Les corvettes françaises libres dans l’Atlantique Nord

Les corvettes françaises libres dans l’Atlantique Nord

Les corvettes françaises libres dans l’Atlantique Nord

Présentation par E.-F. Touchaleaume, ancien commandant de la Lobélia, d’après un texte de Michel Bertrand (Gazette des armes : les Forces Navales Françaises Libres, 1980).
C’est dans la bataille de l’Atlantique que se joua le sort de la guerre, que les corvettes FNFL eurent à fournir le principal effort et contribuèrent, ainsi pour leur modeste part, au côté des marines alliées, à remporter la victoire.
À l’ouverture des hostilités le 2 septembre 1939, l’Allemagne n’était pas préparée à la guerre sous-marine, décisive dans un conflit contre une puissance maritime telle que l’Angleterre – contrairement à une opinion très répandue.
La Kriegsmarine ne comptait, à l’époque que 57 sous-marins dont 27 dans l’Atlantique Nord, mais les impératifs de la guerre aboutirent à une modification de ce programme. Au 1er janvier 1941, le nombre total des sous-marins en service n’était encore que de 85 et le 31 mars 1941 de 111. Trente-six unités avaient été coulées depuis le début du conflit. Le rythme de 20 sous-marins sortis par mois est cependant atteint en mai 1941. Le commandant des U-Boot est alors remarquablement organisé, appuyé sur les bases françaises de Lorient et de Bordeaux utilisées dès juin 1940.
La bataille de l’Atlantique, vitale pour l’Angleterre, qui dépendait absolument de la mer pour son ravitaillement et ses communications, s’est jouée de 1939 à 1943 avec des phases diverses. La tactique organisée dès le début par les Alliés fut celle des convois, les navires marchands étant toujours escortés par des bâtiments de guerre ou des cargos armés. Les Anglais mirent en chantier 100 corvettes, firent passer le nombre de leurs chalutiers armés de 300 à 600 et obtinrent des États-Unis la cession de 50 destroyers de type ancien. De plus, ils perfectionnèrent leur « asdic » dont ils équipèrent 800 nouveaux bâtiments, accroissant la portée de leurs armes de jet, les hedjehogs qui firent leur apparition en 1941. En juillet les USA commencèrent la construction de 100 destroyers d’escorte (les DE) pour la Grande-Bretagne.
C’est au cours de cette période, de mars à décembre 1941, que les FNFL reçoivent les trois premières corvettes cédées par la Royal Navy.

Activité des corvettes

L’activité des corvettes reste uniquement liée à l’escorte des convois de l’Atlantique. Les seules exceptions à cette règle sont :
1 – La mise à disposition de l’amiral Muselier de l’Alysse et l’Aconit du 9 au 28 décembre 1941 et du Mimosa du 2 décembre 1941 au 22 mars 1942, pour les opérations de Saint-Pierre-et-Miquelon.
2 – La participation de la Roselys à l’escorte du convoi PQ 16 vers Mourmansk et du convoi QP 13 au retour, du 22 mai au 6 juillet 1942.
Le 23 septembre 1941 : la 1re division (Mimosa, Alysse, Aconit) est à demeure, rattachée aux forces d’escorte de Terre-Neuve.
La 2e division (Lobélia, Renoncule et Roselys) fait partie des forces d’escorte des convois Royaume-Uni Islande.
Cependant, à partir de 1942, les corvettes françaises sont toutes rattachées au Western Approach Command à Greenock, en Écosse. Cette base, créée de toutes pièces, leur sera d’un grand secours pour les relèves, entraînement des équipages, le ravitaillement, les réparations, pendant de très courtes escales de 8 à 10 jours, pour des escortes de convois qui dureront un à deux mois.
Voici quelques hauts faits qui jalonnent la dure vie des corvettes françaises libres pendant la cruciale bataille de l’Atlantique. Deux corvettes le Mimosa et l’Alysse furent coulées avec plus de 100 marins et avec elles le capitaine de frégate Birot. Mais trois sous-marins et plusieurs « probablement coulés » payèrent le prix fort pour venger nos vaillants marins.

Le Mimosa

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Corvette Mimosa (Musée de la Marine).

Commandée par le capitaine de corvette Birot. Bâtiment chef de division.

Activités : son entraînement terminé le 23 juin 1941, le Mimosa est immédiatement affecté aux convois de Terre-neuve vers les États-Unis et la Grande-Bretagne via l’Islande (1).
Le navire interrompt cette tâche pour participer à l’opération sur Saint-Pierre-et-Miquelon et prend à son bord l’amiral Muselier. La petite escadre, que complètent l’Aconit et l’Alysse, est retardée par le mauvais temps et ne parvient à Halifax (Canada) que le 12 décembre où elle retrouve le Surcouf.
Les quatre bâtiments sont à Saint-Pierre le 24 décembre, veille de Noël. Le territoire se rallie sans coup férir à la France Libre bien que le gouverneur de l’archipel, fidèle au gouvernement de Vichy, ait opposé un simulacre de résistance.
Après la réussite du « coup de main » (à l’insu des Américains), le Mimosa reste à Saint-Pierre aux ordres directs de l’amiral Muselier (1er janvier 18 mars 1942). Le 22 mars, le Mimosa est remis à la disposition des forces d’escorte de Terre-Neuve.
Le 31 mai, le bâtiment appareille de Greenock (Écosse) et participe avec l’Aconit à des exercices à Moville les 31 mai et 1er juin.
Le 3 juin à 8 h 46, Mimosa et Aconit appareillent pour escorte du convoi ONS 100 (chef d’escorte : destroyer canadien HMLS Assiniboine).
Au matin du 9 juin, le chef d’escorte signale que le Mimosa a été torpillé à 2 h 30 et qu’il n’y a que quatre survivants.
Frappé à mort par le sous-marin U124 à 2 h 22 par 52° 06′ N – 30° 06′ W alors qu’il tenait le poste de protection à l’arrière du convoi, le Mimosa coule par l’arrière en moins de trois minutes au milieu des explosions de ses propres grenades. Soixante cinq hommes sont portés disparus parmi lesquels le commandant (capitaine de frégate Birot), le second (enseigne de vaisseau de 2e classe Allonier) et l’aspirant de Poulpiquet.

L’Alysse

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L’Alysse (Musée de la Marine).

La deuxième corvette cédée aux FNFL (Mimosa étant la première) est l’Alysse construite à Greenock, entrée en service depuis le 9 juillet 1941. Son premier commandant est le lieutenant de vaisseau Pépin-Lehalleur (2), du cadre actif.

Avec le Mimosa et l’Aconit, elle forme la 1re division de corvettes des FNFL et fait partie des forces d’escorte de Terre-Neuve.
Elle est basée à Saint-Jean et elle opère habituellement entre Halifax et Saint-Jean.
Ayant pris part à l’opération sur Saint-Pierre-et-Miquelon, le navire reprend, le 26 décembre 1941, la garde des convois.
Avec l’escorte destinée à l’ONS 60, l’Alysse quitte Londonderry (Irlande du Nord) le 30 janvier 1942. Le chef de groupe est la corvette canadienne Sherbrooke, entourée des sisterships Barrie et Buctouche, ainsi que des britanniques Dianthus et Hepatica.
Le convoi est pris au large de l’Irlande et la traversée a lieu sans incident jusqu’au 8 février, date qui voit se produire une attaque de sous-marins.
Une torpille frappe la corvette Alysse vers 19 h 30. Le navire ne coule pas immédiatement et une tentative de remorquage est effectuée, puis abandonnée par suite du gros temps. Le 10 février au petit jour, l’Alysse prend de la gîte, puis s’enfonce dans l’océan. Trente-cinq marins ont péri dans l’explosion ayant suivi le torpillage ainsi que l’officier de liaison britannique.

L’Aconit

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Retour de patrouille de l’Aconit (Musée de la Marine).

Commandant : lieutenant de vaisseau Levasseur.

Du 27 juillet, date de sa mise en service, jusqu’à la fin août, l’Aconit effectue des exercices d’entraînement à Tobermory.
Elle inaugure ses premières missions en escortant des convois entre la Grande-Bretagne et l’Irlande (3 septembre-19 octobre). Ce sont ensuite des escortes entre Terre-Neuve et l’Islande du 19 octobre au 18 décembre 1941. Avec ses sisterships Mimosa et Alysse, la corvette se joint au débarquement dans l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon (10-27 décembre) avant de reprendre ses missions d’escorte sur la route difficile entre Terre-Neuve et l’Islande (27 décembre 1941 – 31 janvier 1942). À partir de février 1942, la route s’allonge pour une traversée de l’Atlantique Nord de bout en bout depuis le Canada jusqu’au Royaume-Uni (jusqu’en juillet 1942).
À partir de cette date, la décision est prise de supprimer les escales d’Islande, les convois étant escortés sur la totalité du parcours de Terre-Neuve jusqu’en Angleterre en raison du harcèlement des « U-Boot ».
Pendant l’escorte du convoi ON 77, l’Aconit est amenée à porter secours aux naufragés du pétrolier de 8 000 tonnes Imperial Transport qui vient d’être torpillé. Par suite d’une malencontreuse indisponibilité de l’asdic, le sous-marin attaquant ne peut être poursuivi.
Du 31 mars au 21 mai, l’Aconit poursuit sa tâche auprès des convois HX 183, ON 89 et HX 189.
Du 31 mai au 15 juin, l’Aconit, de conserve avec le Mimosa, assure l’escorte du convoi ONS 100. Ce convoi, qui vient de l’estuaire de la Clyde et se dirige vers le Canada, comporte 36 bâtiments marchands. Il fait route au 266, escorté, outre les deux unités FNFL, par le torpilleur HMS Assiniboine, chef d’escorte, les corvettes britanniques HMS Dianthus et Nasturtium.
Le temps est beau, la mer calme, le vent souffle du sud-est force 2.
La houle se lève le lendemain. Aucun sous-marin n’est en vue. Ce calme sera de courte durée. Repéré dès le 20 mai, puis perdu de vue, le convoi est retrouvé par une meute de huit « loups gris », le 9 juin.
À 2 h 20, nous savons que le Mimosa a été torpillé à environ 5 000 yards de l’Aconit sans qu’aucun navire de l’escorte s’en soit aperçu immédiatement. Il n’y a donc pas eu de réaction.
À 2 h 50, dans la nuit, on entend une forte explosion. C’est le vapeur Partford de 5 000 tonnes qui coule bas.
L’Aconit recueille les survivants. Les réactions du groupe d’escorte apparaissent lentes. Le convoi ne sera pourtant plus inquiété. Les opérations du groupe « Hecht » (nom de la « meute ») contre le convoi ont été interrompues à cause de la mauvaise visibilité.
À 10 h 20, le 13 juin, le feu du cap Race est aperçu. Mission terminée.
Du 12 septembre 1942 au 1er mars 1943, l’Aconit, rattachée au groupe B3, reprend les escortes dans l’Atlantique. En sus des quatre corvettes : Lobélia, Aconit, Renoncule et Roselys, ce groupe comprend :
– un destroyer britannique : HMS Harvester, chef de groupe ;
– un torpilleur polonais : le Garland ;
– deux corvettes britanniques.
Du 5 au 15 mars 1943, l’Aconit (après un séjour en cale sèche du 2 au 5 mars) escorte le convoi HX 228 de Saint-Jean-de-Terre-Neuve jusqu’en Grande-Bretagne en compagnie des autres bâtiments d’escorte du groupe B3, à savoir le destroyer Harvester et son homologue Escapade, le Garland (ORP) et le Burza (polonais), ainsi que les corvettes Narcissus, Renoncule et Roselys.
Il s’agit par conséquent d’un convoi fortement armé qui regroupe 61 bâtiments rangés en 14 colonnes. Le chef d’escorte est le Harvester (Commander A.-A. Tait).
Le 6, le porte-avions d’escorte USS Bogue, accompagné des destroyers anciens USS Belcknap et Badger, rejoint le groupe B3. Le convoi fait route au nord-est.
La menace sous-marine se précise d’autant plus que le 10, un avion du Bogue signale un sous-marin à 10 mille dans le nord du convoi.
Dans la soirée, le transport de munitions Andrea-F.-Luckenbach saute sous l’impact d’une torpille. Un autre navire, le SS Tulurinca est touché, mais se maintient à flot. La Roselys reçoit l’ordre de lui porter assistance.
Le 11 mars est une journée décisive. La meute attaque. Les bâtiments numéros 131 et 23 sont torpillés simultanément de chaque côté du convoi.
Le Harvester a repéré un « U-Boot » en surface, fonce sur lui, l’éperonne et l’oblige à plonger avant de l’attaquer à la grenade. Contraint de faire surface en raison de ses avaries, l’« U-444 » est alors de nouveau grenadé, puis abordé et coulé par l’Aconit. Quatre survivants sont repêchés.
Une troisième attaque de sous-marins a lieu à 3 h 40. Le bâtiment numéro 135 est coulé. La Renoncule largue un chapelet de grenades. Le convoi continue sa route malgré les attaques.
À 8 h 30 le 11, le Harvester, endommagé par l’abordage de la nuit, est désemparé. Il demande du secours à l’Aconit qui le rallie trois heures plus tard. À ce moment-là (11 h 05), l’Aconit entend une explosion sous-marine et aperçoit une colonne de fumée droit devant. Le Harvester signale : « Je suis torpillé ». L’Aconit fait un balayage asdic et attaque à 13 heures avec 23 projectiles de « Hedgehog ».
À 13 h 10, le sous-marin fait surface à tribord arrière de l’Aconit. L’ennemi est immédiatement engagé au canon (« pom-pom ») et la corvette fait route sur lui à toute vitesse, ouvrant le feu avec les « Oerlikon » et le canon de 4 pouces. Le kiosque de l’« U-Boot » est volatilisé. À 13 h 12, l’Aconit cesse de tirer, stoppe et bat en arrière pour essayer d’envoyer sur le sous-marin un équipage de prise. Mais ayant encore un peu d’erre, la corvette aborde l’« U-432 » qui chavire et disparaît. Vingt survivants sont ramassés dont l’officier en second du submersible.
Puis l’Aconit recueille les 29 survivants du Harvester et les rescapés du cargo américain Henry-Wynkoop. Le 12, enfin, l’Aconit rallie le convoi avec le Narcissus. Se détachant vers 15 heures à cause de ses avaries de coque, la corvette FNFL fait route sur Greenock isolément à 15 nœuds, prenant à son bord au passage le médecin du destroyer polonais Durza.
Le 14 mars à 12 h 05, l’Aconit s’amarre au quai de Greenock, mission accomplie.
Le 2 avril, le commandant de l’Aconit, le lieutenant de vaisseau Levasseur, reçoit la croix de la Libération des mains du général de Gaulle et, le 21 avril 1943, la corvette Aconit est citée à l’ordre des Forces Françaises Libres.

La Roselys

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La Roselys (photo FNFL).

Admise au service actif le 19 septembre 1941 (commandant : lieutenant de vaisseau André Bergeret), la Roselys, à l’issue d’une période d’entraînement intensif qui dure jusqu’à mi-octobre, est rattachée au 39 groupe des Forces d’escorte de la Clyde.

D’octobre 1941 à février 1942, ce sont des missions d’escorte sur la route classique, mais difficile entre le Royaume-Uni et l’Islande. Ainsi, le 26 janvier, au cours d’une attaque de sous-marins, la Roselys éperonne un « U-Boot » venu en surface et lui cause de sérieux dégâts avant que le submersible ne disparaisse à nouveau en plongée.
Son dôme asdic ayant été arraché par l’abordage, la corvette passe en cale sèche du 1er au 5 février 1942 et prend place ensuite dans l’escorte des convois de Terre-Neuve (Task Force 24, groupe A5).
Du 16 au 30 mai, la Roselys escorte le convoi « PQ 16 » (34 bâtiments) qui fait route vers la Russie (Mourmansk) à travers l’océan glacial Arctique. Le groupe d’escorte comprend le croiseur auxiliaire anti-aérien anglais Alynbank, quatre corvettes (parmi lesquelles la Roselys) et deux sous-marins.
Le 24 mai, le convoi est rejoint par un groupe de cinq destroyers (dont le HMS Ashanti et l’ORP Garland, polonais). Le 25, l’ensemble est encore renforcé par la force de couverture du contre-amiral Burrough, à savoir : les quatre croiseurs Nigeria, Norfolk, Kent et Liverpool accompagnés par trois destroyers.
Ce déploiement de forces impressionnant a pour cause la crainte de voir intervenir les cuirassés de poche de la Kriegsmarine : Admiral-Scheer et Lutzow à l’affût d’une attaque-éclair, basés qu’ils sont dans le fjord norvégien de Narvik.
Une telle attaque n’aura pas lieu. Par contre, une nuée d’avions allemands (des Heinkel 111) opérant à partir des aérodromes de Finlande et de Norvège, attaquent violemment le convoi par vagues successives, bientôt suivis par des Junker 88. Du 26 au 29 mai, ils coulent plusieurs cargos tant à la bombe qu’à la torpille. Un sous-marin, intervenant à son tour, s’attribue une proie (il s’agit de l’U-703). Dans la journée du 27, si les navires sont encore atteints par des bombes. La Roselys se porte au secours du numéro 83 (un cargo soviétique) [3] et lui passe des manches à incendie. Plusieurs navires flambent.
Le 30 mai, dernière journée, se produisent à nouveau plusieurs attaques de Junker 88, mais sans résultat. La terre est reconnue à 11 heures.
La corvette FNFL vient s’ancrer dans la baie de Kola où elle séjourne du 30 mai au 27 juin. Dans l’autre sens, la Roselys escorte du 27 juin au 6 juillet le convoi « QP 13 » qui regagne l’Angleterre.
Le 2 juillet, à 13 h 30, les fumées du « PQ 17 » (qui devait perdre 25 bâtiments sur 34) ont été aperçues, Le 5 dans la soirée, au tournant nord-est de l’Islande, le convoi atterrit dans un champ de mines par suite d’une erreur de navigation.
Cinq navires sautent parmi lesquels l’aviso-dragueur HMS Niger, chef d’escorte. La Roselys, déployant des efforts sans relâche, recueille 179 hommes de divers bâtiments, courant les plus grands dangers dans cette zone minée. Enfin, le 6 juillet, elle accoste à Reykjavík (Islande).

La Renoncule

Remise aux FNFL le 30 juillet 1941 (commandant : lieutenant de vaisseau J. Dussumier de Fonbrune). Après un entraînement initial, c’est l’escorte traditionnelle des convois entre la Grande-Bretagne et l’Islande (septembre-décembre 1941).
Ayant abordé accidentellement la corvette britannique Narcissus, la Renoncule reste indisponible du 19 septembre 1941 au 24 octobre 1941 avant de reprendre ses missions de « chien de garde » en escortant les convois « ONS 31 » et « HX 157 » (du 29 octobre au 14 novembre) avec la Roselys. Au cours d’une tempête qui survient le 26 novembre, la Renoncule subit des rentrées d’eau importantes qui lui causent certaines avaries. Le bâtiment doit stopper et quitter le convoi pour regagner la côte britannique et réparer les dégâts causés par le gros temps (indisponibilité du 8 décembre au 31 décembre 1941).
L’année 1942 voit la Renoncule continuer de sillonner avec ténacité l’Atlantique nord malgré la menace des sous-marins et le temps exécrable qui règne dans cette partie de l’océan. Presque toute l’année est ainsi employée dans cette tâche obscure et indispensable (de janvier à novembre).
Ces missions presque ininterrompues ont fatigué la corvette qui doit entrer en carénage à Glasgow (7 novembre 1942 – 14 janvier 1943) avant de reprendre les escortes en Atlantique nord (février, mai 1943).
C’est ensuite le retour vers l’Angleterre depuis Gibraltar avec une brève escale à Lisbonne. Au cours de cette traversée, deux navires marchands, le Shetland et le Volturno, sont coulés par des sous-marins ennemis.

La Lobélia

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La Lobélia (Musée de la Marine).

Confiée le 16 juillet 1941 au lieutenant de vaisseau Pierre de Morsier, son premier commandant, puis en mai 1943 au L.V. Touchaleaume.

Les escortes entre le Royaume-Uni et l’Islande commencent pour la Lobélia en septembre 1941 et se poursuivront jusqu’au mois de mai de l’année suivante. Le « métier » d’escorte est interrompu quelques jours (du 24 novembre au 29 novembre 1941) pour transporter l’amiral Muselier en Islande.
De février à mai 1942, la corvette accompagne les convois entre le Royaume-Uni et Terre-Neuve sans incident notable. C’est ensuite un carénage à Glasgow (juillet-août 1942) avant la reprise des escortes en Atlantique nord (août 1942 à janvier 1943).
La mission d’escorte du « SC 118 » a lieu du 1er au 11 février 1942. L’escorte (groupe B2) comprend : HMS Vanessa (SO), Vimy, Beverley, Campanula, Mignonnette, Abélia, ainsi que la corvette Lobélia.
Le convoi proprement dit compte 64 navires. La Kriegsmarine, qui a repéré le convoi précédent naviguant en sens inverse (« HX 223 »), s’attend au passage du convoi suivant.
Aussi l’amiral Doenitz, de son PC breton, décide de déployer le groupe « Landsknecht » en ligne de patrouille. D’ailleurs, l’« U-632 », le 4 février, repère et signale une concentration de navires suivant le « HX 224 ».
Le « SC 118 » va passer au centre même de la ligne de patrouille des sous-marins. Tous les « U-Boot » disponibles sont rameutés et c’est finalement un total de 20 « loups gris » qui harcèle sans répit le convoi allié du 4 au 9 février.
L’escorte a été cependant renforcée par une couverture aérienne. En plus des sept bâtiments du groupe « B2 » (déjà nommés), elle comprend désormais la frégate US Ingham et les destroyers US Babbitt et Schenck entrés en action le 6 février ainsi qu’une escadrille de Liberators.
En dépit de ces moyens de défense, le convoi va néanmoins perdre 13 navires jaugeant 100 000 tonnes dans une violente bataille où 13 submersibles à croix gammée seront grenadés, trois coulés et deux sérieusement endommagés. Deux autres « U-Boot », sur les quatre ayant essuyé une attaque aérienne, seront touchés.
La Lobélia a pris une part active à ces combats et elle a coulé pour sa part, en larguant un « pattern » de dix grenades, un sous-marin allemand, dans les premières heures de la matinée du 7 février. En fait, il s’agit de l’« U-609 », perte confirmée par le journal de la Kriegsmarine.
Cet exploit vaut à la corvette un télégramme de félicitations adressé le 16 mars par l’amirauté britannique. La Lobélia n’en est pas à sa première attaque puisqu’elle a déjà fortement grenadé un « U-Boot » le 4 février, provoquant l’apparition en surface d’une large tache d’huile qui laisserait supposer une destruction de l’ennemi si les sous-marins allemands n’utilisaient quelquefois cette ruse.
Quoi qu’il en soit, la corvette attaque à nouveau le 7 février un sous-marin, au canon cette fois-ci, mais ce dernier disparaît presque aussitôt en plongée. Peu après, la Lobélia recueille neuf officiers et trente hommes d’équipage provenant du pétrolier Daghild sur le point de sombrer après avoir été torpillé. Le tanker doit être achevé au canon par la Lobélia.
Blessée par ses propres grenades en voulant couler « à toucher » l’épave d’un autre bâtiment, l’Adamas, la Lobélia subit de graves avaries et doit être prise en remorque, incapable désormais de se diriger par ses propres moyens. Elle peut néanmoins reprendre sa route le 10 février, après des réparations sommaires, et accoste à Greenock Pier le lendemain, jeudi 11 février : la corvette a bien tenu son rang.
Ses réparations achevées, la Lobélia reprend sa tâche ingrate en escorte du convoi « ONS 15 » avec l’Aconit et la Renoncule.
*
L’amiral Cabanier (4) pouvait écrire :
« Mimosa, Lobélia, Aconit, Alysse, Renoncule, Roselys… ces noms qui, en d’autres temps et lieux, eussent évoqué grâce, soleil, montagne, s’appliquent ici à ces fières petites corvettes de l’Atlantique Nord dont l’acharnement des équipages leur valut l’admiration de tous. Courtes, trapues, pataudes même, mais très adaptées à l’élément marin, elles constituèrent l’ossature des bâtiments de surface des Forces Navales Françaises Libres…
D’autres tout aussi combatives furent affectées au théâtre d’opération de l’Atlantique Sud, elles portaient le nom d’officiers morts au champ d’honneur : Commandant d’Estienne d’Orves, Commandant Détroyat, Commandant Drogou. »
(1) Au cours de l’escorte du convoi SL 48 (8-19 octobre 1941), le Mimosa repoussa l’attaque de plusieurs sous-marins allemands tout en recueillant les survivants de deux cargos torpillés.
(2) Le lieutenant de vaisseau Pépin-Lehalleur devait poursuivre sa carrière après la guerre. Promu contre-amiral, il est actuellement placé dans la 2e section.
(3) Il s’agit du Stari Bolchevik (NDLR).
(4) L’amiral Georges Cabanier, sorti de l’École navale, commanda au sein des FNFL le sous-marin Rubis (1940-1941). Aujourd’hui décédé, il fut chef d’état-major de la marine jusqu’en 1968.
Extrait de la Revue de la France Libre, n° 276, 4e trimestre 1991.