Yves Guéna (1922-2016)

Yves Guéna (1922-2016)

Yves Guéna (1922-2016)

Yves Guéna nous a quittés dans la nuit du 2 au 3 mars 2016, à l’âge de 93 ans. C’est un grand résistant et un grand gaulliste qui s’en est allé. La Fondation de la France Libre est orpheline.

Né le 6 juillet 1922 à Saint-Pierre-Quilbignon, commune rattachée à Brest en 1945, Yves Guéna grandit dans une famille patriote. Son père sert dans la marine durant la Grande Guerre. Lors du déclenchement de la guerre, il étudie au lycée de Brest et se destine à entrer à l’École normale supérieure.

Se trouvant dans une maison à la campagne, à 15 km de Brest, le soir du 18 juin 1940, il apprend que les Allemands approchent et que le général de Gaulle a lancé depuis Londres un appel à poursuivre le combat. Le lendemain, il part à pied pour Le Conquet, avec les encouragements de sa mère, qui lui a dit : « Pars, pars, tu ne vas pas rester avec les Boches », et embarque sur un remorqueur en partance pour Ouessant, puis de là, dans la nuit du 19 au 20 juin, sur un chalutier belge qui le conduit avec d’autres à Plymouth.

Emmené à Annerley School, près de Londres, il choisit de s’engager dans les Forces françaises libres ; on le dirige vers l’Olympia Hall, où sont regroupés les volontaires et où il retrouve un camarade, le futur amiral Chaline.

Le 6 juillet, jour de son dix-huitième anniversaire, le général de Gaulle vient les passer en revue. Tous se mettent au garde-à-vous, alignés, encadrés par des officiers sans troupes. Dans son allocution, de Gaulle ne les remercie pas – ils n’ont fait que leur devoir – mais leur promet : « Vous voyagerez beaucoup, car il faut que dans les batailles, le drapeau de la France soit au premier rang. »

Puis on les conduit en train en direction jusqu’au camp de Camberley, où ils sont encasernés. Le 14 juillet, pour la fête nationale, une grande manifestation est organisée à Londres. Avec les autres volontaires, Yves Guéna défile, en civil, alors qu’il ne sait pas encore marcher au pas.

Après une longue période de formation dans la compagnie de chasseurs de Camberley du commandant Hucher, il est envoyé, fin 1941, en Afrique, où il sert dans les troupes du Moyen-Congo, avant d’être affecté en janvier 1942 au 1er RMSM du colonel Rémy, avec lequel il participe aux campagnes d’Égypte et de Libye, de mai à décembre 1942, puis de Tunisie, de mars à mai 1943.

Avec son unité, il rejoint la Force L du général Leclerc, devenue 2e division française libre puis 2e division blindée, et suit les cours d’élèves aspirants à Témara (Maroc).

Le 1er août 1944, lieutenant au 4e escadron du RMSM, il débarque à Utah Beach avec la 2e DB et prend part à la bataille de Normandie, avant d’être grièvement blessé lors de la prise d’Alençon.

Après les combats d’Alsace et d’Allemagne, il quitte l’armée et épouse, le 23 juillet 1945, Oriane de La Bourdonnaye-Blossac, avec laquelle il aura sept enfants. Grâce à Michel Debré, qu’il a rencontré dans sa future belle-famille, il s’inscrit à l’École nationale d’administration, créée par l’ordonnance du 9 mai 1945, où ses résultats sont, de son propre aveu, assez médiocres, mais il bénéficie d’une note de civisme avec un fort coefficient, grâce à son engagement dans les Forces françaises libres. Cette première promotion a pour nom « France Combattante ».

Contrôleur civil au Maroc en 1947, puis maître des requêtes au Conseil d’État en 1957, il est nommé en 1958-1959 conseiller technique puis directeur de cabinet de Michel Debré au ministère de la Justice. À ce poste, il fait partie du groupe informel qui, du 4 juin au 14 juillet 1958, travaille à l’élaboration de la constitution. Ce projet est remis le 15 juillet au comité consultatif constitutionnel chargé d’établir la constitution.

En 1959, il suit Michel Debré à Matignon en qualité de directeur adjoint de cabinet, avant d’être nommé en juillet haut-commissaire puis, le 8 août 1960, envoyé exceptionnel plénipotentiaire en Côte d’Ivoire. En 1972, il devient conseiller d’État, avant d’être admis à l’honorariat en 1974.

Député (1962-1981 et 1986-1988) puis sénateur de la Dordogne (1989-1997), conseiller général (1970-1989), maire de Périgueux (1971-1997), il devient ministre des Postes et Télécommunications (1967-1968 et 1968-1969), de l’Information (mai-juin 1968), des Transports (1973-1974), de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat (mars 1974), vice-président du Sénat (1992-1997).

Nommé au Conseil constitutionnel en 1997, il en assure la présidence par intérim en mars 1999, puis de 2000 à 2004. Il occupe par ailleurs les fonctions de président de l’Institut du monde arabe (2204-2007), de l’Institut (2000-2006) et de la Fondation Charles de Gaulle (2001-2006). Vice-président de la Fondation de la France Libre, il en prend la présidence en 2007, suite au décès de Pierre Messmer ; legénéral Robert Bresse lui succède en 2011.

Auteur de nombreux ouvrages, il avait fait paraître un De Gaulle (Gründ) en 2007 et des Mémoires d’Outre-Gaulle (Flammarion) en 2010.

Il était grand officier de la Légion d’honneur, croix de guerre 1939-1945 et médaille de la Résistance.

Les honneurs militaires lui seront rendus à Paris, aux Invalides, le 8 mars à 9h30. Ses obsèques sont prévues à Chantérac, en Dordogne, avec une messe à 14h30.