Le ralliement du sous-marin Narval

Le ralliement du sous-marin Narval

Le ralliement du sous-marin Narval

Lundi 24 juin 1940. – La nuit tombe sur la Tunisie, le port de Sousse disparaît dans l’obscurité. Le phare et les balises de la jetée sont éteints, la ville est paralysée dans l’attente des décisions que doit prendre le gouvernement quant à l’attitude de ce pays à la suite de l’armistice de Pétain. Le général Noguès, commandant en chef en Afrique du Nord, a fait d’abord savoir qu’il voulait résister et continuer la lutte ; puis il s’est repris et a changé d’avis.

La Tunisie, qui se sent convoitée par l’Italie, s’endort ce soir-là dans l’inquiétude.

Un marin ardent, qui ne comprend pas les hésitations de ses supérieurs après l’appel lancé de Londres, six jours plus tôt, vient d’arrêter, voici quelques heures, sa décision irrévocable. Son sous-marin étant prêt à appareiller depuis plusieurs jours déjà, le capitaine de corvette François Drogou donne l’ordre de larguer les amarres et son navire de 900 tonnes quitte les côtes tunisiennes à la vitesse de 16 nœuds.

La fine silhouette sombre fend les eaux phosphorescentes de la baie peu profonde. Elle emporte dans ses flancs la quasi-totalité de l’équipage, le plein de mazout, la dotation complète de ses torpilles et l’entière conviction que son étrave fait bonne route dans la direction de l’honneur.

Avant de plonger pour rallier Malte, le sous-marin Narval lance en clair de toute la puissance de son poste de radio le message suivant :
« Trahison sur toute la ligne, je rallie un port allié. »

Le 26 juin, le soleil déjà haut éclairait vigoureusement les bastions, les murailles, les tours et les remparts de La Valette, lorsque le bâtiment se présenta devant le port de l’île de Malte. Le commandant Drogou se mit immédiatement à la disposition de la France Libre avec son bâtiment, et fut placé sous les ordres de l’amiral britannique commandant le secteur.

Le Narval ne reprit ses patrouilles en Méditerranée que le 25 septembre ; il continuait la guerre pour l’honneur de la France. Mais, pour l’honneur de la France, pour sa fidélité à la parole donnée, il a péri le 16 décembre 1940, pavillon haut, avec son commandant et tout son équipage à l’exception d’un quartier-maître, resté à l’hôpital de La Valette et décédé depuis.

Voici la courte histoire de l’une des unités F.N.F.L. ralliées en juin 1940 à la France Libre et qui fut la première à disparaître pour la Libération de la France.

Extrait de la Revue de la France Libre, n° 156 bis, juin 1965