Koufra
1er mars 1941
Le 23 décembre 1940, une première reconnaissance en direction de Koufra est organisée ; la “Colonne du Tchad” (que l’on commence à appeler “Colonne Leclerc”) quitte Faya-Largeau le 27 janvier 1941.
Entre temps, le 11 janvier, le colonel Colonna d’Ornano, chef de la région du Borkou-Ennedi (nord du Tchad) a mené un raid sur Mourzouk, l’autre grand poste italien du Sud libyen, à plus de 1.000 km de Fort-Lamy, L’objectif n’est pas de prendre le poste, mais de neutraliser le terrain d’aviation : il est atteint, mais Colonna d’Ornano est tué. Ce raid démontre les immenses possibilités d’une colonne motorisée dans le désert et l’utilité du harcèlement dans la stratégie de conquête saharienne.
Leclerc n’ignore pas que Koufra est bien défendue – entre autres, par la Sahariana di Cufra, une compagnie motorisée qui jouit d’une grande réputation – mais il sait aussi qu’arracher cette position à l’Italie équivaut à porter un sérieux coup à la domination fasciste en Afrique. Et ce coup, c’est la France Libre qui va le porter – avec le concours de la patrouille néo-zélandaise qui a participé au raid contre Mourzouk. Durant tout le mois de février, la colonne sera stoppée par des ennuis de tous ordres (avaries, pannes, embuscades) ; en outre, l’appui aérien du groupe de bombardement basé au Soudan (GRB1) fait défaut et l’aide attendue des Britanniques n’est finalement pas accordée. Leclerc se retrouve finalement seul avec sa colonne ; les affrontements avec la Sahariana di Cufra, beaucoup mieux armée, seront violents, mais Leclerc, sûr de son affaire, ne se presse pas. Le siège du fort d’El Tag, qui défend Koufra, dure dix jours ; les coups de main se succèdent et la résistance italienne finit par faiblir. Au matin du 1er mars 1941, la garnison italienne se rend.
Koufra est tombée. Leclerc prononce alors quelques mots qui passeront à la postérité sous le nom de “Serment de Koufra”*. Quelques jours plus tard, de Gaulle lui écrira : “Vous venez de prouver à l’ennemi qu’il n’en a pas fini avec l’armée française. Les glorieuses troupes du Tchad et leur chef sont sur la route de la victoire.” Si la prise de Koufra passe inaperçue en France – un seul journal annonce que des troupes anglaises ont occupé l’oasis – elle est, en revanche, saluée avec enthousiasme dans tous les territoires de l’Empire ralliés à la France Libre. Il s’agit, commente la BBC, du “premier acte offensif mené contre l’ennemi par des forces françaises partant de territoires français, aux ordres d’un commandement uniquement français”.
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* Le général Compagnon, biographe et ancien soldat de Leclerc, a recensé au moins huit versions différentes du “Serment”. Selon lui, la plus vraisemblable, parce qu’elle correspond le mieux au style de Leclerc et à l’ambiance du moment, est celle du lieutenant Ceccaldi, qui commandait alors une section d’artillerie : “Nous sommes en marche. Nous ne nous arrêterons que lorsque le drapeau français flottera sur la cathédrale de Strasbourg.”