L’apprentissage de l’action clandestine

L’apprentissage de l’action clandestine

L’apprentissage de l’action clandestine

En juillet 1940, l’Angleterre pouvait se croire menacée d’une prochaine invasion: l’armée allemande,1_1_7_1_b_image_1 désormais maîtresse de toutes les côtes françaises de la Manche, allait elle tenter de débarquer sur les rives anglaises ? Le Premier ministre britannique, Churchill, exigeait des renseignements précis sur son dispositif et ses plans. Sur ses instructions, le chef de l’Intelligence Service alla trouver de Gaulle et lui demanda s’il pouvait utiliser des Français libres pour obtenir les renseignements dont les Anglais avaient besoin. De Gaulle le renvoya au chef de son 2e Bureau, le capitaine Dewavrin – dont le pseudonyme était Passy – que le chef de la section française de l’Intelligence Service rencontra. Ainsi commençait, dans l’urgence et dans le secret, l’action que la France Libre allait mener en France.

Des Français libres furent donc immédiatement envoyés en France, premiers d’une longue série de 1 500 à 2 000 agents de toutes nationalités, dont plus de la moitié étaient Français. Hubert Moreau fut chargé d’une mission de reconnaissance par les services anglais au mois de juillet et revint à Londres deux semaines plus tard. Jack Mansion partit lui aussi en juillet et rapporta en septembre les cartes du dispositif allemand en Bretagne. En août, ce fut le tour de Maurice Duclos et d’Alexandre Beresnikoff qui, comme tous les premiers membres du 2e Bureau de la France Libre, prirent pour pseudonymes des noms de stations du métro parisien, Saint-Jacques et Corvisart, puis du producteur de cinéma Gilbert Renault, qu’on appela plus tard Rémy, qui allait créer le réseau le plus important et peut-être le plus actif de tous les réseaux qui opérèrent en France et qu’il appela “Confrérie Notre-Dame” (CND). Enfin le 22 décembre, débarqua en Bretagne le lieutenant de vaisseau Honoré d’Estienne d’Orves. Début 1941 des parachutistes Français libres furent envoyés en armes et uniformes pour réaliser des missions de destruction en Bretagne et Aquitaine.

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Honoré d’Estienne d’Orves (Jean-Pierre, Châteauvieux), le chef du 2e bureau des FNFL, puis du réseau Nemrod (1901-1941)

L’ampleur de la tâche nécessite une réorganisation des services de la France Libre. Ainsi est créé le Bureau central de renseignements et d’action (BCRA), dont Passy demeure le chef et qui se transformera à mesure que ses activités et ses responsabilités s’étendront. Mais le problème central restera toujours celui des liaisons et des transmissions. Aux parachutages et débarquements d’agents clandestins des premiers mois, s’ajoutent, dès la fin de 1941, des liaisons assurées par les Lysanders, petits avions de la Royal Air Force, pouvant se poser sur un terrain de 600 mètres et, plus tard, par des bombardiers Hudson, aménagés pour les atterrissages clandestins. Au sol des équipes de réception françaises sont formées, pour ces opérations qui ne sont possibles que dans les périodes où la lune le permet, et il faut déjouer la surveillance de l’ennemi. Les difficultés sont immenses et les pertes nombreuses. Sur les dix-neuf opérations organisées pour le BCRA au second semestre de 1942, une seule réussira.

Les liaisons par radio sont tout aussi difficiles et risquées. L’usage d’un poste émetteur peut être repéré par la radiogoniométrie au bout d’une demi-heure. À la fin de 1941, les services de la France Libre sont en relation avec douze opérateurs radio dont six pour le réseau de Rémy. Cette année-là, 72 % des opérateurs radio envoyés en France ont été arrêtés et 80 % le seront parmi les radios envoyés en 1942.

La France Libre, voulant incarner et rassembler toute la France en guerre, a cherché à entrer en contact avec les personnalités politiques et les organisations clandestines décidées à poursuivre la lutte. Ce sera d’abord la mission de Pierre Fourcaud et celle de l’avocat André Weil-Curiel. Puis en décembre 1940, de Gaulle crée une direction politique, confiée à Gaston Palewski, puis à Maurice Dejean. Ce dernier avait créé une “section d’action” en France, dirigée par le commandant Semidéi. Celui-ci envoya en zone sud le militant syndicaliste Léon Morandat qui fut, durant toute la clandestinité, l’un des plus actifs représentants de la France Libre auprès des milieux politiques et des mouvements de Résistance. Le BCRA envoya, par ailleurs, en France un officier Français libre, ancien du raid de Pessac, Pierre Forman, qui entra en relation avec les premiers groupes de Résistants de Montpellier et de Toulouse : revenu à Londres en août 1941, il fut renvoyé en France en octobre pour tenter de mettre sur pied une organisation générale de la Résistance en zone sud.

C’est alors que de Gaulle créa, le 24 septembre, le Comité national de la France Libre, qui avait déjà une structure de gouvernement. II fut décidé que toutes les missions d’ordre militaire, de renseignement et d’action dépendraient de son état-major et du BCRA, et que toute l’action politique en France serait de la responsabilité du Commissaire à l’Intérieur, André Diethelm.

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