
Fred Scamaroni, du berceau à la tombe : l’action d’un Français libre dans la guerre
Riposte corse à l’Italie, 1938


Le 24 novembre 1942, la note B.C.R.A. numéro S 1826 NH donne ordre de l’acheminer par mer, en sous-marin britannique, vers Gibraltar et Alger, où il doit porter des messages en vue d’unifier l’empire français dans l’action de guerre ; en effet, les Américains misent sur Darlan, à l’indignation des F.F.L., des résistants (7) et de l’opinion publique anglaise. Le général de Gaulle, tenu à l’écart par Roosevelt, ronge son frein à Londres ; les courriers ne passent plus. Par un ordre de mission du 9 décembre, il délègue le « capitaine Séveri », qui doit prendre contact avec plusieurs personnalités, dont Capitant, chef du mouvement « Combat », avant de gagner la Corse : c’est la « mission Sea Urchin ». Sa tournée à Alger accomplie, Scamaroni se rembarque. C’est enfin dans la nuit du 6 janvier 1943 qu’il aborde discrètement la côte corse à Capo di Nero, près de Coti-Chiavari; deux hommes l’accompagnent : un lieutenant S.R. anglais, Maynard, dit « Albert », spécialiste du sabotage et des livraisons d’armes, et un radio, Hellier. Sous une pluie battante, ils halent sur la plage postes radio, matériel, armes, et un million de francs qu’ils camouflent dans les fourrés. «Séveri » gagne Ajaccio sur une bicyclette pliante, arrive chez Raimondi, si bien grimé qu’il doit dire le mot de passe, et nanti de plusieurs pseudonymes. Épuisé, il converse pourtant tard dans la nuit avec quelques résistants. Le lendemain, on va chercher « Albert » et Hellier, on récupère ensuite le matériel; mais le pécule a été volé par un berger, qui, retrouvé, ne le rendra que partiellement.

Dès le 9 septembre, le nouveau Comité départemental d’Ajaccio aura proclamé le ralliement de la Corse à la France Libre. Le 14, Charles Luizet, désigné comme préfet par le Comité de libération nationale, arrivera d’Alger, chaleureusement accueilli par la population ainsi que le général Mollard, revenu comme gouverneur militaire. C’est une foule arborant partout la croix de Lorraine qui manifestera le 21 sa reconnaissance au général Giraud, alors commandant en chef, instigateur de cette « opération Vésuve ». Quand le général de Gaulle viendra le 8 octobre, dans ce premier département libéré, féliciter les vainqueurs, l’enthousiasme déferlera, et son tour de l’île déchaînera les ovations de tous. À Ajaccio il prononcera un magnifique discours historique, tirant la leçon de l’espoir qui a mené l’action des Corses, et soulèvera bientôt la France entière. Il se recueillera devant le monument aux morts et devant la tombe de Fred Scamaroni, à qui la croix de la Libération sera conférée, avec cette citation à l’ordre de la nation : « Magnifique officier, modèle de courage et d’esprit de sacrifice, rejoint les Forces Françaises Libres en juin 1940; fait prisonnier à Dakar, devient dès qu’il est libre un des militants de la résistance clandestine. Poursuivi par la Gestapo, parvient à rejoindre l’Angleterre en janvier 1942. Se porte à nouveau volontaire pour une mission tout particulièrement dangereuse en Corse. Arrêté, abominablement torturé, ne révèle rien. Pour échapper à ces tortures et éviter de céder à la souffrance, se suicide en se déchirant la gorge avec un morceau de fil de fer trouvé dans la cellule. »