« Un souci, un but : remettre le pays en marche », la naissance du BCRA

« Un souci, un but : remettre le pays en marche », la naissance du BCRA

« Un souci, un but : remettre le pays en marche », la naissance du BCRA

«Il part à l’aventure»

C’est en juillet 1940 que se situe la première mission; le général de Gaulle signe – comme il le fera toujours – tous les ordres de mission… celui donc du lieutenant Mansion qui sera suivi du commandant Maurice Duclos dans la clandestinité Saint-Jacques, de Joël Le Tac, Corvisart, Fourcaud, Rémy, d’Estienne d’Orves et de bien d’autres, acheminés par mer, soit par vedettes rapides ou par bateaux de pêche, ces derniers venus de l’île de Sein… À l’époque il n’est pas question d’opérations de parachutage et les Lysander ne seront opérationnels qu’en 1942. Jacques Mansion part «à l’aventure» et il revient à Londres par ses propres moyens grâce à un pêcheur de Camaret. Les difficultés sont multiples, à commencer par les liaisons, il faut mettre des codes sur pied, s’assurer de… pigeons voyageurs pour transmettre les messages… Petit à petit, les réseaux se créent et André Dewavrin de souligner : «Il était très important que la France fût dans la guerre», non seulement sur le terrain mais aussi dans le renseignement. En 1942-1943 on compte 23 réseaux, ils seront une centaine à la libération qui regroupent, à l’époque, rien qu’en inscrits, donc enrôlés, 80 000 Français et Françaises dûment fichés et considérés comme membres de la France Combattante, plus tous les bénévoles et je ne parle pas de l’action qui était autre chose.» Cela étant, il est impératif d’avoir des agents sûrs, car Vichy «glisse des moutons» parmi eux, d’où dénonciation et nombre de réseaux sont littéralement «décapités».

«Mais ce fut gigantesque, dit Passy, car on savait tout sur les Allemands, les emplacements de leurs batteries, le long des côtes notamment, leurs dépôts de munitions, leurs terrains d’aviation, les noms des officiers commandant les unités, etc.»

Ce qui est également gigantesque c’est la collecte des informations, leur vérification, la mise sur microfilms.

En mars 1942, Rémy, chef du Réseau Confrérie Notre-Dame, revient de mission en France avec 80 kg de courrier et dès lors que les possibilités aériennes sont opérationnelles, cela implique bien sûr, d’une part, la recherche et la signalisation de terrains d’atterrissage, de parachutage, de décollage, d’autre part, le transport du matériel amené d’Angleterre (les postes émetteurs en particulier) enfin la recherche de logements «sûrs» pour les agents arrivant de Londres.

Qui plus est, au fur et à mesure que les préparatifs en vue de libérer les territoires occupés se précisèrent, des groupes de combat, des équipes de transmissions sont constitués, autrement dit des «antennes» et à cela s’ajoute la tâche de coordonner les mouvements.

L’ennemi quant à lui, qu’il s’agisse de la Gestapo ou de l’Ovra, devient au fil des mois, des années, de plus en plus redoutable. Comme cela a été indiqué précédemment, il s’infiltre dans les réseaux, en commençant par la détection des émetteurs clandestins, le repérage des missions aériennes, des parachutages, le pistage des agents de liaison donc, la découverte bien souvent des «boîtes à lettres», des imprimeries clandestines, la filature des responsables chargés des évasions d’agents «brûlés», d’aviateurs alliés, de personnalités.

Un seul et même combat

C’est ainsi que le capitaine de corvette Honoré d’Estienne d’Orves, trahi par son radio, fut arrêté le 21 janvier 1941 et fusillé avec deux de ses agents, le 24 août 1941, au Mont-Valérien.

De quoi s’agit-il, si ce n’est «d’organiser la Résistance en France et dans l’Empire», tâche primordiale que s’est fixé le Comité National Français.

Pour le Général, un seul combat, comme l’écrit Henri Michel dans son Histoire de la France Libre : «Il refuse d’établir une différence entre la lutte que mène, au grand jour, la France Libre, et celle, souterraine, des Français occupés; c’est la même guerre et elle doit se faire sous la même direction.»

Le 14 juillet 1942, la France Libre prend le nom de France Combattante. Six mois avant, le SR était devenu le Bureau central de renseignement et d’action (BCRA).

Les réseaux sont là, «certains, écrit Passy, se divisent alors en éléments purs de renseignements, d’autres en noyaux d’actions».

De quoi s’agit-il, si ce n’est, ni plus ni moins, de monter des opérations contre l’ennemi et ce, dans la double perspective du débarquement et de la libération de la France afin de restaurer « la complète intégrité du territoire ».

Mois après mois, le SR s’étoffant, naît le BCRA, c’est en janvier 1942. Sur le continent, en Afrique, sur terre, sur mer, dans les airs, le vent tourne, l’Axe enregistre de cinglantes défaites…

En France, l’action se renforce : «Alors, écrit le général de Gaulle, s’engagea la lutte, sur ce champ, jusqu’alors inconnu. Mois après mois, plutôt, lune après lune, car c’est de l’astre des nuits que dépendaient beaucoup d’opérations»… «l’action, s’élargissant devait englober les troupes armées du territoire et les mouvements de résistance aux multiples activités».

Des missions sont montées dans des buts précis qu’il s’agisse aussi bien de « détruire une formation de bombardiers allemands stationnés sur l’aérodrome de Meucon, dans le Morbihan, que de procéder au sabotage d’une centrale électrique alimentant la base de sous-marins de Bordeaux, évidemment aux mains de la Kriegsmarine.

Peu à peu, et à dater de 1943, «grâce à l’œuvre féconde du BCRA, de Jean Moulin, délégué personnel du Général, les diverses composantes de la Résistance à l’ennemi finissent par s’unifier, d’où la création du Conseil National de la Résistance et ainsi naît la France Combattante groupant à la fois la France Libre et la France Combattante de l’intérieur, éléments constitutifs d’une seule et même France».

«Œuvre gigantesque» faite de succès mais aussi de tragédies, Moulin, Brossolette, Scamaroni, d’Estienne d’Orves et combien d’autres encore périront… on compte 8230 morts, 2578 internés disparus, 7381 déportés, tous agents appartenant à la centaine de réseaux homologués.

Ils furent, ils sont et seront toujours parmi ceux qui, ainsi que l’avait précisé le général de Gaulle, avaient pour but «de remettre dans la guerre, non seulement les Français, mais la France».

Leur sacrifice ne fut pas vain.

Extrait de la Revue de la France Libre, n° 276, 4e trimestre 1991