
Honoré d’Estienne d’Orves : un homme libre

À travers la plaine splendide du ciel,
Courez, frères, votre chemin, joyeux
Comme un héros vers la victoire… »
SCHILLER
Hymne à la joie

Les escales lui permettent de découvrir les beautés dont il fait ample moisson, beautés de la nature, beauté mystérieuse des sites où s’inscrivent les civilisations anciennes, il les dit avec la vive sensibilité d’un poète, la profondeur d’un homme de culture qui en connaît le langage secret. Ainsi nous raconte-t-il Chellah, au cours d’une visite de Rabat :

«… Je rencontre Rowgee, et à partir de ce moment j’entre en plein dans la vie de ces jeunes brahmines, pour qui je suis une attraction (leur étonnement de voir l’intérêt que je prends aux choses de leur vie), et qui me font passer de merveilleux moments. Ces heures passées devant le logement de Patwardan, assis sur une chaise, buvant de l’eau glacée, pendant qu’ils sont cinq ou six debout autour de moi, discutant, et qu’apparaissent, à la fenêtre ou à la porte, des enfants rieurs, vite fuyant devant nos airs absorbés… » (7).

« Le jour tombe et l’extraordinaire profil du Bouddha est plus mystérieux encore. Sa bouche respire la bonté et la sérénité du bonheur atteint, tandis que ses grands yeux baissés semblent le savourer. Cette statue, c’est l’intelligence elle-même. Que je comprends qu’on aime un dieu qui manifeste de si douce façon sa puissance. Nous sommes assis sur de gros coussins poussiéreux, les yeux tournés vers le dieu sage. 0 ! Bouddha, donne nous un peu de ta sagesse profonde. Tu vois autour de toi, réunis, d’autres dieux de bois doré, tous dans la même attitude méditative, s’efforçant à la perfection par toi seul atteinte. Et nous, venus d’Occident, à qui notre Dieu tout puissant a donné la force en même temps que l’amour, nous retrouvons en ton image la sérénité parfaite du Créateur.
Monique et Rose d’Estienne d’Orves
(2) « L’homme et la mer » de Baudelaire.
(3) La famille de Vilmorin, qui avait à Verrières-le- Buisson ses terres de culture et ses laboratoires.
(4) Funchal, île de Madère, octobre 1923.
(5) Nécropole de Chellah, Maroc, janvier 1931.
(6) Viêtnam, mars 1932.
(7) et (8) Bombay, novembre 1931.
(9) Alger, 1932.
(10) Singapour, décembre 1931.
(11) Bali, janvier 1932.
(12) Djibouti, novembre 1931
(13) Île de la Grande Putu, mer de Chine, novembre 1926.
(14) « Honoré d’Estienne d’Orves » Rose et Philippe Honoré d’Estienne d’Orves, éditions France Empire, 1985.
* Tous les documents photographiques de cet article proviennent de la collection privée de Mme Honoré d’Estienne d’Orves.