Marius Duport
Marius Duport naît le 7 avril 1919 à Salon-de-Provence dans une famille gardoise. Il est le dernier de trois fils d’Hippolyte Duport, né à Saint-André-d’Olérargues en 1875, et de Thérèse Rebuffat, née à Blauzac en 1889, couple de commerçants qui gèrent une brasserie salle de jeux dans la ville. En 1922, la famille s’installe à Nyons, dans la Drôme, où elle a acquis le café de la Bourse. En avril 1929, les Duport cèdent leur brasserie de Nyons et s’installent à Blauzac, où Marius termine son année scolaire. À la rentrée d’octobre, ses parents tiennent un bar dans la rue d’Uzès, à Nîmes, puis, au printemps 1930, un bureau de tabac sur le boulevard Amiral Courbet.
En juin 1931, Marius Duport fait sa première communion en l’église Saint-Baudile, puis passe, début juillet, le certificat d’études, qu’il réussit brillamment. Premier du canton, il remporte un voyage aux Pyrénées. À la rentrée suivante, il entre au cours supérieur, à l’école de la Grand Rue, où il est souvent classé premier de la classe.
Le 10 juin 1933, son frère aîné André meurt à l’âge de dix-neuf ans. Puis, le 8 novembre 1935, son père Hippolyte, décède à Blauzac des suites d’une intervention chirurgicale. La veuve abandonne alors son commerce et se retire dans son village, tandis ses deux fils poursuivent leurs études comme internes au lycée d’Uzès. Toutefois, comme son moral se ressent de sa solitude et de son manque d’activités, des parents l’orientent auprès de l’abbé Louis Duplan, curé de la paroisse Saint-Vincent-de-Paul, à Nîmes, dont elle devient bientôt la gouvernante.
Ayant réussi le concours d’entrée à l’école normale, Marius commence son année le 1er octobre 1937 à l’établissement de Nîmes, qui se trouve à quelques centaines de mètres de l’appartement de sa mère. La promotion compte vingt élèves, tous internes. Ceux-ci se baptisent “les conquistadores vers des étoiles nouvelles” et éditent une carte de visite figurant, à côté de ce titre, deux caravelles toutes voiles dehors. Passionné de dessin, Marius Duport fait de nombreuses caricatures d’enseignants et de surveillants. À l’issue des deux premières années de sa formation, le directeur brosse le portrait suivant : “Élève intelligent, mais original et posant à l’original au point que nous avons eu parfois des doutes sur son parfait équilibre mental. Travailleur fantaisiste, donnant des soins à ce qui lui plaisait en négligeant délibérément le reste. Caractère très personnel parfois un peu difficile. Capable, s’il veut s’en donner la peine, de bien réussir comme instituteur.”
Le 28 novembre 1939, Marius Duport est incorporé au 163e régiment d’infanterie, stationné à Narbonne, puis affecté, à Sète, le 11 décembre, à l’École d’officiers de réserve, puis, le 15 avril 1940, au centre EOR de La Courtine, dans la Creuse, et enfin à Fontenay-le-Comte, en Vendée. Toutefois, son attitude antimilitariste lui vaut de nombreuses sanctions.
Lors de la campagne de France, son frère Henri, qui avait été mobilisé au 25e régiment d’artillerie, est fait prisonnier. Après l’armistice de juin 1940, Marius Duport est maintenu dans l’armée et affecté, le 9 décembre, au 43e régiment d’infanterie alpine, stationné au camp de Carpiagne, à Marseille. En janvier 1941, il est détaché au fort de la Tête de Chien, au mont Agel, au nord de Monaco. Puis, en avril 1942, il est muté au 405e régiment d’artillerie, à Marignane, avant sa démobilisation, à la fin de septembre.
Libéré de ses obligations militaires, Marius Duport est nommé instituteur à Vallongue, un hameau de L’Estréchure, une petite commune des Cévennes, dans le nord-ouest du Gard. La mairie y a loué une pièce au premier étage d’une ferme afin de scolariser les enfants du lieu. Lui-même loge dans le village, où il loue une chambre, et prend pension pour les repas à l’Auberge cévenole, tenue par les Pellequer, avec lesquels il se lie d’amitié.
Avec un copain, Jules, dit “Julot”, que menace le STO, il décide, après mûres réflexions, de s’évader de France par l’Espagne, afin de rejoindre l’Afrique du Nord, pour reprendre le combat. Le 19 décembre 1942, profitant des vacances de Noël, Marius Duport quitte L’Estréchure. Officiellement, il se rend chez sa mère à Nîmes. Après un retour à L’Estréchure le 31 décembre pour le repas du réveillon avec les Pellequer, il se fait photographier avec sa mère et l’abbé Duplan, le 1er janvier, puis les deux jeunes Nîmois partent en train, le lendemain soir, jusqu’à Pau et tentent, en vain, de trouver un passeur à Navarrenx.
À défaut, ils se dirigent vers les Pyrénées-Orientales, à Amélie-les-Bains, région que Julot, qui parle catalan, connaît bien. Là, ils échangent leurs francs contre des pesetas et se dirigent vers Prats de Mollo, où ils arrivent le 6 janvier vers 3 heures du matin. Là, un passeur les guide jusqu’au col de Prats, qu’ils atteignent avant le lever du jour, puis ils redescendent côté espagnol en direction de Molló. Se cachant le jour dans un bois voisin, ils reprennent leur marche, sur la route ou à travers la montagne, vers Camprodon, Ripoll et La Farga de Bebié, près de Montesquiu, où ils sont pris en charge par des ouvriers de l’usine Hispano-Suiza. Là, ils sont conduits jusqu’à la gare, et ils embarquent, le 8 janvier, à bord d’un train pour Barcelone.
Alors qu’ils descendent sur le quai, un policier espagnol leur demande leurs papiers. Ils sont arrêtés et conduits, le 10 janvier, en prison.
Profitant de la venue d’un prêtre à l’occasion d’une exécution, Julot obtient d’être entendu par lui, sous prétexte d’une maladie simulée, et lui remet une lettre de recommandation pour l’ambassadeur du Royaume-Uni à Lisbonne qu’on lui avait confiée à Amélie. Grâce à ce sésame, Julot peut être libéré le 3 avril, suivi par Marius le 10. Hospitalisés à l’hôpital français de Barcelone, puis logés à l’hôtel Pablo, rue San Pablo, aux frais du consulat britannique, les deux hommes prennent, le 1er mai, un train pour Setúbal, au Portugal, puis embarquent sur le Sidi Bahim, qui arrive à Casablanca le 3 mai.
Pris en charge par le commandant Thomas, recruteur des Forces françaises libres, ils signent leur engagement le 6 mai à Marrakech et rejoignent la Tunisie en bus. Quatre jours plus tard, Marius arrive à l’oued de Garci, où est installé la 22e compagnie nord-africaine du capitaine Lequesne, l’une des unités de la 1re division française libre, engagée dans les derniers combats de la campagne de Tunisie.
Devant l’afflux de volontaires, la 22e CNA devient un bataillon et prend le nom de 22e bataillon de marche nord-africain. Affecté à la 3e compagnie du lieutenant Piobetta, agrégé de philosophie dans le civil, l’aspirant Duport assure le commandement de la 2e section, tandis que Léon Fétat, instituteur à Sfax, prend la tête de la 1re section.
Au début de 1944, la 1e DFL, qui avait fait la guerre du désert au sein de la 8e armée britannique, est rééquipée et réarmée sur le mode américain. Au terme de plusieurs mois d’entraînement sur ce nouveau matériel, la division est autorisée à rejoindre le corps expéditionnaire français du général Juin en Italie. Marius Duport, promu sous-lieutenant le 25 décembre 1943, embarque le 18 avril à bord du cargo Ranchi qui conduit le 22e BMNA jusqu’à Naples.
Depuis des mois, les Alliés tentent en vain de percer la ligne Gustav. En désespoir de cause, le général Alexander finit par accepter le plan du général Juin, qui propose d’attaquer aux Monts Aurunci. Dans ce plan, la 1e DFL doit s’emparer de la boucle du Garigliano.
Le 11 mai à 23 heures commence l’offensive. Dès la tombée de la nuit, la 3e compagnie a pris position près de Santa Maria di Mortola, tandis que la 2e compagnie doit se présenter devant la passerelle qui lui permettra de traverser le Garigliano. Sous les tirs de mortiers allemands, les Français atteignent les collines boisées au nord de Conventi au milieu de l’après-midi. La 3e compagnie s’y installe en position défensive, dans la perspective d’une éventuelle contre-attaque pendant la nuit.
Dans l’après-midi du 13 mai, la 3e compagnie, à l’aile droite du bataillon, se lance à l’attaque des crêtes de la Stramma. Appuyée par les blindés du 3e régiment de spahis marocains, elle parvient à atteindre le col de Morroni et à s’installer sur les pentes est. À 18h55, elle annonce par radio au PC du bataillon de violents tirs d’artillerie sur le Morroni. Blessé, le sous-lieutenant Duport a une fracture ouverte à la jambe droite, des plaies par éclats au talon droit et à la jambe gauche et une plaie pénétrante au cou. À la tombée de la nuit, vers 21 heures, il est évacué vers l’ambulance Hadfield-Spears, à San Clemente, où il arrive trois heures plus tard. Le 14 mai, à 4 heures du matin, le capitaine médecin Guenon et le lieutenant d’administration Duprey constatent sa mort.
Il est inhumé le 15 mai au cimetière divisionnaire n° 1, à Campo Gallucio, commun à la 1re DFL-DMI et à la 2e division d’infanterie marocaine (2e DIM).
Le 30 août 1944, le 22e BMNA occupant Uzès, dans la foulée du débarquement de Provence, le capitaine Palenc, commandant en second du bataillon, se rend à Blauzac pour informer sa mère de la mort de Marius.
Commence le temps des hommages. En 1945, M. Mazier, président des anciens élèves de l’École normale de Nîmes, prononce un hommage aux anciens normaliens morts pour la France dans lequel il évoque le parcours de Marius Duport. Le 19 novembre 1945, il est nommé par décret chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume, comportant l’attribution de la croix de guerre 1939-1945 avec citation à l’ordre de l’armée. La citation indique : « Jeune officier évadé de France, plein de verve et d’enthousiasme, a été atteint d’un coup direct de mortier. Est mort après de longues souffrances. Ses dernières paroles ont été : “Je meurs pour la libertéˮ. »
Lorsque le général de Gaulle décide d’ériger au Mont-Valérien, lieu d’exécution de nombreux résistants et otages sous l’Occupation, un monument commémoratif aux “morts pour la France” de la Seconde Guerre mondiale, plusieurs noms lui sont soumis. Parmi eux, quatre combattants de la 1re DFL sont retenus : le caporal Antonin Mourgues, du BIMP, tué le 1er novembre 1942 dans les combats d’El Alamein, le sous-lieutenant Marius Duport, du 22e BMNA, mort le 14 mai 1944 pendant la campagne d’Italie, le tirailleur tchadien Naboulkede, du BM24, tué le 22 août 1944 à La Garde, dans la foulée du débarquement de Provence, et le canonnier Georges Brière, du 1er RFM, tué le 25 novembre 1944 dans les Vosges.
Pour le général Saint-Hillier, le choix du Général a été mû par son désir d’honorer un enseignant. Or, si le lieutenant Piobetta, commandant de la 3e compagnie du 22e BMNA, avait également trouvé la mort au Garigliano, il était déjà compagnon de la Libération. Les dernières paroles de Marius Duport l’ont sans doute également guidé dans son choix.
Le 11 novembre 1946, ses restes sont déposés dans une crypte provisoire, avant de rejoindre le Mémorial de la France Combattante, inauguré le 18 juin 1960. Ses restes reposent dans le caveau n° 15.
Sa mémoire demeure localement. Une rue porte son nom à Nîmes depuis le 13 mai 1973, à Salon-de-Provence depuis le 20 février 1977. Une plaque commémorative a été apposée dans la cour de l’école d’honneur de l’École normale de Nîmes et à la mairie de L’Estréchure. Enfin, le stade de Blauzac a été baptisé “Marius Duport” le 5 juin 1982.
Bibliographie
Giovanni Gareli, Marius Duport, un Gardois de la 1re DFL, officier au 22e BMNA, Nîmes, Christian Lacour, 1994.
Service historique de la Défense, château de Vincennes, dossier GR16P202092.