Arnaud Langer

Arnaud Langer

Arnaud Langer

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Arnaud Langer (RFL).

Nous ne le reverrons plus… nous ne l’entendrons plus, comme encore au dernier repas des anciens du « Lorraine », déchaîner la joie chez les jeunes, et les vieux…

Jusqu’à sa fin tragique, quand son avion pris dans l’orage s’est écrasé, il est demeuré le même Arnaud Langer. Je l’avais connu, bien avant-guerre, à l’escadrille « Bourgeade », chez les scouts de l’Air. «Toujours prêt » était sa devise : il fallait le voir courir sur le terrain de Saint-Cyr ou de Beynes, dépanner le planeur atterri « aux vaches » ou donner un coup de main pour treuiller les 11A et 15A. Pour voler davantage, il s’engagea dans l’armée de l’Air et, au bout de quelques mois, il entrait en école de pilotage. Puis, ce fut la guerre et l’armistice. Arnaud Langer ne voulut pas accepter la défaite, sans même avoir combattu et il réussit à rejoindre les Free French à peine naissants ! Il y retrouvait son frère aîné, Marcel Langer, lui aussi pilote. Et depuis, on les a connus dans l’aviation sous les noms de Langer père et Langer fils.
Langer fils, sous les ordres du commandant Corniglion-Molinier, prit part à la campagne de Libye. Avec son Blenheim, il attaqua à la bombe les positions de Bardia, les blindés de Rommel, la passe d’Halfaya. Là, se place son premier incident aérien. Entre deux raids, il était allé chercher à l’hôpital d’Alexandrie un mitrailleur blessé au cours d’une opération. Sur le chemin du retour, Langer aperçut tout à coup un campement de Français libres. Il ne put résister à l’envie de saluer de près ses compatriotes. Il piqua, fit un rase-mottes avec son petit taxi de liaison, le Bloch 81… Patatras… soufflée par le vent de l’hélice, la tente portant le fanion tricolore s’effondra. Dix secondes après l’avion, accrochant un camion, s’écrasait dans un nuage de sable. La tente écroulée était le P.C. du général !… L’aventure se termina heureusement au bar, avec de la bière en boîte…
Quand, au début de 1942, le groupe « Lorraine » partit en repos au Moyen-Orient, Arnaud Langer resta à Saint-Jean-d’Acre, avec l’escadrille « Nancy », alors commandée par le capitaine Charbonneaux. Les missions de l’escadrille : surveillance de la mer, protection des convois. Au retour de sa première mission, Langer revint triomphant.
– En plein dans le mille, je l’ai eu.
– Qu’est-ce que tu as eu ? lui demanda son frère Marcel, lui aussi attaché à la même base.
– Le sous-marin, pardi !
– Quoi ! à ta première sortie en mer ?
D’autres ont plus de cent heures de patrouille en Méditerrannée et n’ont jamais rien vu.
Les frères se chamaillèrent… mais tout rentra dans l’ordre quand un message arriva, annonçant que des taches d’huile avaient été repérées juste à l’endroit où Langer fils avait largué ses bombes.
Avec les mois s’écoulant, les heures de guerre s’allongeaient sur son carnet de vol, jusqu’au jour où l’ordre de rapatriement du « Lorraine » en Grande-Bretagne arriva. Le « Lorraine » allait renaître, équipé de bombardiers Boston. Les missions auraient lieu au-dessus du continent occupé. Climat et conditions différaient nettement de celles d’Afrique. Les équipages durent se reformer et se réentraîner. Les premières sorties du « Lorraine » reformé eurent lieu en 1943. À cette époque, Langer se trouvait à Bicester, une dizaine de kilomètres d’Oxford. Il était en train de terminer son « operational training ». Son nouvel équipage : navigateur, Pierre Mendès-France dont le calme et la pondération contrastaient violemment avec l’exubérance d’Arnaud ; radio : Bauden, vétéran de la guerre d’Abyssinie et de Libye ; mitrailleur : Krasker, échappé d’Afrique du Nord. En août, l’équipage fut intégré au « Lorraine ». À son premier vol, Langer revint seul au mess.
– Pas de lunch pour le capitaine Mendès-France… je lui ai fait bouffer du pigeon !
– Raconte ça.
– J’volais peut-être un peu trop au ras des marguerites. Un pigeon a percuté dans son cockpit… à l’heure qu’il est, il est encore en train de se dépatouiller avec les plumes de l’oiseau !
Le 16 août 1943, il attaquait, avec son équipage, Denain. Puis, Guerledan, Abbeville, Serqueux, Rosendaal, Wauchy-Breton.
Le 3 octobre 1943, avec Pierre Mendès-France, il conduit la deuxième patrouille du « Lorraine » qui bombarde en rase-mottes Chevilly-Larue, dans la banlieue parisienne. La première patrouille était menée par le colonel de Rancourt.
Le 10 novembre 1943, il emmène Pierre Mendès-France dans sa dernière mission au « Lorraine », celle qu’il voulut exécuter à tout prix, bien que venant d’être nommé commissaire aux finances à Alger.
Privé de son navigateur, l’équipage fut néanmoins reconstitué et Langer volait encore au « Lorraine », lors du débarquement en Normandie.
Revenu en France, il fut affecté dans un groupe de Dakota et, peu après, il se faisait démobiliser. Il terminait la guerre compagnon de la Libération.
Peu après, il entrait comme pilote de ligne à l’U.A.T. et se spécialisait dans les courriers d’A.O.F. et d’A.E.F. Il devait se tuer, aux commandes de son avion, dans le Tchad, là où son groupe, le « Lorraine », avait pris naissance. Le 23 juin, à Saint-Augustin, ses camarades lui rendaient un dernier hommage, ceux de Libye et de Grande-Bretagne : Mendès-France, Garot, Masquelier, Brecault, etc.
Extrait de la Revue de la France Libre, n° 81, septembre-octobre 1955.