Des volontaires françaises

Des volontaires françaises

Des volontaires françaises

Les femmes aussi étaient là. Cette table réunit des volontaires venues des quatre coins du monde (RFL).
Les femmes aussi étaient là. Cette table réunit des volontaires venues des quatre coins du monde (RFL).

Au moment où la majorité des volontaires féminines de la France Libre viennent de quitter l’uniforme – que certaines portaient depuis près de six ans – pour reprendre dans la vie civile d’autres activités, il nous a paru opportun de rendre à celles qui ont servi, l’hommage qui est dû à leur activité et à leur dévouement, très souvent méconnus.

C’est le 7 novembre 1940 que fut créé le premier noyau de volontaires sous le titre de « Corps auxiliaire féminin ». Ce petit groupe de la « première heure » comptait une centaine de femmes qui, employées dans différents Q.G., remplaçaient des hommes devenus ainsi disponibles pour des unités combattantes. À leur tête, trois femmes d’un rare mérite, le lieutenant Simone Mathieu et les sous-lieutenants Burdet et Hackin, reçurent la charge d’organiser cette jeune formation.

L'infirmerie (RFL).
L’infirmerie (RFL).

Quelques mois plus tard, le Corps auxiliaire féminin avait doublé son effectif. Déjà, son activité se manifeste, en même temps hélas ! qu’il enregistre ses premiers deuils, le lieutenant Hackin, chargée de mission, qui saute sur un transport dans l’Atlantique, la volontaire Malleroche, tuée en service commandé au cours d’un bombardement.

C’est à la fin de 1941, que le commandant Terré, alors capitaine, remplace le lieutenant Mathieu, à la tête des volontaires françaises.

Désormais, le Corps féminin est doté d’un statut et de règlements militaires : c’est une petite armée, encore bien modeste, mais qui va faire du bon ouvrage.

Les cartes d'état-major n'ont plus de secret pour elles. Cette jeune volontaire a trouvé l'emploi de ses qualités de précision (RFL).
Les cartes d’état-major n’ont plus de secret pour elles. Cette jeune volontaire a trouvé l’emploi de ses qualités de précision (RFL).

Déjà se forge un esprit de corps chez ces jeunes volontaires qui proviennent pourtant des milieux les plus divers : on trouve parmi elles des institutrices, des étudiantes, des employées, des femmes de chambre, et même des collégiennes dont les hostilités ont empêché le retour dans leur famille. Peu à peu, chez toutes, se manifestent le même désir de servir, la foi dans la victoire, l’esprit de sacrifice qui sont les traits dominants des troupes de la France Libre.

Et pourtant l’éducation est souvent rude et, les dangers n’en sont point absents. Écoutons plutôt ce qu’écrivait une jeune volontaire, quelques mois après son arrivée.

“Nous sommes maintenant environ 220 volontaires. Parmi nous il y a des secrétaires, des infirmières, des cuisinières, des conductrices, des téléphonistes, des photographes, etc. Nous menons une vie très active. Réveil à 7 heures, déjeuner à 7 h 40, exercice, départ pour le bureau, travail de 9 heures à 6 heures avec 1 h 30 pour le déjeuner, dîner à 7 h 30. Temps libre ou sortie, couvre-feu à 10 h 30. Lors du bombardement de 1941, notre caserne a été démolie par une bombe qui a explosé à notre porte, blessant trois volontaires et tuant une délicieuse enfant de 20 ans, descendue à la cuisine chauffer du café pour les guetteuses de toit. Parmi nos volontaires nous commençons à compter des évadées de France dont certaines ont dû accomplir de véritables tours de force pour rejoindre Londres. Exemple Camille qui se sauva en bicyclette par une porte, tandis que les Allemands entraient par une autre, et put gagner un port où elle s’embarqua grâce à la complicité d’un marin. Il y a Jeanne qui traversa une partie de la France à pied plutôt que de servir l’ennemi. Yvonne qui se sauva de Brest avec son mari, et Lucie qui se sont embarquées sur de petits bateaux surchargés, au hasard de la providence, et tant d’autres.”

Le général de Gaulle passe en revue cette unité de volontaires, dont la tenue ne le cède en rien à celle de leurs collègues hommes (RFL).
Le général de Gaulle passe en revue cette unité de volontaires, dont la tenue ne le cède en rien à celle de leurs collègues hommes (RFL).

Et même d’outre-mer les jeunes filles de la plus grande France commencent à rallier Londres pour s’engager au service du pays : deux arrivent d’Haïti, deux autres de la Nouvelle-Calédonie. Sans cesse, les rangs grossissent. Toutes, animées par le même idéal, se plient aux exigences d’une vie à quoi bien souvent rien ne les avait préparées.

Après un sévère examen d’aptitude physique les volontaires sont incorporées ; elles se sont engagées à suivre les armées de la France Combattante, sur tous les fronts où le commandement décidera de les envoyer. Leur vie militaire commence par un stage de quatre semaines dans un camp d’entraînement de l’armée féminine britannique. Dès la sortie du camp, elles sont dirigées sur une école où elles apprennent des spécialités qui leur permettront de remplacer les hommes dans les postes qui ne sont pas des postes de combat. Elles s’initient avec une aisance et une rapidité merveilleuse aux secrets des techniques les plus modernes, mécanique, électricité, T.S.F., cartographie, etc. Chaque jour le travail des volontaires s’affirme plus utile. Les états-majors le reconnaissent en faisant toujours plus appel à elles.

Enfin en pays ami. Après des péripéties pleines de danger, les évadés de France recevaient des volontaires françaises un accueil chaleureux (RFL).
Enfin en pays ami. Après des péripéties pleines de danger, les évadés de France recevaient des volontaires françaises un accueil chaleureux (RFL).

Nos jeunes volontaires, hier encore ignorantes et désarmées sont devenues des rouages indispensables de l’immense machine alliée. Elles sont devenues si indispensables, qu’il est souvent impossible de les remplacer : on cite le cas où la maladie d’une cartographe retarda d’un mois un parachutage en France.

Mais le temps passe, les mois s’ajoutent aux mois et nos jeunes volontaires sont devenues des vétérans. Elles sont maintenant 500 et au lendemain du tournant décisif de la guerre, le 12 novembre 1942, leurs efforts reçoivent une consécration : au cours d’une prise d’armes où plusieurs volontaires sont décorées, la formation reçoit un fanion des mains du général de Gaulle.

Quelques semaines plus tard, un premier détachement part pour Alger et bientôt se réalise la fusion des volontaires de Londres avec les formations féminines d’Afrique du Nord.

Désormais, il n’y a plus qu’un seul combat ; la grande armée nationale est en marche pour libérer le sol de la patrie. On voit partout les femmes de France. En novembre 1943 elles débarquent en Italie où à côté des hommes et dans les mêmes conditions précaires, elles feront toute la campagne, payant de leur souffrance et de leur sang le lourd tribut de la victoire.

La coquetterie ne perd pas ses droits à la caserne. N'est-ce pas permis aux heures de détente? (RFL)
La coquetterie ne perd pas ses droits à la caserne. N’est-ce pas permis aux heures de détente ? (RFL)

On les voit aussi dans les rangs des premières troupes libératrices du sol français en 1944. C’est une volontaire française qui sera la première femme parachutée comme agent de liaison. Et avec les troupes du général Leclerc, elles entreront dans Paris délivré. Elles prennent alors plus largement contact avec les admirables femmes des maquis qui ont mené pendant des années l’obscur et dangereux combat contre l’occupant et en qui elles retrouvent avec fierté et émotion l’âme éternelle de la France.

Depuis – et ce ne fut pas leur moindre mérite – à toutes les tâches obscures et fastidieuses de réorganisation administrative on les a vues, attelées, ces femmes sur qui avait soufflé le vent de la magnifique aventure. Malgré l’incompréhension, l’injustice ou l’ingratitude, elles ont tenu à parfaire leur tâche. Elles s’en vont maintenant discrètement, sans amertume, toujours prêtes à servir dans la paix pour la renaissance et la grandeur de notre pays.

Ne les laissons pas partir sans leur apporter ici l’hommage de la sympathie et de la reconnaissance de leurs compagnons d’armes.

Extrait de la Revue de la France Libre, n° 2b, août 1946.