Bernard Canut

Bernard Canut

Bernard Canut (Coll. Pierre St Pé).

Bernard CANUT
né le 20 août 1917 à Estang (Gers)

Engagé dans les Forces Aériennes Françaises Libres
Matricule FAFL 31.535
“Disparu en mer” le 6 juin 1944 au large des côtes du Cotentin

Navigateur au Groupe de bombardement “Lorraine” (342 Squadron)
“Mort pour la France” à l’âge de 26 ans

LE CONTEXTE AVANT SA DISPARITION

Bernard CANUT est instituteur en 1939 lorsque la France entre en guerre. Mobilisé, il est sélectionné pour intégrer le Peloton de l’Ecole des Officiers de Réserve. Volontaire pour l’Armée de l’Air, il est dirigé vers la base aérienne de Bordeaux-Mérignac où il obtient le brevet d’observateur en avion en mai 1940.

A l’annonce de la signature de l’Armistice le 22 juin 1940 signifiant l’arrêt des combats, l’Aspirant Bernard CANUT est terriblement déçu de ne pas avoir pu combattre. Démobilisé, de retour à la vie civile, il reprend un poste d’instituteur dans une école publique du Lot et Garonne avec la vive intention de trouver un moyen de répondre à l’Appel du Général de GAULLE en rejoignant l’Angleterre.

En 1941, à sa demande pour un poste outre-mer aux Antilles, Bernard est envoyé malheureusement sur l’île de Madagascar restée sous l’autorité du Gouvernement de Vichy. Instituteur dans une école à Tananarive, il devra attendre le débarquement des troupes britanniques en 1942 pour s’engager dans les FAFL (Forces Aériennes Françaises Libres).

A son arrivée en Angleterre en avril 1943, l’aspirant Bernard CANUT est envoyé suivre la formation de “navigateur” dans les écoles de la RAF (Royal Air Force). A sa sortie il est dirigé vers une unité d’entrainement opérationnel, le 13 OTU (Operational Training Unit), qui a pour but de constituer des équipages destinés à voler à bord de bombardiers.

Sur la photo de gauche à droite : Julien LADAGNOUS mitrailleur, Roger BOISSIEUX pilote, Jean-François HENSON mitrailleur, Bernard CANUT navigateur (Coll. P. St Pé).

En février 1944, le sous-lieutenant CANUT est affecté au 342 Free French Squadron “Lorraine” dénommé communément par “Groupe de bombardement Lorraine”. Ce Squadron est équipé de 24 bombardiers moyens “Boston III”. L’équipage de ces bombardiers est composé de quatre aviateurs : un pilote, un navigateur, un radio-mitrailleur supérieur, un mitrailleur inférieur.

En mai 1944, le 342 Squadron “Lorraine” est installé dans le sud de l’Angleterre sur la Station RAF de Hartford-Bridge, à mi-chemin entre Londres et le port de Portsmouth.

On parle de plus en plus d’un imminent débarquement en France. Dans le cadre des préparatifs à une opération de très grande envergure, de nouveaux exercices d’entrainement sont demandés aux équipages du “Lorraine” qui consistent à effectuer des vols à très basse altitude. Les bombes sont remplacées par des pots de fumigène. Le but étant le dépôt d’un écran de fumée le long d’une ancienne voie romaine qui court en bordure d’un long rideau d’arbres dans la plaine de Salisbury. Ce type d’exercice va se répéter durant plusieurs semaines.

Dimanche 4 Juin 1944 – Le ciel est gris et couvert. ALERTE en début d’après-midi, le Group-Captain MAC-DONALD commandant la base aérienne annonce : “Messieurs, à partir de cette minute, notre base est en état d’alerte. Il est donc absolument interdit de quitter le terrain, défense de téléphoner et le courrier sera censuré sur place. Quant aux équipages, je dois pouvoir mettre la main sur eux à tout instant du jour et de la nuit”.

Devant un Boston III (Coll. P. St Pé).

C’est maintenant une certitude, “le débarquement” est pour bientôt. En milieu d’après-midi, l’ordre est donné aux mécaniciens de peindre trois bandes blanches sur les ailes et sous le fuselage des avions. C’est le moyen retenu pour que les avions amis ne soient pas confondus avec les avions ennemis.

Lundi 5 juin – Après une longue journée d’attente il est 20h00 lorsque le colonel GORRY (de son vrai nom FOURQUET), Squadron-Leader commandant le “Groupe Lorraine”, réuni ses deux commandants d’escadrilles, le capitaine GAROT pour l’escadrille “Nancy” et le lieutenant ALLEGRET pour l’escadrille “Metz”. Ils sont appelés pour constituer les équipages et l’ordre de bataille du lendemain, le “D-Day” est annoncé. Le Briefing pour tous les équipages est annoncé pour 2h00 du matin dans la salle des opérations. Les 12 avions du « Lorraine » seront accompagnés de 12 avions du “88 Squadron”, chacun aura un secteur attribué. Il est décidé que le lieutenant ALLEGRET doit sélectionner 12 équipages pour effectuer la 1ère mission, en réserve il est prévu une seconde équipe sous le commandement du capitaine GAROT.

Bernard CANUT est désigné pour participer à cette mission.

Il ne le sait pas… ce sera la dernière.

SA DERNIERE MISSION

Mardi 6 juin 1944 – C’est le jour J, le jour du débarquement en Normandie.

Coll. Y.Morieult.

Il est 2H00 du matin lorsque Bernard se présente à la salle des opérations pour le briefing. Une grande carte est affichée pour sur laquelle un fil rouge indique la trajectoire de la mission du Groupe “Lorraine” depuis Hartford-bridge jusqu’à Barfleur à la pointe Est de la presqu’île du Cotentin, puis s’infléchit jusqu’aux îles Saint-Marcouf au large de l’estuaire de la Vire.

L’opération OVERLORD a débuté. La mission du Groupe “Lorraine” consiste à déposer un écran de fumé au-dessus des plages normandes à l’Est de la presqu’île du Cotentin pour couvrir le débarquement des américains qui aura lieu juste après. Ce secteur est nommé “Utah Beach”. Le nom de code de cette mission : Opération “Smoke Screen” (écran de fumée).

Le sous-lieutenant navigateur Bernard CANUT fait partie du 3ème équipage, avec lui le sergent pilote Roger BOISSIEUX et le sergent radio-mitrailleur Jean-François HENSON. Ils prendront place à bord du bombardier “Boston (BZ 213) OA-J”.

La veille, les armuriers ont reçus l’ordre d’enlever les bombes des avions et de les remplacer par des pots fumigènes.

Il est 3H30 lorsque le lieutenant-colonel FOURQUET, commandant le “Lorraine”, rassemble autour de lui ses équipages pour apporter les précisions suivantes : “le vol sera effectué au raz de l’eau à 15 mètres d’altitude au moment du largage de l’écran de fumée, il n’y aura que 3 membres d’équipage par avion car le mitrailleur ventral ne peut être utile lors d’un vol au ras de l’eau et risque d’être incommodé par les vapeurs de fumées, vous savez que la fumée que vous allez étendre est toxique, aussi quand vous l’étalerez, ouvrez au maximum vos bouteilles d’oxygène, en vous assurant que vos masques collent bien au visage, la mer sera couverte d’embarcations de toutes sortes. Les opérateurs radio feront bien d’emporter avec eux un bon stock de fusées éclairantes afin de se faire identifier par les bateaux survolés dans l’espoir de ne pas être pris pour cible. Pour rappel chaque patrouille sera espacée de 10min, arrivé sur l’objectif le leader dépose en premier son écran de fumée, temps estimé 3 minutes, puis se sera au tour de son équipier, une fois terminé virage à gauche, prise d’altitude et retour à la base” “Messieurs réglez vos montres, 1er décollage à 5H00″.

Il est 5H00 lorsque le premier des 12 Boston décolle d’Hartford-Bridge, suivi 30 secondes plus tard par son ailier, prise d’altitude 150 m.

Puis de 10 minutes en 10 minutes les autres patrouilles s’envolent. Elles suivent toutes la même route quittant les côtes anglaises en survolant Hengisbury à l’ouest de l’île de Wight.

Au-dessus de la Manche les équipages aperçoivent un premier convoi de gros cargos, puis un deuxième à mi-chemin qui comprend des centaines de péniches de débarquement, promenant au bout de longs câbles des ballons de protection antiaérienne.

Boston du Groupe Lorraine (coll. C. Boissieux-Thorp).

A perte de vue, c’est une forêt de cheminées, de mâts de navire qu’il faut éviter, en décrivant de larges virages et surtout lancer des fusées de reconnaissance pour ne pas être confondus avec un avion ennemi car on imagine bien que les marins alliés ce jour-là caressent d’un doigt fiévreux la détente de leurs canons antiaériens.

La côte française est aperçue et abordée par le cap de Barfleur au Nord-est du Cotentin. Les paires de Boston se faufilent le long de la côte entre les gros bâtiments de guerre tirant des salves de tous leurs canons contre les batteries côtières qui se défendent encore malgré le pilonnage intensif que leur font subir simultanément les vagues de bombardiers. Le ciel est zébré d’éclairs.

Les Boston du Groupe “Lorraine”, se glissent au ras des flots pour échapper à ces tirs, vitesse 400km/h, altitude 15m. L’horizon est illuminé par les lueurs des batteries allemandes qui tirent à toute volée.

Il est 6H10 – Il fait à peine jour au moment où le premier bombardier arrive sur l’objectif. Le navigateur appuie sur le bouton du lance-bombes et une épaisse fumée blanchâtre s’étire dernière le Boston.

Trois minutes plus tard c’est au tour du suivant de déclencher le largage de sa fumée. Les avions se succèdent et un écran de fumée long de plusieurs kilomètres se met en place comme prévu au ras des flots et masque aux Allemands la flotte américaine.

Il est 7H40 lorsque les premiers Boston sont de retour à Hartford-Bridge. Pour les accueillir tous les équipages n’ayant pas eu la chance de participer à cette mission historique et aussi tous les hommes à terre, mécaniciens, armuriers, photographes, sont là. Ils entourent aussitôt les arrivants pour connaitre ce qu’ils ont pu voir du débarquement.

Il est 8H00 lorsque le dernier bombardier se pose. On constate qu’il manque le “Boston (BZ 213) OA-J”. Le soir même, son équipage sera officiellement “porté disparu”.

On rapporte que des membres de l’équipage d’un destroyer de l’US-Navy ont aperçu au matin du 6 juin, aux environs de 6h10, un Boston tombant en flammes, percutant la surface de l’eau et disparaitre à 5 kilomètres au nord des ’îles Saint-Marcouf et 28 kilomètres au Sud-sud-est de Barfleur, l’avion ayant été très probablement touché par des tirs de l’artillerie alliée.

Bernard CANUT 26 ans, Roger BOISSIEUX 22 ans, Jean-François HENSON 20 ans seront officiellement déclarés “disparus en mer”, en date du 6/6/44.

Six mois plus tard un corps rejeté par la mer sur le rivage normand est récupéré par les autorités américaines. Identifié, il s’agit de celui du sergent Jean-François HENSON. Son corps sera inhumé dans son village natal de Duisans dans le Pas-de-Calais.

Les corps de Roger BOISSIEUX et Bernard CANUT n’ont jamais pu être retrouvés.

Estimation du lieu de la disparition au large du Cotentin à 3 miles au nord des îles Saint-Marcouf et 15 miles Sud-sud-est de Barfleur. Cordonnées : 49°40 N – 01°12 W.

Pour en savoir davantage sur le parcours de Bernard Canut, vous pouvez télécharger sa notice biographique complète au format PDF.

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