Jean Pierre-Bloch
Il me revient maintenant, en ma qualité de président national de l’Association nationale des médaillés de la Résistance française, d’évoquer la mémoire de Jean Pierre-Bloch, président d’honneur-fondateur de notre Association et titulaire lui-même de la médaille de la Résistance avec rosette. Et il est juste que cet hommage soit rendu à ce grand résistant, selon son vœu, à la chancellerie de l’ordre de la Libération, lieu hautement symbolique du cruel et glorieux combat que, à l’appel et sous l’autorité du général de Gaulle, Français Libres et résistants de l’intérieur menèrent pour secouer le joug de l’ennemi.
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Homme engagé, Jean Pierre-Bloch avait été porté à la Chambre des députés par la grande vague sociale qui souleva la France en 1936.
Homme de cœur, il était horrifié par les odieux traitements que, depuis leur arrivée au pouvoir, les autorités nazies infligeaient à leurs adversaires politiques et aux juifs d’Allemagne.
Patriote vigilant, il ne cessait de dénoncer la montée du péril mortel que représentait pour la France le régime hitlérien et il s’éleva, avec une poignée d’hommes politiques de tout bord, contre les tristes accords de Munich.
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En septembre 1939, la guerre arrive, et, pénétré du sens élevé de son devoir, Jean Pierre-Bloch, quoique non mobilisable en sa qualité de député, s’engage immédiatement. Après quelques péripéties, son obstination à se battre lui permet d’être affecté avec le grade de lieutenant à une unité déployée sur le front nord, la 3e division d’infanterie coloniale. Celle-ci reçoit, le 10 mai 1940, le choc de l’offensive allemande et doit presque aussitôt entamer une longue retraite, ponctuée de furieux combats où nos soldats se battent avec héroïsme.
Jean Pierre-Bloch s’y distingue par des actions d’éclat qui lui valent la croix de guerre et plusieurs citations. On ne rappellera jamais assez, contrairement à ce qui a été dit trop souvent, que, pendant la campagne de France, l’armée française, si elle a été victime de chefs incompétents, s’est battue avec le plus grand courage. La mort en quelques semaines de plus de 100 000 jeunes soldats en témoigne !
Quant à Jean Pierre-Bloch, il est fait prisonnier par les forces allemandes avec le reste de son unité, le 23 juin, après un dernier combat pour tenter de briser un inexorable encerclement. Mais le régime de la captivité ne pouvait convenir à Jean Pierre-Bloch.
Aussi réussit-il à s’évader au bout de quelques semaines et à gagner la zone dite « libre » du territoire français, où il peut retrouver sa famille et rétablir sa santé sérieusement altérée.
Mesdames, Messieurs, la Résistance a été selon moi un triple combat :
– combat pour la défense de la dignité humaine et les droits de l’homme ;
– combat pour la défense de la liberté ;
– combat pour la défense de la patrie.
Comment un homme comme Jean Pierre-Bloch ne serait-il pas entré immédiatement dans ce grand combat ?
C’est ce qu’il a fait dès l’hiver 1940-1941 en s’attachant au sein d’une résistance encore peu organisée à la constitution, avec ceux qui partageaient sa foi, de petits réseaux.
Ainsi put-il, au sein d’un réseau déjà structuré, organiser le 10 octobre 1941 près de Villamblar, en Dordogne, le premier parachutage d’armes et d’argent en provenance de Londres. La petite commune qui a conservé le souvenir de cet événement a donné à sa place principale le nom de Jean Pierre-Bloch, qui a présidé lui-même, il y a peu d’années, cette cérémonie.
Malheureusement, cette opération destinée à renforcer la Résistance marseillaise fut dénoncée et entraîna quelques jours plus tard l’arrestation à Marseille par la police française de Jean Pierre-Bloch, de son épouse et de tous les membres du réseau.
Ce qui provoqua pour Jean Pierre-Bloch et son épouse de longs mois d’une dure détention à Marseille et à Périgueux, puis pour Jean Pierre-Bloch (son épouse ayant été libérée) son transfert au camp de Mauzac.
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C’est son épouse qui, après une minutieuse préparation, organisa son évasion de ce camp de Mauzac. Libre, Jean Pierre-Bloch passe en Espagne dans des conditions particulièrement difficiles et subit pendant une longue période le dur régime de détention des prisons franquistes et du célèbre camp de Miranda.
Il réussit enfin à se faire libérer et à gagner Londres sous un nom d’emprunt. Reçu par le général de Gaulle, il est, malgré son désir d’être affecté à une unité combattante, nommé au BCRA du colonel Passy, auquel il apporte un concours éclairé.
À l’automne 1943, il est appelé à Alger pour y être nommé membre de l’Assemblée consultative, symbole de la volonté du général de Gaulle de rétablir la démocratie en France. Il prend ainsi rang parmi ces “compagnons courageux et d’une immense bonne volonté”, selon le mot du chef de la France Libre.
Il ne restera toutefois que peu de jours à l’Assemblée, car il est nommé dans le Comité de Libération Nationale avec rang ministériel, délégué général du commissaire à l’intérieur d’Astier de La Vigerie. Il se consacre dès lors à la préparation de la libération du territoire national dont chacun comprend qu’elle est proche.
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Les multiples activités qu’après la Libération a exercées Jean Pierre-Bloch en tant qu’homme public ont été évoquées tout à l’heure.
Je voudrais seulement, pour ma part, rappeler combien Jean Pierre-Bloch, malgré ses activités, sut demeurer fidèle au devoir de mémoire dont chaque ancien résistant se sent investi, par respect pour la mémoire de ceux qui sont morts au combat, dans les camps de concentration, dans les geôles de la Gestapo ou qui sont sortis de la grande épreuve meurtris dans leur chair ou dans leur santé.
Ce devoir, Jean Pierre-Bloch l’a accompli :
– comme écrivain de nombreux ouvrages consacrés à la guerre 1939-1945 ;
– comme cofondateur en 1947, avec 16 autres personnalités de la Résistance, de l’Association nationale des médaillés de la Résistance française, dont il a suivi avec la plus grande vigilance les travaux jusqu’à ces tout derniers mois ;
– comme cofondateur, en 1948, du Comité d’action de la Résistance.
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C’est pour rester fidèle « jusqu’au dernier jour », selon sa propre expression, à ce devoir de mémoire qu’il a encore accepté l’an dernier de succéder à Maurice Schumann à la présidence du jury du prix littéraire de la Résistance.
À la fin de ses Mémoires, Jean Pierre-Bloch se demande s’il a bien employé sa vie.
Je suis certain d’être l’interprète de tous en apportant à cette question une réponse chaleureusement affirmative, tant il vrai que la vie de Jean Pierre-Bloch, si elle fut riche en épreuves, le fut aussi en actes de courage et d’une fidélité sans faille à un idéal. Et qu’il me soit permis d’associer à cet hommage Gabrielle Pierre-Bloch, que ses camarades de combat appelaient affectueusement Gaby. Résistante exemplaire, elle a accompagné son mari dans ses activités et subi bien de ses épreuves. Ses éminents services lui avaient valu le grade de commandeur de la Légion d’honneur, la croix de guerre, la médaille de la Résistance et, comme son époux, la médaille de la France Libre. Sa mort, il y a peu d’années, nous a causé à tous une profonde tristesse.
C’est pour moi un pieux devoir d’associer, dans le même témoignage, les deux disparus et de le faire devant leurs enfants, devant leurs familles auxquels je présente nos condoléances attristées.
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Cher président Jean Pierre-Bloch, vous allez maintenant nous quitter. Mais reposez en paix. Ceux qui vous ont admiré, ceux qui vous ont aimé vous entourent ce soir. Ils garderont de vous le souvenir d’un bon Français, d’un grand patriote.
Extrait de la Revue de la France Libre, n° 306, 2e trimestre 1999.