La Maison de France est… votre maison (18 juin 1943)

La Maison de France est… votre maison (18 juin 1943)

La Maison de France est… votre maison (18 juin 1943)

Brochure du CNRD 2012-2013 : compléments en ligne

Il y a aujourd’hui 3 ans, le Général de Gaulle lançait à la face du monde cet appel maintenant historique :

Français ! suivez-moi, je vous guiderai à la victoire. La France a perdu une bataille, mais la France n’a pas perdu la guerre.

Cet appel patriotique souleva l’enthousiasme, galvanisa les énergies, et fut le début de la résistance du peuple français pour sa libération ; résistance qui se manifesta depuis sous les formes les plus diverses, pour aboutir de façon tangible aux combats mémorables d’Afrique du Nord, combats qui furent à Bir Hakeim, certainement parmi les plus héroïques.

Nous allons vous présenter en notre 26ème courrier radiophonique un bel écrit pour commémorer le glorieux anniversaire de Bir Hakeim. Pieux pèlerinage, sans doute, dans le domaine du passé, mais ce nom, hier encore inconnu, a vraiment troué l’obscurité pour s’inscrire en lettres de feu au fronton de l’Histoire des peuples.

Le drame épique de Bir Hakeim commença le 26 mai pour se terminer le 10 juin 1942.

16 jours de luttes acharnées et sans merci dans le sable brûlant du désert où un grand Français, le Général Kœnig, se mesura à un ennemi de beaucoup supérieur en effectifs et en matériel.

16 jours de combats glorieux, où une poignée d’hommes, élite venue de partout, continua les plus belles traditions de la France et fit voir au monde que sa gloire militaire n’avait pas disparu au cours du récent désastre.

16 jours durant lesquels cette résistance, s’identifiant à celle du peuple de France pour sa libération, prit ce caractère nettement décisif qui préluda aux événements qui se déroulèrent, dans la suite, en Afrique du Nord.

Et soulevant ici le voile du passé, où tant de héros continuèrent les belles traditions françaises, des noms comme Rocroi, Arcole, Rethel, Dixmude, Verdun résonnent encore du fracas des batailles ; l’héroïsme des vaillants défenseurs de Bir Hakeim ajoutera une palme à cette couronne déjà riche de lauriers et restera l’une des pages les plus glorieuses de l’Histoire de France.

Nous allons maintenant vous donner lecture de cet écrit, où l’esprit de la résistance française mis en relief vous permettra, en pleine communion d’idées, de commémorer comme il convient l’anniversaire de la défense de Bir Hakeim.

L’anniversaire de Bir Hakeim

Que pouvait bien évoquer le nom de Bir Hakeim, ce nom à l’assonance africaine, pour la masse d’entre nous jusqu’au 26 mai 1942 ? Seuls, les coloniaux les plus instruits savaient que c’était un puits, depuis longtemps desséché, qui perçait en son milieu un immense plateau.

Mais aujourd’hui qui peut ignorer que ce nom s’est inscrit dans l’Histoire grâce à la conduite héroïque soutenue pendant seize jours et seize nuits par un petit groupe de Français Libres sous les ordres du Général Kœnig. Aussi, l’année nous ramenant ce glorieux anniversaire, c’est un honneur pour nous de rappeler à tous ce qu’était cette position importante et dangereuse, et d’évoquer la vie d’enfer, de bravoure, de stoïcisme ‘qui fut celle de ces fils de France et de leurs chefs héroïques.

L’occasion tant attendue pour eux de se mesurer enfin ‘avec l’envahisseur leur fut donnée là, à Bir Hakeim, désert de Cyrénaïque, sans cesse battu par le vent, où la nature s’est montrée si ingrate pour l’homme, qu’aucune vie ne put jamais s’y fixer ; et c’est sur ce plateau désolé, sans le soutien d’aucune voix familière et si loin de leur foyer qu’il fallait consentir le suprême sacrifice.
Ils étaient venus de partout de tous les points de France : Parisiens et Bretons surtout, légionnaires de Narvik, échappés de Dunkerque, tirailleurs, officiers et soldats de Syrie, vétérans de Norvège et de la campagne de France, d’Éthiopie et du Fezzan. Français du Pacifique, venus de tous les coins de l’Empire, appartenant à toutes les confessions, à tous les partis politiques ; tous volontaires, c’est-à-dire tous héros puisqu’ils avaient choisi le sacrifice pour le salut de leur pays.
Les chefs qui ont eu pour mission de conduire de tels hommes laisseront leur nom dans l’Histoire – leur mission d’ailleurs est loin d’être achevée. C’est le général Kœnig, Alsacien, né en Normandie, qui s’est bien promis de ne pas remettre l’épée au fourreau avant que Strasbourg, Colmar et Mulhouse n’aient été rendus à la France. Partageant la souffrance, les privations de ses hommes, aussi bon que juste, il est adoré d’eux.

Le général de Larminat qui a lancé un appel à la résistance au moment de l’Armistice, mis aux arrêts de forteresse, s’en est évadé, a traversé toute l’Afrique pour se mettre au service de la France Libre. Que Dieu donne à la France de nombreux chefs de cette valeur !

C’est le 26 mai, après une accalmie de trois mois, que le Général Rommel entreprit en Libye sa sixième campagne et, pour la première fois, les Forces Françaises Combattantes s’opposèrent aux troupes de l’Axe. Un ordre du jour émanant du haut-commandement allemand, tombé par hasard entre les mains de l’État-major Britannique montre quelle importance l’ennemi attachait à la prise de cette position et quelles forces il lança contre elle.

Les défenseurs se trouvaient donc devant des forces mécaniques numériquement écrasantes, le maréchal Rommel ayant fait peser sur eux presque tout le poids de ses divisions blindées. Un sergent de la. Légion rapporte qu’ils furent assaillis par une centaine de tanks, accompagnés de quelques monstres de première grandeur et d’un grand nombre de terribles Stukas, dont on imagine les ravages sur une surface aussi restreinte. Les Français qui avaient semé autour d’eux des champs de mines, établi un formidable réseau de barbelés et de nombreuses batteries de canons de 75, ramenés de Syrie, se défendaient comme des lions. Mais bientôt ils durent se considérer comme cernés, car les Italiens ne pouvant enlever la position d’assaut, essayaient d’affamer la garnison en attaquant sans répit toutes ses colonnes de ravitaillement.

De plus en plus, les colonnes françaises jour et nuit effectuèrent des sorties avec leur 75, menant un train d’enfer. Avec leurs armes automatiques elles surprirent les postes italiens qu’elles ravagèrent, détruisant des tanks, faisant des prisonniers. Les défenseurs savaient bien que leur situation était critique, car ils n’avaient de l’eau que pour trois jours et un bataillon de troupes hindoues avait rallié le camp sans provision d’eau. De plus, beaucoup de prisonniers italiens étaient venus grossir le nombre de bouches altérées. Quelle anxiété dut étreindre ces hommes quand leur ration fut réduite à quelques gorgées, dans un climat d’une ardeur desséchante. Un jeune colonel leur dit : « Les dernières réserves d’eau épuisées, il ne vous restera plus qu’à vous précipiter avec vos canons à travers les lignes ennemies. « Un camion-citerne pris à l’ennemi permit d’attendre quelque peu.

Le 2 juin, deux officiers italiens s’approchèrent du camp, en auto, faisant flotter le drapeau blanc. Après leur avoir bandé les yeux, on les introduisit dans la place. Ils apportaient une demande de reddition de la part du Maréchal Rommel : « Nous demandons votre capitulation, sinon vous serez tous exterminés » disait le message. Il y fut répondu comme on pense. Une série d’infernales attaques suivirent alors, avec des bombardements ininterrompus, dont les coups se succédaient à une cadence effrayante. On eut dit un ouragan surnaturel.

Quelques jours après, une nouvelle demande de reddition fut accueillie de la même façon. C’est alors que les Allemands remplacèrent les Italiens, mais ils n’eurent pas plus de succès. L’ardeur indomptable des Français, aidés de leurs canons de 75, continua de repousser les assaillants. Enfin par ordre supérieur, ils durent se replier dans une sortie aussi héroïque que le siège.

Ayant une confiance aveugle en leurs chefs, en cet admirable Général Kœnig, chacun s’arma de son fusil, prit une ration de nourriture et d’eau et, les camions chargés, au cœur de la nuit, les soldats, baïonnette au canon, grenades à main passées, prirent la formation de la colonne et foncèrent sur les Allemands qui tiraient sur eux sans arrêt. « Des camarades atteints s’affaissaient, rapporte l’un d’eux, mais tous les blessés qui le purent continuèrent à combattre. Les balles explosives furent employées. Il n’y avait plus que le corps à corps, seule chance de salut. Pendant dix minutes, qui furent des heures, nous courûmes comme des fous, en plongeant presque dans les explosions de nos propres engins, employant nos armes, et mêmes nos poings au bruit lugubre de la sinistre mitrailleuse. »

Enfin, faisant tête aux attaques, se frayant une route sanglante, et refusant de se rendre, ils avaient passé !… Une grande partie de la garnison de Bir Hakeim atteignit ainsi le point du désert où les Alliés les attendaient et le drapeau tricolore, et le fanion à la Croix de Lorraine qu’ils brandissaient, dressèrent sur le ciel du désert leurs couleurs glorieuses.

Et le Général de Gaulle a pu s’écrier : « La nation a tressailli de fierté en apprenant ce qu’ont fait ses soldats de Bir Hakeim. » Et il disait au Général Kœnig : « La France vous regarde, vous êtes son orgueil. » Le Premier Ministre Britannique a tenu à féliciter lui-même le Chef de la France Combattante, dont les volontaires venaient d’étonner le monde, par leur esprit de résistance que rien ne put entamer, ni la marée des tanks, ni l’ouragan des Stukas ; résistance qui fut le prélude des développements ultérieurs en Afrique du Nord et qui réjouit le cœur des Français murés dans leurs frontières et dont l’emprisonnement, la souffrance ou le peloton d’exécution ne peuvent vaincre le courage et la volonté.

Les Forces Françaises Combattantes ont montré qu’elles sont unies par un lien indissoluble : leur attachement à la France et à l’idéal qu’elle incarne. C’est ce patriotisme qui leur a fait d’abord choisir les plus durs sacrifices : quitter femmes, enfants, parents, foyers demeurés sous l’étreinte ennemie, pour combattre au loin, si loin de tout ce qui leur est cher. « Soldats de Bir Hakeim, leur a dit le Général Catroux dans un ordre du jour, par ces actions mémorables vous avez réouvert avec éclat le livre des fiertés nationales, om la France a, de tout .temps, inscrit les titres de gloire de ses soldats. Notre nation ranime sa foi et son espérance à la flamme de votre héroïsme, et l’ennemi mesure l’échec que votre longue et ferme résistance a infligé aux plans orgueilleux qu’il méditait. Honneur à vous qui avez revécu l’esprit de Verdun, et à vos morts tombés pour la rédemption de la Patrie. »

« Dignes successeurs de celui de la bataille de France qui a montré tant de vaillance, démuni de tout, a dit Anthony Eden, le soldat français se montrera toujours l’un des plus valeureux du monde. »

Et aujourd’hui que se précise l’heure d’une prochaine libération pour la France torturée, un cri d’espérance s’élève :

« Terre du dévouement, de l’honneur, de la foi,
« Il ne faut donc jamais désespérer de toi !
« Puisque malgré tes jours de deuil et de misère
« Tu trouves des héros dès qu’il est nécessaire ! »

18 juin 1943.

Le document

Cette 26e émission radiophonique de la Maison de France est diffusée le 18 juin 1943 sur les ondes de Radio-Maurice, pour le premier anniversaire de la bataille de Bir Hakeim. Voir La Maison de France, Île Maurice, 1941-1946, recueil – souvenir, Port-Louis, 1946.