André Gallas

André Gallas

André Gallas

Compagnon de la Libération – officier de la Légion d’honneur


André Gallas (RFL).
André Gallas (RFL).

Nous avons été atterrés d’apprendre, le 18 décembre, par un télégramme de Toulon, la mort d’André Gallas.

Tous ses camarades d’A.E.F. et de la 1re D.F.L. avaient su l’apprécier à sa juste valeur. Ce modèle de tous les courages, de tous les dévouements, qui comptait vraiment parmi les plus nobles cœurs de la France Libre.
Notre Association doit beaucoup à son dévouement et à sa générosité et elle n’oubliera jamais que c’est grâce à lui que notre section de Bangui était aussi vigoureuse et prospère.
Le jeudi matin, 20 décembre, la foule assemblée à la cathédrale Notre-Dame, était venue lui rendre un dernier hommage.
Un télégramme reçu mardi annonçait son décès à Toulon, des suites d’une opération.
Ses camarades de guerre, ses amis, de très nombreux Banguisois ont tenu à assister à cette cérémonie religieuse, où, pour eux, s’associaient la haute estime qu’ils avaient pour lui et la pensée émue qu’ils envoyaient à sa veuve et à ses orphelins.
André Gallas, né le 12 juillet 1907, à Bourail (Nouvelle-Calédonie), était le fils d’un médecin militaire.
Mobilisé en 1939, Gallas, affecté sur place, sort comme 2e classe avec cette merveilleuse modestie qui le caractérisait.
Bachelier ès-lettres, l’appel des grands espaces l’avait amené au Cameroun comme agent de commerce.
La déclaration de la guerre 1939 l’y trouve menant une existence sans gloire peut-être, mais où il s’imposait déjà par des qualités de base : l’honnêteté, la droiture, la bonté. D’autres, qui l’ont connu à cette époque, pourront en témoigner.
1940… La débâcle… Les armistices… Il n’est pas long à prendre position. La France envahie, la parole donnée, le sentiment de l’honneur… Il passe avec quelques autres en Nigeria pour revenir peu après à Douala avec le détachement Leclerc.
Et c’est une véritable épopée qui va commencer pour le modeste agent de commerce du Cameroun.
La campagne du Gabon avec la légion du Cameroun, suivie de celle d’Érythrée avec la Légion étrangère de Monclar et Kœnig.
En avril 1941, il est en Palestine, et c’est en juin l’entrée en Syrie. Il est toujours 2e classe.
En septembre, il est choisi avec d’autres pour suivre un cours d’élèves-officiers à Damas. Il en sort aspirant, affecté à un bataillon de marche qui vient d’être formé, le B.M.11.
Et l’épopée continue : la Libye – El-Alamein – la marche victorieuse jusqu’en Tunisie.
Un temps d’arrêt, et c’est l’Italie avec Juin. Une blessure légère sur la ligne Gustave ; le lieutenant Gallas est devenu un rude guerrier, un chef, mais il n’a rien perdu de ses qualités de cœur, ni de sa modestie.
Et c’est l’heure tant attendue, l’instant triomphal, le débarquement à Cavalaire en août 1944. Rudes combats sur Toulon, remontée de la vallée du Rhône, toujours avec la 1re D.F.L. du général Brosset, toujours avec le B.M.11.
La guerre se poursuit, d’autant plus rude qu’elle approche de sa fin. C’est l’Alsace, le B.M.24 encerclé, le B.M.11 allant à la rescousse et se trouvant en partie encerclé à son tour.
Gallas s’en sort avec sa section, grâce à son sang-froid et à sa maîtrise de chef.
Juste après, le 18 janvier 1945, à Sand (Haut-Rhin), au cours d’une relève, il est grièvement blessé par un 88 de char. Ses compagnons, dont Mollard, le mettent sur un brancard. Sa jambe gauche ne tient plus que par un ligament. Lui-même la prend des deux mains et la place sur le brancard.
On lui a fait un garrot en haut de la cuisse avec la courroie de son pistolet. Dans l’ambulance qui le transporte, on lui vole le dit pistolet. Sans doute, l’auteur du larcin ne se rendait-il pas compte qu’en opérant ainsi, il enlevait le garrot.
C’est presque saigné à blanc que Gallas arrive au poste de secours.
Il devait s’en remettre.
Marié le 18 janvier 1947, alors qu’il faisait déjà partie de l’administration (A.G.O.M.) depuis novembre 1946, il travaillait à la direction du plan au ministère. Affecté en Oubangui en septembre 1951, il n’a plus cessé d’occuper son poste d’adjoint aux Affaires politiques, modestement, mais efficacement.
C’est notre sort à nous tous, humains, de disparaître tôt ou tard.
On peut s’apitoyer plus ou moins sur le sort des uns ou des autres. Déjà, le sort d’un Gallas, laissant derrière lui une jeune veuve et quatre orphelins en bas âge, ne peut laisser indifférent.
Mais ce n’est pas tous les jours que l’on voit s’en aller un homme de la valeur, de la trempe d’un Gallas. Tous ceux qui l’ont rencontré, qui l’ont connu de près, seront unanimes, j’en suis persuadé.
Lui parti, nous pouvons en parler. Nous n’aurions pas osé de son vivant. Un héros d’autant plus attachant qu’était grande sa modestie. Un chef rude à la guerre, mais pour le bien de ses hommes, et, avec cela, quelle bonté.
Un fonctionnaire d’une rare conscience, ne marchandant jamais sa peine, et ne comptant pas les nombreuses heures supplémentaires qu’il pouvait faire. Un homme enfin, dans toute l’acception du terme… Un homme qui vous réconciliait avec l’humanité, tant il était droit, honnête, sincère, serviable.
Et, au fond, si Gallas a été Gallas, ne le devait-il pas a une certaine rigidité de principes, à une profonde spiritualité, à sa foi rayonnante ?…

Henri Mabille
Extrait de la Revue de la France Libre, n° 94, janvier 1957.