Comment sont nés les Comités de la France à l’Étranger

Comment sont nés les Comités de la France à l’Étranger

Comment sont nés les Comités de la France à l’Étranger

Parmi les Français résidant à l’étranger, un sursaut d’espoir avait entraîné les cœurs, lorsque les anciens combattants de 1914-1918 avaient vu revenir, aux postes de commandement, ceux qu’ils avaient suivis pendant la Grande Guerre.
Fort éloignés de la métropole, ils ne pourraient croire au déroulement des événements tel qu’il leur apparaissait au travers des dépêches d’agence ou des communiqués officiels. Ils n’envisageaient qu’une chose : un brusque retour de fortune pour nos armées et c’est pourquoi, d’un peu partout dans le monde, de Mexico, de Rio-de-Janeiro, de Manille, des télégrammes pressants étaient envoyés au Président Lebrun, à M. Paul Reynaud, au Général Noguès, au Maroc, au Général Mittelhauser en Moyen-Orient, voire au Comte de Paris.
Ces messages affirmaient la confiance dans notre armée, et insistaient pour qu’un suprême effort fût entrepris pour poursuivre le combat, et éviter à la France un « armistice honteux ».
C’est dans ce climat que retentit, le 18 juin, la voix du Général de Gaulle qui, dès le lendemain 19, envoya à toutes les communautés françaises de l’étranger, le, télégramme suivant :
« Je vous invite à désigner un représentant qui sera directement en rapport avec moi.
Télégraphiez-moi, nom et qualité de ce représentant. Sympathie. »
Mais, groupés derrière les ambassadeurs et les fonctionnaires en exercice, la plus grande partie de nos compatriotes voulait attendre pour se décider.
Or, généraux et diplomates restèrent sourds aux appels du Général de Gaulle et, modelant leur attitude sur celle des « nantis », les conformistes restèrent fidèles à Vichy, sous le fallacieux prétexte que les hommes en place représentaient l’ordre et qu’ils refusaient l’aventure : en réalité, parce qu’ils pouvaient continuer à vivre loin du désastre, comme si rien n’était arrivé.
Mais il y eut d’autres Français à l’étranger, qui, entendant le Général de Gaulle, reconnurent ce que, pendant des jours d’angoisse, ils avaient attendu avec impatience : la voix de la France. Aussitôt :
« Les « Comités de Gaulle », « Comités des Français Libres », « Association France quand même » naissent spontanément partout sans instructions, sans plans, sans ordres ; ceux qui les créent, généralement des commerçants ou des techniciens, détachés de la politique par leur longue absence, sentent confusément qu’en ces jours où l’État abdique, il appartient aux citoyens de s’unir pour reprendre de ses mains débiles, le destin de la Patrie.
« De Benoist en Égypte, Guéritte et Semet à Londres, Eugène Houdry aux États-Unis, Georges Pinson au Mexique, Piraud au Chili, Prévosteau en Colombie, Albert Guérin en Argentine, Robert Seidner en Amérique Centrale, et combien d’autres dans le monde entier, groupèrent leurs compatriotes, sans attendre de personne, ni directives, ni moyens ».
(J. Soustelle: « Envers et Contre Tout ». Tome l, page 67).
Et en Australie, aux Philippines, en Chine, au Japon, aux Indes, en Afrique, en Angleterre, en Turquie, aux États-Unis, au Canada, dans les pays d’Amérique Centrale, dans ceux de l’Amérique du Sud, partout, prolongeant l’appel et l’action du Général de Gaulle, une opinion publique française se fait entendre.
Elle repousse Vichy, fait connaître son adhésion à la politique du Général de Gaulle qui « invite tous les Français qui veulent rester libres à l’écouter et à le suivre ». (Londres 22/6/40).
Rapidement, se précise le rôle de ces Comités « qui resteront dans l’histoire comme une des plus originales et des plus fécondes créations de l’élan donné par l’appel du 18 juin ».
Du jour au lendemain – sans aucune préparation – des hommes devinrent des propagandistes bénévoles pour sauver l’honneur de la Patrie.
Partout des contacts furent pris avec la presse ; dans chaque pays, des amis fidèles mirent leur plume et leur talent au service de la France captive : des bulletins de propagande furent créés pour être prêts à faire connaître les exploits de nos armées et l’action de la Résistance intérieure dès qu’ils se seront manifestés.
Mais d’autres tâches incombèrent rapidement aux Comités de l’étranger :
a) Le recrutement et l’envoi de volontaires aux armées de la F. L.
b) Le maintien – puis le développement – des positions françaises sur le plan culturel en assurant le bon fonctionnement des écoles de l’Alliance française ou des établissements d’enseignement.
c) La collecte des sommes destinées à alimenter ces diverses activités, le surplus – c’est-à-dire la plus grande partie – étant envoyé à Londres au Général de Gaulle.
Et le 2 mars 1941, dans un télégramme circulaire adressé à la France Libre à l’étranger, Londres pouvait annoncer les résultats déjà obtenus.
« Les manifestations se multiplient, témoignant du puissant mouvement de solidarité et d’unité française qui portent tous les Français résidant à l’ étranger, et encore libres, à se grouper et à rejoindre les Forces Françaises Libres. Pendant le mois de février, les dons en espèce reçus par le Général de Gaulle des divers comités étrangers s’élèvent à plus de deux millions de francs. Il existe quarante-deux Comités France Libre à l’étranger, l’un des plus importants étant celui de Buenos-Aires dont le bulletin tire à cent dix mille exemplaires ».
(Mémoires du Général de Gaulle. Tome I, page 337).
Lettre à Paul Teysseyre du 12 octobre 1942 (RFL).
Lettre à Paul Teysseyre du 12 octobre 1942 (RFL).

Mais tout cela n’allait pas sans provoquer de violentes réactions de la part de Vichy et de ses représentants.

« Au Guatemala, le ministre de Vichy, un certain Bradier, dont la juridiction s’étendait sur tout le centre de l’Amérique, s’était signalé par un zèle si furieux que tout le monde ne l’appelait plus que Von Bradier… Tous les citoyens français de la zone de Von Bradier reçurent de celui-ci une circulaire du 28 mars 1941, par laquelle ce diplomate « avait l’honneur » de porter à leur connaissance les informations officielles suivantes :
« 1°) En vertu d’une loi, mise en vigueur le 28 février 1941, la déchéance de la nationalité française pourra être désormais prononcée contre tout Français habitant l’étranger ou y résidant provisoirement, qui, par ses discours, par ses écrits ou par ses actes, aura trahi les devoirs que lui imposait la qualité de membre de la communauté nationale.

« 2°) D’autre part, tout Français recrutant des effectifs pour le compte d’armées étrangères ou entretenant des intelligences avec des agents étrangers…, tombe sous le coup des articles 75 et suivants du code pénal modifié, etc. »
(J. Soustelle: « Envers et Contre Tout ». Tome I, page 258).
Mais, là comme ailleurs, les menaces furent sans effet, les décrets de déchéance signés par Vichy ne ralentirent pas l’ardeur des membres des Comités de la France Libre, qui se trouvaient, du fait de leur dénationalisation, dépourvus de toute représentation diplomatique.
En attendant que le C.N.F. de Londres ait pu organiser la sienne ils décidèrent d’assumer de nouvelles activités relevant plus du domaine de diplomates de carrière que de volontaires.
Journal officiel de la France Combattante, n° 9, 28 août 1942 (RFL).
Journal officiel de la France Combattante, n° 9, 28 août 1942 (RFL).

Le président du Comité France Libre .a été à l’origine – et est parfois resté – le seul représentant du Général de Gaulle ; il fut souvent appelé à jouer auprès des pouvoirs publics du pays de sa résidence, un rôle autrefois réservé aux diplomates et aux consuls. Cet état de choses a eu quelques inconvénients, mais il a eu l’immense avantage de donner à des notables français, qui jusque-là n’avaient accès qu’à titre privé auprès des hautes administrations étrangères, une occasion d’agir à titre officiel ou semi-officiel au nom de la collectivité des résidents français et pour la préservation des intérêts français.

« Grâce à l’action des Comités de la France Libre, les bases furent posées dans l’esprit de nos amis étrangers, non seulement pour la reconnaissance de la France Libre, puis du gouvernement provisoire d’Alger, mais encore pour la pleine restauration de la France dans son indépendance et dans ses droits ».
(J. Soustelle: « Envers et Contre Tout ». Tome I. page 56).
Petit à petit, les passeports de la F.L étaient reconnus par un nombre grandissant d’États qui entraient en relation avec le C.N.F. de Londres, lequel, organisant sa représentation diplomatique avec des fonctionnaires de carrière, fit paraître les décrets établissant :
1°) Les attributions des Comités et celles des représentants diplomatiques. (Décret n° 219).
2°) La liste des Comités de la F.L. à l’étranger. (Décret n° 349).
Ces décrets parurent au J.O. de la France Libre, les 12 mai et 28 août 1942.
Journal officiel de la France Combatttante, n° 9, 28 août 1942 (RFL).
Journal officiel de la France Combatttante, n° 9, 28 août 1942 (RFL).

Il convient de souligner que dans l’énumération des Comités ne figurent pas ceux d’Extrême-Orient qui, créés en 1940, avaient disparu au moment de l’établissement du décret, en 1942, du fait de l’avance Japonaise.

Ces Comités ont cependant existé, ils ont accompli leur mission jusqu’au jour où leurs membres ont été arrêtés, jetés en prison et torturés par l’ennemi, comme en font état les récits reproduits plus loin.
Dans les limites de leurs attributions, telles qu’elles avaient été définies par le décret n° 219, les Comités de la France à l’Étranger poursuivirent leur action jusqu’à la réorganisation complète des services diplomatiques et d’information, après la libération de la France et la cessation des hostilités.
Puis, leur raison d’être ayant disparu, ils envoyèrent aux œuvres d’assistance le reliquat disponible de leur encaisse et prononcèrent eux-mêmes leur dissolution, gardant la fierté d’avoir été, pendant les années d’épreuves, « le foyer, la flamme, la ferveur de l’opinion française proprement dite, et aussi des amitiés françaises dans le monde ».

J.H.
Extrait de la Revue de la France Libre, n° 126, juin 1960.