Le Bataillon d’infanterie de marine et du Pacifique (BIMP)
Le BIMP a été constitué après la bataille de Bir Hakeim (juin 1942) par la fusion du Bataillon d’Infanterie de Marine (BIM), venu de Chypre, et du Bataillon du Pacifique (BP), venu de Tahiti et de Nouvelle-Calédonie.
Le Bataillon d’Infanterie de Marine (1940-1942)
Dans les premiers jours de juin, le 24e régiment d’Infanterie coloniale, cantonné à Tripoli du Liban (près de Beyrouth), commandé par le colonel Fonferrier, avait envoyé à Chypre son 3e bataillon (commandant Gauthier) pour y renforcer la garnison britannique de Famagouste. Quelques jours plus tard, un groupe de jeunes officiers et sous-officiers, désireux de poursuivre le combat contre l’Axe, se rassembla autour du capitaine Jean Lorotte de Banes ; le 19 juin, celui-ci réunit sa compagnie pour l’informer qu’il ne déposerait jamais les armes et qu’il avait l’intention de se rallier au général de Gaulle. Il entraîna avec lui 180 hommes (sur 230) ; au début de juillet, ils n’étaient pas moins de 350 “rebelles” (ils s’appelaient eux-mêmes les “chypriotes”) prêts à rejoindre les troupes alliées en Egypte.
Le 11 juillet, ils se constituèrent en “Bataillon d’Infanterie de Marine” (1er BIM), sous les ordres du capitaine Lorotte ; le lendemain, Fonferrier débarquait à Chypre pour tenter de reprendre le contrôle de la situation. En vain : le chef du 24e RIC se retira, non sans leur souhaiter “bonne chance”*. Le 14 juillet, le 1er BIM défila dans les rues de Nicosie sous les acclamations de la foule ; impressionné, le gouverneur militaire de l’île remit à Lorotte l’Union Jack – c’était la première fois que l’armée britannique remettait son drapeau à une unité étrangère. Le même jour, de Gaulle télégraphia ses félicitations à Lorotte, nommé commandant quelques jours plus tard et chef des “Forces françaises libres de Chypre”. Son idée était de regrouper toutes les unités françaises présentes au Moyen Orient pour qu’elles soient envoyées en renfort au général Legentilhomme et au colonel de Larminat, qui s’efforçaient de rallier la Côte française des Somalis**.
Pendant ce temps, au Liban, la 2e compagnie du 1er bataillon du 24e RIC, commandée par le capitaine Raphaël Folliot, avait également décidé de rejoindre la France Libre ; le 30 juin, renforcés d’éléments de la 1re compagnie du même bataillon, Folliot et ses hommes (une centaine environ), surnommés les “tripolitains”, passèrent en Palestine, où ils furent accueillis au camp militaire de Moascar et où, le 23 juillet, ils accueillirent à leur tour les “chypriotes”. Dans les jours suivants, d’autres éléments rejoignirent Lorotte et Folliot : une vingtaine de légionnaires espagnols du 6e REI, une trentaine de marins de la Force X stationnée à Alexandrie, un escadron à cheval du 1er régiment de spahis marocains, commandé par le capitaine Jourdier.
Le 25 août 1940, le BIM fut passé en revue par l’ambassadeur de Grande-Bretagne au Caire et par le baron de Benoist, président du Comité France Libre d’Egypte. Après avoir reçu le matériel et l’équipement qui lui faisaient défaut, la 1re compagnie du BIM (capitaine Folliot) rejoignit la 7e DB britannique (général Creagh) en route vers la frontière libyenne. Dès le début de septembre, la compagnie Folliot s’initia à la guerre du désert contre les troupes italiennes : coups de main et reconnaissances se succédaient. Au début de décembre, les Français participèrent à l’offensive contre Sidi Barrani, qui se solda par une retraite générale de l’ennemi. Ce brillant succès fut très chaleureusement commenté par de Gaulle à la BBC le 16 juillet : “En ce moment même, il en est qui, dans la bataille de Méditerranée, accrochent encore un peu de gloire à la hampe de nos drapeaux. (…) Je crois bien que le canon de Sidi Barrani, en faisant tressaillir d’espoir la patrie écrasée, a mis au comble du désarroi les collaborateurs de l’ennemi à Vichy.” Peu après, la compagnie Folliot était citée à l’ordre de l’armée pour la part prise aux “opérations victorieuses de nos alliés dans la région de Sidi Barrani”***. Au début de janvier 1941, elle fut rejointe par la 2e compagnie (capitaine Girod) et le capitaine Folliot prit le commandement du détachement du BIM, qui participera au siège victorieux de Bardia.
En mars 1941, la 3e compagnie (capitaine Savey), forte de 250 hommes, remonta le Nil pour aller rejoindre la BFO en Erythrée; elle participera aux combats de Keren et Massaouah aux côtés de la 13e DBLE et du BM3, venu du Tchad. En juin, regroupé sous les ordres du commandant de Chevigné, le BIM prendra part à la campagne de Syrie avec la 2e Brigade (colonel Genin) de la 1re DLFL (général Legentilhomme). A la fin de 1941, dans le cadre de la réorganisation de la division, devenue 1re Brigade française libre (général Kœnig), le BIM, désormais aux ordres du commandant Savey, sera intégré à la 2e demi-brigade coloniale du lieutenant-colonel de Roux, qui s’illustrera à Bir Hakeim au printemps 1942.
Le Bataillon du Pacifique (1940-1942)
Après le ralliement de l’Océanie française à la France Libre (2 septembre 1940), le capitaine Broche, commandant la compagnie autonome d’Infanterie coloniale de Tahiti depuis juillet 1939, décida de lever un corps de volontaires venus de tous les territoires du Pacifique. Constitué à Papeete et à Nouméa, le Bataillon du Pacifique**** s’embarqua à Nouméa pour l’Australie le 5 mai 1941. Le 27 juin, il prit place à bord du paquebot Queen Elizabeth pour le Moyen-Orient ; après une escale à Ceylan, il arriva à Suez le 31 juillet et fut immédiatement acheminé sur le camp de Qastina (Palestine), où il rejoignit la 1re DLFL. Après quatre mois d’entraînement et de manœuvres au levant, équipé et armé, il fit mouvement, avec la brigade Kœnig, vers la frontière égyptienne (1er janvier 1942).
Après la chute de la position allemande de la passe d’Halfaya (15 janvier), le BP s’installa à Bir Hakeim (15 février). Durant plus de quatre mois, il allait mener une guerre de course dans le désert libyen contre l’Afrikakorps et les troupes italiennes. Comme les autres unités de la brigade, il envoya régulièrement des Jock columns chargées de harceler l’ennemi et de détruire le maximum de matériel. Du 27 mai au 10 juin, il fut en première ligne lors du siège de la position par les forces de l’Axe : “Les volontaires du Pacifique, à la pointe du combat, confirment la valeur militaire dont ils avaient fait preuve au cours des opérations qui ont précédé la bataille”, télégraphiera le 4 juin de Gaulle à Henri Sautot, haut commissaire de France en Nouvelle-Calédonie. Le lieutenant-colonel Broche ayant été tué (avec son adjoint, le capitaine Duché de Bricourt) le 9 juin, veille de la sortie, fut aussitôt remplacé par le commandant Savey, commandant le BIM, puis ce dernier ayant été tué à son tour lors de la sortie, par le commandant Alessandri.
Le Bataillon d’Infanterie de Marine et du Pacifique (1942-1945)
A la suite des pertes subies par le BIM et le BP durant le siège et la sortie de Bir Hakeim, le général Kœnig décida de fusionner les deux unités au sein du BIMP, dont le premier commandant fut le commandant Bouillon. Ce bataillon prendra part à tous les combats de la 1re DFL : Tunisie, Italie, Provence et remontée, Vosges et Alsace, poches de l’Atlantique, Authion. Renforcé en Afrique du Nord par des engagés venus de l’armée d’Afrique, des évadés de France et 250 jeunes Corses, il sera particulièrement éprouvé en Italie, lors des combats du Garigliano et de Toscane : il perdra en effet 68 hommes, dont son chef, le commandant Magny (remplacé par le commandant Magendie*****). Par la suite, à l’automne 1944, le commandement relèvera 275 “Pacifiens” fragilisés par les rigueurs climatiques (ils seront en partie remplacés par des FFI et des engagés de métropole). Le 28 mai 1945, le général de Gaulle lui décernera la croix de la Libération, avec ce commentaire : “Gardera dans l’histoire la gloire d’avoir représenté l’infanterie coloniale sur les champs de bataille où les Forces françaises libres ont été les premières à reconquérir l’Honneur.”
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* Fonferrier avait d’abord été, comme le général Mittelhauser, Haut commissaire de France au Liban, partisan de poursuivre la lutte, puis il avait choisi de rester fidèle au Maréchal. En 1943, il rejoindra la Résistance en métropole, sera arrêté et mourra en déportation.
** L’opération échouera à la fin juillet à la suite de l’opposition du gouverneur Deschamps et de l’intervention du général Maxime Germain, chargé par Vichy de tous les pouvoirs civils et militaires à Djibouti.
*** Le 7 mars 1941, Folliot et plusieurs de ses hommes seront faits Compagnons de la Libération.
****Le BP1 était composé de 300 Tahitiens et Marquisiens et de 300 Néo-Calédoniens, Néo-Hébridais et Wallisiens.
*****Tous deux seront faits Compagnons de la Libération