Jacques Mouhot, sergent-chef parachutiste

Jacques Mouhot, sergent-chef parachutiste

Jacques Mouhot, sergent-chef parachutiste

Fait prisonnier avec mon unité, le 1er Régiment Artillerie Coloniale, à Mirecourt (Vosges), le 20 juin 1940.
M’évade du camp de Mirecourt le 14 juillet 1940 (dans une marmite servant à la distribution des repas).
Décembre 1940, j’embarque clandestinement à Marseille, sur un navire en partance vers l’Afrique du Nord.
Je débarque à Alger. Sans argent, sans papiers d’identité, je traverse les frontières algérienne et marocaine, arrive à Casablanca ; ne pouvant embarquer de ce port, je pars pour Tanger, passe la frontière du Maroc espagnol (caché dans la cage à chien d’un des wagons du train). Arrivé à Tanger, je vais directement au consulat britannique, malheureusement le consul ne veut pas croire un mot de ce qu’il appelle un roman d’aventure.
Un remorqueur anglais étant en rade (Le Rescue), je décide de le prendre à la nage. En pleine nuit, vers 2 heures du matin, je me rends sur la plage après avoir enfouis mes vêtements dans le sable, je me mets à l’eau, lentement, nageant sans bruit, j’atteins le navire, par la chaîne de l’ancre je grimpe à bord. Voyant une lumière filtrant par-dessous une porte, je m’y dirige, frappe… la porte s’ouvre… Vous imaginez facilement la frayeur des matelots (voyant apparaître un fantôme ruisselant d’eau et complètement nu… ) Revenus de leur peur, je fus empoigné et conduit auprès du commandant, celui-ci, après avoir écouté attentivement mon histoire, et paraissant s’y intéresser me dit : “Restez à bord, demain j’irai voir le consul…”, puis se tournant vers ses matelots : “Donnez à cet homme des vêtements chauds et un bon repas…”
Le lendemain, le commandant, après une visite au consulat, revint me voir et me dit amicalement : “O.K., boy, you can stay with us…”
Un mois plus tard j’étais à Londres.
Volontaire parachutiste, au printemps 1942 je me retrouve au Moyen-Orient avec mon unité, sous les ordres du commandant Bergé.
Au mois de mai, à six, nous débarquons d’un sous-marin et abordons l’île de Crète, occupée par les Allemands.
Nous faisons sauter, sur l’aérodrome d’Héraklion, 20 bombardiers et un chasseur allemand, puis mettons le feu à des ateliers de réparations.
Quelques jours plus tard, quatre hommes : commandant Bergé, sergent Mouhot, caporal Sibard et le soldat Leostic, sont encerclés par une cinquantaine de soldats allemands.
Malgré le nombre nous n’hésitons pas à engager le combat à quatre contre 50, nous tenons les Allemands en respect, les munitions s’épuisent, le soldat Leostic reçoit une rafale de fusil-mitrailleur et s’écroule blessé à mort. Il est vengé aussitôt, un soldat allemand tombé à son tour frappé en pleine poitrine d’une rafale de mitraillette. N’ayant plus de munitions, nous essayons d’échapper aux recherches en nous cachant sous les ronces, mais sommes découverts les uns après les autres. Leostic est achevé d’une rafale de mitraillette.
Condamnés à mort, nous attendons d’être passés par les armes. Quinze jours passent ainsi. Un matin un soldat nous conduit auprès d’un officier allemand qui nous dit : “Messieurs, vous avez été condamnés à mort, mais le führer vous fait grâce, à cause de la belle conduite des Français à Bir-Hakeim. Vous serez envoyés en Allemagne comme prisonniers de guerre”.
À peine arrivé en Allemagne, interné au Dulag-Luft, près de Francfort, je m’évade en passant à travers les barreaux de ma cellule. Je suis repris quelques jours plus tard sur les bords du Rhin, complètement épuisé.
Envoyé à Lubeck, à l’Oflag X.C., je suis mis en cellule à cause de mon évasion de Francfort. Je n’en suis pas plus tôt sorti que je m’évade à nouveau, malheureusement je suis repris à Hambourg, renvoyé à Lubeck, retourne en cellule. Je ne me décourage pas, malgré la surveillance dont je fais l’objet, je trouve le moyen de m’évader à nouveau, le 20 février 1943, je traverse toute l’Allemagne ; la chance n’est pas avec moi, sur la frontière hollandaise je me perds dans des marécages, ayant de l’eau jusqu’à la ceinture.
Je suis obligé d’attendre le jour pour pouvoir en sortir, ayant été vu par des douaniers allemands, je suis repris et interné dans un stalag près de Bathorn, 15 jours de cellule ; à peine sorti je m’évade encore une fois, je suis vu par une sentinelle qui tire, mais je réussis à gagner la forêt voisine, le lendemain je passais la frontière hollandaise, puis, à pied, traversais la Belgique, la France, atteignais les Pyrénées à travers les hauts sommets, évitant les vallées, toujours sur le qui-vive, j’arrivais enfin à Barcelone, où je fus pris immédiatement en charge par l’ambassade d’Angleterre. Je ne pesais plus que 52 kilos à mon arrivée à Barcelone. Un entraînement progressif devait me redonner toute ma vigueur. Je fus dirigé sur Gibraltar, un avion me prit et me déposa à Londres, où je rejoignis mon unité.
Quelques mois plus tard, j’étais parachuté en Bretagne, avec mon bataillon, “Le Bataillon du ciel”, sous les ordres du colonel Bourgoin et, avec mon camarade, participais à la libération de la France.
Extrait de la Revue de la France Libre, n° 119, juin 1959.