beaupré.

De Bombay à Singapour, de Sydney à Suez, comme d’autres navires marchands français, ralliés à la cause de la France Libre, le beau paquebot transformé en transport de troupes ne cessa jusqu’en 1945 de rendre à la cause alliée les services les plus éminents.

Devenu le pacha du navire, le commandant Arnold s’adressa à son équipage dans un ordre du jour en ces termes :

« Mes amis,

« L’amiral Muselier m’a confié le commandement du Félix Roussel.

« En prenant mon poste, je tiens à vous dire ma fierté. Ma fierté d’être sur le plus beau paquebot des messageries maritimes, le chef de gars qui, au moment où une poignée de traîtres et de pleutres affolés vendaient notre patrie, surent, à la croisée des chemins, choisir celui de l’honneur.

«Vous avez senti alors que la grandeur, la gloire et le prestige d’un pays comme la France sont des choses qui n’admettent aucune discussion, aucun compromis… et, à l’appel du général qui à Londres incarnait la France de Jeanne d’Arc, de Foch et Clemenceau, vous avez répondu « Présent ».

« Présent », d’autres parmi vous l’ont répondu plus tard, mais dès qu’ils le purent, dès que les circonstances les rendirent libres de choisir.

« Certes, je sais bien que ce chemin « français » que vous avez choisi est aussi celui du sacrifice, de la séparation et de l’exil… celui de l’abnégation silencieuse, celui des efforts de tous les jours monotones, cachés, renouvelés patiemment, modestement.

« Et, en arrivant parmi vous, je vous dis « Courage, continuez ! »

« Si ce que vous faites est moins spectaculaire que ce que certains de nos camarades peuvent faire dans un Hurricane ou derrière une mitrailleuse bien postée, au volant d’un tank ou à bord d’une corvette assez heureuse pour détecter un sous-marin, ce n’en est pas moins utile et nécessaire à la victoire de notre cause, et, pour être obscure, la tâche du navire marchand n’en est pas moins glorieuse… et dangereuse !

« Cette guerre est une guerre de transport et, comme beaucoup de guerres, elle sera gagnée par la mer et sur la mer. »

X***

Extrait de la Revue de la France Libre, n° 156 bis, juin 1965.