Jacques Réginald Savey

Jacques Réginald Savey

Jacques Réginald Savey

Dominicain, Compagnon de la Libération (1910-1942)

Jacques Réginald Savey dans les jardins du couvent du Caire 1940.
Archives dominicaines de la Province de France/Tangi Cavalin, Nathalie Viet-Depaule, Dictionnaire biographique des frères prêcheurs.

Le père Jacques Réginald Savey était un prêtre dominicain, né le 9 octobre 1910 à Brest, dans une famille de tradition militaire. Son père Charles Ferdinand Savey, affecté dans cette ville, était officier dans la Marine portant le grade de lieutenant de vaisseau. Le culte de la religion catholique, comme celui de l’honneur militaire et patriotique, était de règle chez les Savey. Pour ses études, Jacques Savey fut admis au collège catholique Stanislas à Paris, où il demanda son admission au noviciat des frères prêcheurs avant même l’obtention de son baccalauréat en 1927. Il revêtit l’habit blanc à Amiens, en septembre 1927 et reçut le prénom religieux de Réginald. Ses études furent interrompues par son service militaire, qu’il accomplit d’octobre 1931 à octobre 1932. Ce fut l’occasion pour lui de manifester son attachement aux valeurs militaires. Il effectua une formation d’élève-officier de réserve à Saint-Cyr, qu’il termina avec le grade de sous-lieutenant. Il fut ordonné prêtre en juillet 1934.

C’est par un concours de circonstances que le père Jacques Réginald Savey partit à Kamechlié, au Levant, en janvier 1937, pour faire partie de la mission dominicaine de la Haute-Djézireh, territoire situé dans le nord de la Syrie, sous contrôle de la France. Le but de la mission était d’encadrer des populations chrétiennes, victimes de massacres dans le nord de l’Irak, en leur apportant un secours matériel et spirituel. Le 28 août 1939, il fut mobilisé comme lieutenant de réserve d’infanterie coloniale à Hassetché puis à Damas, dans les services du renseignement de l’état-major.

Après l’armistice du 22 juin 1940, Jacque Réginald Savey opta pour la poursuite de la lutte armée, l’idée de la défaite lui étant insupportable, tout comme la vue de ses compagnons d’arme se résignant au choix de chefs ayant failli. C’est l’opposition au nazisme qui fit la différence entre lui et ceux qui acceptaient la défaite. Il partageait la conviction du général de Gaulle que cette guerre était d’une nature différente de celle de 1914-1918 et qu’il y avait autre chose dans ce conflit qu’un heurt entre nationalismes. C’est fort de cette certitude qu’il justifia son départ en parlant, de “croisade” de la “civilisation chrétienne” contre “le messianisme hitlérien”. Son ralliement à l’armée du général de Gaulle fut globalement mal reçu. Sa décision fut durement condamnée par ses supérieurs militaires, dont l’incompréhension était partagée ses confrères dominicains. La nouvelle de l’engagement de Jacques Réginald Savey était d’autant moins comprise qu’elle était assortie de la précision selon laquelle il était enrôlé comme combattant et non comme aumônier, ce que proscrit, avec des nuances, le droit canonique. Jacques Réginald Savey se rendit à pied en Palestine puis, depuis Jérusalem, rejoignit Le Caire, pour s’engager dans les Forces Françaises Libres (FFL). Il rejoignit le camp de Moascar, près d’Ismaïlia, pour prendre le commandement de la 3e compagnie du 1er bataillon d’infanterie de marine (BIM), première unité FFL à reprendre le combat, à côté des Britanniques, formée pour l’essentiel d’anciens de l’infanterie coloniale.

Il fut de toutes les opérations militaires de la France Libre en Égypte et en Libye et gagna ses galons de capitaine à Bardia en janvier 1941. Il mena la 3e compagnie en mars 1941, contre les Italiens, pendant la première campagne d’Érythrée, lors de la prise de Keren, le 27 mars, puis celle de Massaoua, au bord de la mer Rouge, le 8 avril 1941. La croix de guerre lui fut décernée pour son action permettant de capturer, au terme d’une opération audacieuse, près de 2 000 soldats Italiens. De l’Érythrée, le BIM regagna Suez par voie maritime. Lorsque survint la nouvelle d’un prochain départ pour la Syrie, afin de contrecarrer la décision de Darlan de mettre à la disposition de l’Allemagne nazie les moyens militaires français au Levant, certains de ses combattants furent troublés de devoir affronter des compatriotes. Ce ne fut pas le cas du capitaine Jacques Réginald Savey, convaincu qu’il n’était plus temps de tergiverser et qu’il fallait combattre les “boches” et tous ceux qui avaient fait le choix de collaborer avec eux. Pendant la campagne de Syrie en juin 1941, Jacques Réginald Savey fut nommé, à 31 ans à peine, chef de bataillon et commandant du 1er BIM. À la fin de la même année il gagna la Libye avec ses hommes, au sein de la 1re brigade française libre du général Pierre-Marie Kœnig, où il fit preuve, une fois de plus, de sa bravoure.

L’offensive de Rommel débuta le 26 mai 1942, avec comme objectif la prise du canal de Suez. Elle fut enrayée par la résistance des Français Libres à Bir Hakeim, pendant près de deux semaines. C’est au cours de l’évacuation de la position, au travers des lignes allemandes, à la tête de son bataillon et de celui du Pacifique (bataillon d’infanterie de marine et du Pacifique), dont le chef, Félix Broche, venait d’être tué, que le commandant Jacques Réginald Savey, touché par des éclats d’obus, mourut, dans la nuit du 10 au 11 juin 1942. Son corps fut enterré sur place, à l’aube du 11 juin 1942, sa dépouille fut transférée en 1946 au cimetière des Dominicains d’Étiolles.

Il fut nommé compagnon de la Libération à titre posthume par le général de Gaulle (décret du 11 mai 1943). Le BIMP, unité décorée de la croix de la Libération, a compté dans ses rangs 72 Compagnons de la Libération à titre individuel, parmi lesquels 25 sont morts pour la France, dont 5 à Bir Hakeim :

– Émile Bellet, mort pour la France, le 13 avril 1942, à Bir Hakeim ;
– Félix Broche, mort pour la France le 9 juin 1942, à Bir Hakeim ;
– Gaston Duché de Bricourt, mort pour la France le 9 juin 1942, à Bir Hakeim ;
– Jacques Savey, mort pour la France le 11 juin 1942, à Bir Hakeim ;
– Lucien Vanner, mort pour la France le 11 juin 1942, à Bir Hakeim.

M-C. Bernard François Michel

BIBLIOGRAPHIE

Dominique Avon, Les Frères prêcheurs en Orient : les Dominicains du Caire (années 1910-années 1960), Éditions du Cerf, 2005.
Gérard Bardy, Les Moines Soldats du Général, Plon, 2012.
Tangi Cavalin, Nathalie Viet-Depaule, Dictionnaire biographique des frères prêcheurs. Dominicains des provinces françaises (XIXe-XXe siècles), 2011, url : https://journals.openedition.org/dominicains/.
Jacques Savey, Dominicain. Héros de Bir Hakeim. Témoignages recueillis par son frère, Éditions du Cerf, 1950.